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L’avortement, un droit fondamental?

Un coup de com du président Macron


L’avortement, un droit fondamental?
Emmanuel Macron lors de son allocution au Parlement européen, à Strasbourg, mercredi 19 janvier 2022 © RAPHAEL LAFARGUE-POOL/SIPA

L’inscription du droit à l’avortement dans la Constitution est promise par les macronistes. L’analyse de Marie-Hélène Verdier.


Le 7 juillet 2022, le Parlement européen « condamnait » le jugement de la Cour suprême des Etats-Unis concernant l’avortement, et appelait tous les pays, en vertu de son magistère vertueux, à inscrire un nouveau droit dans la Charte des droits fondamentaux de l’UE : le droit à l’avortement. Cette nouvelle résolution du Parlement européen avait soulevé, en France, les réactions attendues. Outre que le « droit » à l’IVG n’est pas menacé, il suffit de lire le communiqué du Centre européen pour le droit et la justice (ECLJ) [1], amicus curiae, sur cette résolution, pour ramener à la raison les esprits échauffés.

Que dit le communiqué de l’ECLJ à lire sur You Tube ? D’abord, que cette résolution, simple reflet de l’opinion, mais ultra médiatisée, n’a rien d’exceptionnel, de la part d’un Parlement qui passe un temps — précieux— à émettre des résolutions sur tout. Surtout, qu’elle est inutile et sans lendemain car impossible, politiquement, juridiquement, techniquement. Cette demande exigerait, en effet, si elle était dotée d’un pouvoir contraignant — ce qui n’est pas le cas— l’accord des 27 états membres de l’UE. Or, on sait que Chypre et la Pologne, pour ne citer qu’eux, s’y opposent. Ensuite, elle est contraire à la Charte des droits fondamentaux elle-même dont l’article 51 précise qu’elle n’a pas vocation à créer de compétence nouvelle. Donc, cette résolution, relevant du champ de la santé, et la santé relevant de la compétence des Etats membres, ne peut être suivie d’effet. Enfin, dans aucun traité ni convention d’aucun pays, il n’y a de « droit fondamental à l’avortement » pour la bonne raison que « le droit » à l’avortement est contraire au « droit à la vie », inscrit lui, dans la Charte des droits fondamentaux. Cette résolution n’a donc aucun sens. Elle est même une « supercherie. » On est en droit quand même d’être vigilant.

En déclarant au Parlement européen, le 19 janvier 2022, vouloir « actualiser la Charte des droits fondamentaux pour y intégrer l’environnement et le droit à l’avortement »—ce qu’on appelle  sans doute « écologie intégrale »— le président Macron pouvait-il ignorer que cette promesse était intenable ? A la fin de la présidence de l’Europe, a-t-il dit un mot de ce projet ? Aucunement. A-t-il signé par là son impuissance, ou sa légèreté voire son mépris, vis-à-vis des Européens ? Le président français, on le sait, joue volontiers les importants pour ne pas dire les Matamore. On l’a vu, dernièrement encore, dans la vidéo rendant compte, en direct, d’une conversation avec son ami Volodymyr Zelensky ou celle du G7 le montrant, go between très affairé, auprès des uns et des autres.

Surtout, il est sous la coupe de la Toute-puissante Commissaire européenne, Ursula von der Leyen qui, sans le moindre mandat du peuple français, dirige désormais l’Europe et la France, « surgissant à tout moment », comme l’écrit Marc Baudriller  « comme dans un théâtre de Guignol à la place du président Macron. » Dans son discours à Strasbourg sur l’avenir de l’Europe, le 9 mai dernier, Emmanuel Macron ne proposait-il pas, en accord avec ladite présidente de la Commission, la révision des traités européens, qui renverserait le principe de subsidiarité des Etats et instaurerait une majorité qualifiée dans « les domaines clés » ? Alors, le projet de Macron du 19 janvier, coup de com ou calcul pour occuper les esprits ? Les sujets sociétaux sont les seuls points forts d’un quinquennat qui s’annonce difficile, avec une Chambre loin d’être acquise au président.

A lire aussi : Avortement: la Cour suprême américaine résoudra-t-elle notre crise parlementaire?

In fine, on apprend du gouvernement que l’inscription du « droit fondamental à l’avortement », malgré l’empressement de députés zélés, n’est pas à l’ordre du calendrier législatif. Raison invoquée : l’initiative de cette proposition de loi relève de l’Assemblée et non du gouvernement.

Alors, la morale de l’histoire ? Souvent président varie, bien fol est qui s’y fie. Certes ! Nul doute  plutôt que le président Macron ne prépare, pour les temps favorables, toujours en accord avec les Cours européennes, le bouquet sociétal qui immortalisera son quinquennat : GPA pour tous./te/.s, euthanasie, nouvelle société, nouvelle Genèse. Le marché annuel des gamètes se tiendra en septembre à l’espace Champerret. Manquerait donc, à cet Habeas corpus sans fin qu’est devenu le droit européen auquel le droit français se soumet, le « droit fondamental » à l’avortement, gravé dans les tables de la loi. Jamais l’expression « culture de mort » n’a mieux défini nos « valeurs. » Décidément, l’Europe a perdu la boussole.

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[1] L’ ECLJ est une ONG chrétienne conservatrice internationale, fondée en 1998 à Strasbourg NDLR.



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Marie-Hélène Verdier est agrégée de Lettres classiques et a enseigné au lycée Louis-le-Grand, à Paris. Poète, écrivain et chroniqueuse, elle est l'auteur de l'essai "La guerre au français" publié au Cerf.

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