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Punaises de lit et rats, pas le même combat

Des fléaux à géométrie variable


Punaises de lit et rats, pas le même combat
D.R.

Dans l’hilarité générale, les rats avaient été renommés «surmulots» par une élue EELV il y a quelques années. Dans la période trouble que nous traversons actuellement, les punaises devraient elles aussi avoir le droit à un petit surnom, pour ne pas être stigmatisées.


Mais où est passé l’antispécisme? À la mairie de Paris, c’est le branle-bas de combat. L’heure est à la mobilisation générale pour éradiquer un envahisseur à six pattes et son armée pléthorique composée de fantassins de sept millimètres avides de sang qui colonisent les fauteuils de cinéma, squattent les appartements ou errent sur les barres métalliques du métro à la recherche d’un hôte charitable.

Au début discrètes et quasi invisibles, ces minuscules bestioles deviennent de plus en plus envahissantes à mesure que le temps passe, se reproduisant à une vitesse grand v et laissant les propriétaires assiégés, complètement désarmés. Couvertes de piqures et le visage cerné, les victimes de cette invasion massive finissent par se mettre sous Xanax tant la lutte contre ces nuisibles est difficile et angoissante.

Psychose : des Parisiens n’osent plus descendre dans le métro

Entre 2017 et 2022, plus d’un foyer français sur dix aurait été infesté par ces petits vampires sur pattes. Et aujourd’hui, la psychose a gagné toute la population: les cinémas ont vu leur fréquentation baisser – même si Barbie a été épargné -, les gens se regardent de travers, les Parisiens privilégient la trottinette et le vélo pour se déplacer…

Devant le fléau engendré par cette bête immonde, le premier adjoint à la mairie de Paris, en charge de l’urbanisme, Emmanuel Grégoire a demandé en urgence au gouvernement de mettre en place un plan d’action pendant que l’opposition de droite fustige l’inaction d’Anne Hidalgo devant l’ampleur du phénomène.

Paris n’est plus une ville refuge

Mais au regard de l’imprégnation de l’antispécisme dans les esprits des élus parisiens (PS et EELV), on ne peut que s’étonner de l’absence d’empathie et de fraternité pour ces punaises de lit qualifiées, sans aucun ménagement, de « nuisibles » qu’il faudrait impérativement éradiquer par tous les moyens. La cruauté dont fait preuve la mairie de Paris est, en effet, bien surprenante. Pourquoi les punaises de lit n’ont-elles pas le même traitement de faveur, le même accueil solidaire et humain qu’ont reçu jusqu’à ce jour les neuf millions de rats, pardon de « surmulots » ? Elles aussi, elles devraient avoir le droit à un petit surnom pour ne pas être stigmatisées. Elles aussi, elles devraient bénéficier d’une cohabitation fraternelle avec les humains qui, eux, devraient être sommés de faire preuve d’amour, de curiosité et de tolérance pour mieux comprendre leurs modes de vie, pour mieux s’adapter à leurs exigences et respecter leurs désirs quotidiens – du sang, principalement.

A lire aussi, Elisabeth Lévy: Punaises de lit: charivari contre Pascal Praud

Oui : nous sommes surpris de pas entendre la nouvelle adjointe à la Santé qui a remplacé Mme Anne Souyris, l’amoureuse des rats, enjoindre les Parisiens à se laisser coloniser et à accepter les petites morsures dans leurs chairs. Car après tout, non seulement les punaises ne transmettent pas de maladie[1], mais surtout il faut savoir souffrir pour être digne de Gaia.

Quant au redoutable défenseur du moustique et pourfendeur de viandards, Aymeric Caron, élu du 18e arrondissement, il semble atteint du mutisme de la carpe. Notre prêcheur en chef de l’antispécisme et du véganisme semble s’être muré dans le silence, au lieu de se dresser comme un seul animal pour défendre le droit inaliénable des puces à disposer d’elles-mêmes.

Aymeric Caron démissionne

« Lorsque l’homme méprise une forme de vivant qui lui est extérieure, il s’attaque donc en réalité à une partie de lui-même », affirmait le député philosophe dans son essai Antispéciste : réconcilier l’humain, l’animal, la nature (Don Quichotte, 2016), véritable petit livre vert pour faire avaler l’idée selon laquelle un animal est un homme qui s’ignore, que tout homme aurait pu naitre animal et qu’homme, animal et plante font chacun partie du Vivant et sont tous égaux en droit. Autrement dit, Aymeric Caron aurait pu naitre punaise de lit. Apparemment il a préféré rester poisson rouge et avoir la mémoire courte. Car face à l’invasion et au plan d’éradication, c’est la grande démission. Les grands protecteurs du Vivant auraient-ils oublié leurs combats ? À Lyon, on attend toujours la performance d’un militant adepte de l’éco sexualité qui viendrait se frotter sur un matelas couvert de punaises de lit !

Bref, il faut en conclure que tous ces révoltés de la terre oublient leurs convictions antispécistes quand il s’agit des punaises de lit. Ils les excluent sans vergogne du domaine du Vivant dont ils se targuent d’être les grands protecteurs. Par leur inaction et par leur silence, ils rétablissent une distinction entre l’homme et l’animal qu’ils étaient parvenus à réfuter. La discrimination bat donc son plein. Les rats, eux, peuvent continuer à se la couler douce, mordre les éboueurs et leur transmettent la leptospirose, maladie jugée par Mme Souyris comme quasi-bénigne…

Si Jean de La Fontaine existait toujours, il nous aurait écrit une fable aussi caustique que drolatique avec pour chute une morale érigée en principe de comportement. Mais, en 2023, les La Fontaine ne courent pas les rues. Contrairement aux rats parisiens.

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[1] Elles rendent simplement dingue, et dépressif !




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