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Aménagements de façade à la Maison-Blanche


Aménagements de façade à la Maison-Blanche

À en croire les augures les plus sérieux, la présidentielle américaine est donc pliée depuis longtemps. Soit. L’élection d’Obama sera bien évidemment décrétée historique par les commentateurs du monde entier, pour l’unique raison qu’elle ferait entrer les Etats-Unis dans une « ère post-raciale » dont les contours, valeurs et agencements politiques et sociaux sont encore bien flous. Mais bon, on ne pourra empêcher les thuriféraires français du métissage généralisé des races et des cultures de faire de cette victoire la leur, et de devenir pour quelques mois des americanolâtres aussi béats qu’ils furent des américanophobes rabiques au temps de George W.Bush.

Ils risquent pourtant d’être rapidement désappointés s’ils croient que l’entrée d’un métis à la Maison Blanche entraînera une révision déchirante de la politique extérieure des Etats-Unis. Le scénario selon lequel le gendarme du monde se métamorphoserait à partir de janvier 2009 en grand frère sympa de tous les peuples de la terre, compatissant aux misères des pauvres, jetant aux orties le concept « d’axe du Mal » et prenant ses distances avec Israël est sans aucun doute le moins probable.

On avait certes pu entretenir quelques illusions – ou craintes – en ce sens à l’écoute des propos d’Obama pendant les primaires démocrates qui l’ont opposé à Hillary Clinton. Son discours sur l’Irak, l’Iran et le conflit du Proche-Orient sonnait alors plus « à gauche » que celui de sa rivale. Retrait sans délai des troupes d’Irak, dialogue sans conditions avec Téhéran : sur ces questions cruciales, le candidat à l’investiture Obama s’était posé en champion de la rupture radicale avec la politique extérieure de l’administration Bush.

Une fois la nomination acquise, les choses ont rapidement changé. L’arrivée massive des « clintoniens » dans l’entourage du candidat – qui a d’ailleurs provoqué quelques frictions avec les fidèles de la première heure du sénateur de l’Illinois – pousse le candidat vers des positions plus centristes et l’incite à gommer les aspects les plus radicaux de la doctrine Obama première manière.

Le tournant a lieu au cours de l’été 2008, quand d’anciens membres de l’administration Clinton prennent les commandes d’un imposant staff de conseillers en politique étrangère qui ne compte pas moins de trois cents personnes réparties en vingt groupes régionaux et thématiques. Anthony Lake, ancien président du Conseil national de sécurité, en assure la coordination. Il s’appuie sur des « sages » comme les deux anciens secrétaires d’Etat Madeleine Albright et Warren Christopher, et sur des « pointures » comme Dennis Ross pour le Moyen-Orient et Susan Rice pour l’Afrique.

La plupart ont été, au moins au début, favorables à l’intervention en Irak, et ne remettent pas en cause la priorité accordée à la lutte contre le terrorisme par tous les moyens – y compris militaires. Ils critiquent néanmoins vivement l’administration Bush pour le caractère primitif de sa gestion des conflits et sa propension à négliger la diplomatie, cet « art politique d’Etat » (statecraft). Or, selon eux, la défense des intérêts américains dans le monde repose sur une combinaison sans cesse réactualisée de diplomatie et de hard power militaire.

Ces conseillers observent que le refus obstiné du dialogue avec l’Iran d’Ahmadinejad n’a pas freiné l’avancée de ce pays vers l’acquisition de l’arme nucléaire, bien au contraire. Pour autant, l’équipe d’Obama ne fait pas sienne l’idée de certains analystes militaires et stratégiques qui pensent que les Etats-Unis pourraient très bien vivre avec un Iran nucléarisé, et même que la région en serait stabilisée grâce à l’équilibre de la terreur ainsi établi avec l’autre puissance nucléaire régionale, Israël. Résultat, le discours d’Obama sur la nécessité d’entamer sans condition préalable un dialogue au sommet avec Ahmadinejad a été relativisé au point d’être rendu inopérant : « Pour être fructueux, ce dialogue doit être préparé en amont, déclare ainsi Dennis Ross au quotidien israélien Haaretz, aussi bien avec nos alliés européens et israéliens qu’avec les dirigeants de Téhéran. (… ) J’estime pour ma part qu’un Iran nucléaire est aussi une menace pour les Etats-Unis. » Bref, ce « dialogue sans condition » a tout d’un dernier avertissement avant l’escalade.

La rupture avec l’utopie néo-conservatrice d’un « grand Moyen-Orient prospère et démocratique » ayant déjà été opérée au cours du second mandat de G.W. Bush, il y a donc fort à parier que, concernant les principaux dossiers qu’il trouvera dans le bureau ovale, Barack Obama pratiquera le changement dans la continuité. Il pourrait même dès son arrivée engranger les premiers succès liés à la politique de son prédécesseur : stabilisation de la situation en Irak grâce au surge (sursaut) du général Petraeus, et renforcement de l’autorité de Mahmoud Abbas en Cisjordanie, liée à la mise sur pied d’une force de sécurité performante qui doit beaucoup au général américain Dayton.



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