Accueil Politique PMA sans père: « On transforme l’humanité, et le monde entier semble ne pas s’en soucier »

PMA sans père: « On transforme l’humanité, et le monde entier semble ne pas s’en soucier »

Un extrait du livre d'Agnès Thill


PMA sans père: « On transforme l’humanité, et le monde entier semble ne pas s’en soucier »
Agnès Thill. Photo: Magali Delporte.

Dans cet extrait du livre d’Agnès Thill Tu n’es pas des nôtres (L’Artilleur), la députée de l’Oise revient sur la PMA pour toutes. Virée de « En Marche », elle y livre une suite de questionnements simples, mais qui interpellent.


On m’a bien assez reproché de l’avoir dit, mais c’est la vérité : désormais la filiation reposera sur l’amour, sur l’intention. Mais tous les divorcés se sont aimés un jour.

Cette filiation par reconnaissance, par intention d’être parent, suppose et laisse croire que cette intention est éternelle. Car dans leur pays tout neuf l’amour est éternel, comme au début de l’histoire de tous les couples. Intention irrévocable ? L’amour d’un enfant, dira-t-on, est différent. On ne divorce pas de son enfant. Mais il y a tout de même un paradoxe : un homme qui a l’intention d’être père, qui reconnaît son enfant sans en être le père biologique, peut aujourd’hui se voir contester cette filiation par ce même enfant.

Soyons donc cohérents : puisque c’est désormais l’intention qui fait de vous un parent, jetons aux orties l’acte en recherche de paternité ! Et reconnaissons, nouveau paradoxe, que le donneur de sperme n’a jamais eu l’intention d’être père…

Les mêmes créent le congé paternité parce que « le lien père-enfant dès le plus jeune âge est important, pour donner du temps aux pères ». Ils sont insupportables d’incohérences!

Quant à moi, je revendique mon droit de femme, mon droit d’élue, mon droit de personne humaine de continuer à toujours poser les simples questions qui m’ont valu d’être exclue de La République En Marche. Questions taboues, et pourtant si fondamentales :

— Est-ce que la procréation est une technique ?
— Est-ce que tout désir a vocation à être assouvi ? Est-ce à la société d’assouvir un désir individuel ?
— Est-ce à la société de prendre en charge, par la Sécurité sociale, un désir individuel ?
— Est-ce à la société de prendre en charge l’éviction des pères dans l’éducation des enfants ?
— Quel est le sens de la médecine ? Est-elle réparatrice, soignante, ou doit-elle œuvrer pour la satisfaction de désirs personnels ?
— Qu’est-ce qu’un progrès ?
— Est-ce parce qu’on peut le faire qu’on doit le faire ?
— Est-ce mon rôle de parlementaire de créer les conditions pour qu’un enfant naisse et grandisse sans père ?
— Est-ce qu’un père est utile ? Nécessaire ?
— Comment nous situer nous-mêmes par rapport à nos souffrances, à nos désirs ?
— Qu’est-ce que la liberté ? Une conquête de droits à l’infini ? Au risque de nous perdre dans l’illusion d’une surpuissance humaine ? Ou la liberté s’inscrit-elle dans les limites, qui protègent et soumettent ?
— Où allons-nous ainsi, jusqu’où, dans ce monde sans limites ?
— Quel est le sens d’une vie par don de sperme ?

Je réclame un débat depuis un an. La simple possibilité d’échanger sur ces sujets fondamentaux, de réfléchir aux conséquences, mais nenni, on ne discute pas, on n’échange pas, on ne partage pas ! Ça, c’était avant, en 2016. Mon (ex-)parti veut cela, et c’est cela qu’il y aura. Impossible d’en parler, d’en débattre, d’échanger, de poser des questions légitimes, parce que c’est être « homophobe ». Ci-gît la nouvelle démocratie…

Où est la dignité de l’homme quand il est réduit à ses gamètes ? Où est la dignité de la procréation quand elle est réduite à une technique ? Qu’est-ce que la procréation ? Seulement une technique ? Et un donneur de sperme, c’est seulement un donneur de sperme ? On n’a pas la même conception du monde, de la vie, de l’homme, de la procréation. Mais ils ont le devoir de l’accepter, au lieu d’injurier. Où est la dignité de la femme quand elle est réduite à son régime matrimonial ou à son orientation sexuelle ? Elle est femme avant tout, comme toutes les femmes. On doit légiférer pour un corps social. À force de légiférer pour des groupes et des communautés et des individus, et pourquoi pas les roux et les chauves ? Chacun tire son propre intérêt de son côté et c’est la loi du plus fort. On crée les communautarismes contre lesquels on prétend lutter.

Et qu’on ne vienne pas me dire : « C’était une promesse de campagne ! » Et alors ?… Un enfant n’est ni un objet, ni une idée, ni une promesse de campagne. Le remboursement de la PMA par la Sécurité sociale, ce n’était pas une promesse de campagne. Multiplier les femmes seules avec enfants, on s’est bien gardé de le dire et de le promettre. Que des enfants naissent et grandissent sans père, ça n’était pas dans notre programme, ni promis ni vanté. Tactique électorale oblige : il aurait manqué quelques voix. Malhonnêteté, quand tu nous tiens…

Quant aux arguments pour femmes seules, ils sont fallacieux ! Ils prétendent qu’avoir un enfant seule est voulu et donc que cela change tout, mais moi aussi j’ai voulu ma situation de femme seule avec enfant, cela ne change en rien les difficultés quotidiennes de tout gérer seule ! Ils prétendent qu’avoir un enfant seule est voulu, que c’est un projet, et donc que tout est prévu, autant financièrement qu’au niveau des amis, des accompagnements, des présences autour de l’enfant.

Mais ne savent-ils donc pas que le temps passe ? Que ce qui est vrai à la naissance d’un enfant ne l’est plus quelques mois, quelques années plus tard ? Que la grand-mère sera peut-être décédée, que les amis auront déménagé, que vous vous serez fâché avec le parrain, que vous ne verrez plus ceux-là, et que la vie va devant, vous aurez d’autres amis… Mais le père et la mère, eux, demeurent normalement

En quoi est-ce un progrès, honnêtement, de naître auprès d’une femme seule ? Ils nous disent : « Elles existent, il faut sécuriser les enfants. » En quoi accepter la situation sécurise-t-il les enfants ? En quoi ceux qui existent ne sont-ils pas en sécurité ? Aucun de leurs arguments n’est valable. On transforme l’humanité et le monde entier semble ne pas s’en soucier. Cette société de consommation et d’individualisme nous a conduits à cela : si le baril d’essence n’augmente pas, on peut faire passer ce qu’on veut là-haut. C’est inquiétant.

Les Gilets jaunes ont exprimé leur détresse, et nous n’avons rien d’autre à proposer qu’un nouveau marché, celui de l’Homme. Comme si nous ne voyions rien, comme si nous ne comprenions pas. Les mêmes créent le congé paternité parce que « le lien père-enfant dès le plus jeune âge est important, pour donner du temps aux pères ». Ils sont insupportables d’incohérences ! Malhonnêteté du refus de la petite voix discordante : en quoi suis-je donc un danger pour mon groupe parlementaire de trois cents élus ? Et s’ils avaient simplement peur que je n’éveille les consciences ? Étrange démocratie. Notre époque aime les lanceurs d’alerte. J’ai donc été, pendant toute la préparation parlementaire de la loi, lanceuse d’alerte. Et je continuerai. Ils voulaient que je me taise, ils ont cru que je me tairais, c’était sans compter avec la joueuse d’échecs que je suis, sans compter avec la gosse issue du 93 que je suis. On ne grandit pas dans le 93, on ne sort pas du 93 et de mon histoire sans une certaine obstination ! Éveilleuse de consciences. Comment croire aujourd’hui le beau discours aux Bernardins : « J’appelle et j’attends de vous votre liberté de parole qui laisse libre et interpelle les consciences. » J’étais cette liberté de parole qui laisse libre et… ils l’ont bâillonnée.

Tu n'es pas des nôtres !

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Députée de la deuxième circonscription de l'Oise

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