Accueil Médias Médine, Civitas, le JDD, Télérama et Libération

Médine, Civitas, le JDD, Télérama et Libération


Médine, Civitas, le JDD, Télérama et Libération
Marine Tondelier débattait avec le rappeur Médine, hier soir au Havre, malgré le tweet à connotation antisémite adressé à Rachel Kahn quelques jours plus tôt © ISA HARSIN/SIPA

Du « point de détail » à « resKHANpée », comme le temps passe…


Si j’ai bien compris : « le fascisme ne passera pas » – et il faut boycotter le JDD. Mais si j’ai bien compris aussi : pour l’antisémitisme, il faut voir, en « discuter » comme dit Marine Tondelier, de EELV. Elle va donc en discuter avec son invité à l’Université d’été : Médine – le rappeur drôle, auteur entre autres de jeux de mots en hommage à Jean-Marie Le Pen (« Durafour crématoire ») : comme « ResKHANpée » (à propos de Rachel Khan, l’essayiste). C’est vrai que cela justifie qu’on en discute, chère Marine Tondelier. 

Un peu comme on a discuté du « point de détail » de Jean-Marie Le Pen à l’époque. Ah ? On n’avait pas discuté du « point de détail » ? On avait immédiatement été outré – et Jean-Marie Le Pen, hué ? 

Les temps changent. « ResKHANpée », on va en « discuter ». Marine Tondelier a promis. Sur la quenelle aussi (hommage-allégeance à Dieudonné), faite par Médine ? Sur la première partie assurée par Médine, lors du meeting d’un suprémaciste noir, homophobe et antisémite, aussi, on va « discuter » ? 

En tout cas, on n’en discutera pas seulement chez EELV. À peine la polémique née, à propos de l’antisémitisme du tweet de Médine, le parti de « l’obsédé du Crif » l’invite à ses universités d’été : il a gagné ses galons, Médine. La bonne blague antisémite suffit à le faire inviter chez LFI. Et L’Humanité d’embrayer (précision : pour éviter que L’Huma ne disparaisse, j’ai fait partie des – modestes – donateurs de L’Huma, des « Amis de l’Humanité », pour que le pluralisme vive, tout simplement). L’Huma, donc, embraie – et Médine est invité à la Fête de l’Humanité. Si Jean-Marie Le Pen avait su… : il suffisait d’attendre.


Avouez que le déroulé des évènements fait un peu peur. D’ailleurs Clémence Guetté, députée LFI et co-présidente du « think tank » de son parti (Institut La Boétie), parle de « panique morale », à propos de ceux qui sont stupéfaits par la bénédiction donnée au tweet antisémite par son parti (puisque l’invitation est maintenue, et n’a fait l’objet d’aucun désaveu dans ledit parti). 

Dans « panique morale », il y a « morale », qui semble en effet, pour de basses raisons de « popol » électorale, avoir déserté les rangs de LFI. Quant à la « panique », nous n’en sommes vraiment plus là. 

C’est simplement, épidermique, une indignation banale contre un tweet honteux : « resKHANpée », franchement… Vous trouvez ça drôle ? C’est à Camus que je pense aujourd’hui : « Il n’y a pas de hasard à choisir ce qui vous déshonore » (Carnets). Il y aussi : « Il est ahurissant de voir la facilité avec laquelle s’écroule la dignité de certains êtres. » Et puis ceci encore : « Il y a toujours une philosophie pour le manque de courage. » 

Oui, Marine Tondelier, oui Clémence Guetté : au nom de certaines valeurs – que vous ne partagez sans doute pas, votre conduite et vos mots l’attestent aujourd’hui –, on peut dire « NON ». Si on dit « oui » à Médine : soit on est antisémite, soit on n’a aucun courage. Dans les deux cas, on se salit.

Mais ce n’est pas tout, hélas. Après 15 jours de vacances, Télérama sort ce mercredi 16 août – bien après le début de la polémique Médine. Titre de l’édito : Haine ouverte, avec une photo d’une manifestation où est brandie une pancarte : « L’antisémitisme est un délit Pas une opinion. » Je me dis : « Tiens, Médine, Télérama prend position… » Ben, non : dans Télérama, l’antisémitisme-à-abattre est bien sûr à « l’extrême-droite », du côté des « catholiques intégristes » (sic) – l’officine Civitas, qui concerne trois pelés. 

Pas un mot dans l’édito-qui-dénonce-l’antisémitisme sur le tweet antisémite de Médine : l’antisémitisme d’une « certaine gauche » est invisible pour la gauche Télérama – cela n’existe pas. Télérama l’a effacé, cancelé – pour recycler le vieux réflexe, la pavlovienne association « extrême droite – antisémitisme ». Le problème aujourd’hui, c’est que l’antisémitisme est plutôt résiduel à l’extrême droite – trois pelés de Civitas – et de plus en plus présent à gauche et à l’extrême-gauche (vieille tradition dont le capitaine Dreyfus se souvient sans doute). 

Bref, bonne blague de Télérama, qui se donne bonne conscience en condamnant Civitas, et en taisant l’invité de LFI, de EELV et de la Fête de l’Huma, auteur d’un tweet digne du Jean-Marie Le Pen de la grande époque. Télérama n’est pas « péguyste » : « Voir ce qu’on voit, dire ce qu’on voit » – très peu pour eux.

On continue la chronique ? Toujours la même semaine : lundi 21 août, dans Libération, deux pages avec Manuel Bompard, le numéro un du « parti de l’obsédé du CRIF » : de la popol dans la grande tradition de la Pravda. Stupéfiant : pas un mot sur Médine, l’antisémitisme à gauche, la crise à EELV (qui fait partie de la Nupes) provoquée par Médine, invité par LFI aussi, etc. Non : la Nupes et son unité, les élections européennes, Olivier Faure, etc. 

D’accord, c’est la rentrée et il faut en parler – mais éviter ainsi le dossier qui pollue toute la rentrée politique de cette « gauche » qui ne connaît pas la « (panique) morale » ? Chapeau. 

Et – j’allais oublier – dans le même Libé, que je lis tous les jours (comme Le Figaro et Le Monde) : UNE PAGE sur le fameux mouvement des trois pelés « catholiques intégristes » (sic), Civitas, pour dénoncer l’antisémitisme de Civitas (trois pelés) : « Quand l’extrême-droite ment sur la France d’avant 1789 », par Peter Sahlins, professeur honoraire à Berkeley.  

Question : et « quand l’extrême-gauche ment sur la France de 2023 ? », ça donne quoi ? Ça donne Libé de ce lundi, avec l’entretien lunaire de Bompard et cette page sur Civitas.

Je résume : Civitas : trois pelés. Le parti de « l’obsédé du CRIF » : 22 millions de voix aux présidentielles. Mais c’est l’antisémitisme des trois pelés qui est un problème – donc une page dans Libé. A propos de celui de Médine – adoubé par EELV, LFI, L’Huma : zéro question à Bompard. 

Dans le même numéro de Libé, il y a, comme chaque lundi, la chronique de l’inénarrable radoteur en chef Daniel Schneidermann, qui – donc – dit toujours la même chose (Bolloré-Hanouna-Sarkozy-Médiapart-CNews, etc. : 15 mots de vocabulaire), idéologue en chef sentencieux, donneur de leçons que l’on ne lit plus qu’en souriant… et en pleurant : « la vieillesse est un naufrage » – intellectuel. 

Conclusion ? Ce lundi, en lisant ainsi Libé (comme j’avais lu l’édito de Télérama mercredi dernier), j’ai – vraiment – eu l’impression désolante que Libé devenait la Pravda, et que « Bompard, son cynisme, son inculture crasse » avait mis des conditions (ne pas évoquer Médine et l’antisémitisme) à son entretien avec Lucie Alexandre et Sacha Nelken. Je cite les noms de ces deux « journalistes », parce-que leur entretien est une honte et un déshonneur (« jugement » moral – pas « panique », donc). C’est grave pour Libé, qui tait l’antisémitisme supposé du parti (lorsqu’ « il » (Libé) discute avec Bompard) et prend ses lecteurs et lectrices vigilants pour des abrutis. 

La bonne nouvelle ? On a retrouvé le tagueur antisémite de Levallois-Perret. La mauvaise ? Il a été relâché. Faute d’« éléments suffisants », il a été « laissé libre avec poursuites en préliminaire pour infirmer ou confirmer son implication. » La vie continue. L’antisémitisme est une idée neuve – surtout à gauche.



Vous venez de lire un article en accès libre.
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !

Article précédent Nos prévisions météorologiques: sale temps pour la gauche!
Article suivant La situation économique énigmatiquement inquiétante de la France
Né à Paris en mai 1968. A collaboré ou collabore à La NRF, Esprit, Commentaire, La Quinzaine littéraire, Le Figaro littéraire, Service littéraire, etc.. A publié récemment "Bréviaire capricieux de littérature contemporaine pour lecteurs déconcertés, désorientés, désemparés" (Editions de Paris, 2018) et "Bien sûr que si !" (Editions de Paris, 2020)"

RÉAGISSEZ À CET ARTICLE

Le système de commentaires sur Causeur.fr évolue : nous vous invitons à créer ci-dessous un nouveau compte Disqus si vous n'en avez pas encore.
Une tenue correcte est exigée. Soyez courtois et évitez le hors sujet.
Notre charte de modération