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Le Hamas aura-t-il la peau de la Nupes?

Attaques du Hamas: la guerre qui ne s'arrête jamais


Le Hamas aura-t-il la peau de la Nupes?
Le représentant d'Israël aux Nations unies, Guilad Erdan, montre la photographie d'une vieille femme otage des Gazaouis, New York, 8 octobre 2023 © Anthony Behar/Sipa USA/SIPA

A l’extrême gauche, certains renvoient dos à dos le Hamas et Israël. L’analyse nationale et internationale des évènements en Israël de Gabriel Robin.


Samedi 7 octobre au matin, presque cinquante ans jour pour jour après le déclenchement de la Guerre du Kippour de 1973, Israël a connu son 11 septembre. Menée depuis la bande de Gaza, l’attaque terroriste du Hamas a fait plusieurs centaines de morts, notamment de civils israéliens et étrangers participant à un festival de musique électronique à proximité de l’enclave palestinienne. Des militaires et des civils sont aussi actuellement retenus en otage.

L’attaque a montré un degré de préparation inédit pour une organisation terroriste parfois qualifiée de second ordre, comparativement notamment au Hezbollah chiite situé à la frontière nord, impliquant des tirs de centaines de roquettes, une infiltration au sol de commandos qui ont ciblé des civils, les prises de plusieurs villages et même des débarquements à bord d’ULM. Israël qui s’est longtemps pensé forteresse imprenable a découvert avec stupeur les failles de son système de défense. Si ce lundi 9 octobre, l’Iran déclarait ne pas être partie prenante de l’attaque, et ne pas avoir fourni d’appui logistique au Hamas, les représentants de cette organisation palestinienne affirmaient le contraire la veille… Et des indices laissent toutefois penser qu’on peut raisonnablement estimer qu’une attaque d’une telle ampleur a été aidée par des puissances étrangères et groupes hostiles, notamment le Hezbollah, l’Iran et la Syrie où se sont réunis à plusieurs reprises les chefs du Hamas au cours des derniers mois.

Ashkelon, Israël, 7 octobre 2023 © Tsafrir Abayov/AP/SIPA

Des réactions unanimes : LFI à rebours

À l’image du conflit en cours en Ukraine, les nations du monde ont réagi différemment à l’assaut du Hamas, ainsi que notre classe politique bien française. Rejoignant globalement le bloc occidental, la France a fermement condamné l’opération de la même manière que l’Union européenne par la voix d’Ursula Von der Leyen, n’hésitant pas à qualifier les actes du Hamas de terrorisme. De fait, c’était bien de cela qu’il s’agissait, considérant que la majorité des victimes étaient des civils innocents, fauchés sans avoir même le temps de se défendre. Si le contexte régional est différent, la comparaison avec les images vues lors des attentats du Bataclan peut être établie, le modus operandi évoquant cette idée de vengeance aveugle contre des civils assimilés à des cibles militaires. Tous les conflits ethniques charrient d’ailleurs cette confusion, évoquant les razzias, la piraterie, ou les massacres antiques que l’Ancien testament ou le Coran décrivent d’ailleurs abondamment.

On aurait donc pu croire que la classe politique française condamnerait unanimement et sans ambiguïté ces actes. Ce ne fut pourtant absolument pas le cas, La France Insoumise et le NPA se distinguant totalement des autres partis politiques. Ne demandant pas la « désescalade » qu’ils appellent constamment de leurs vœux à propos du conflit ukrainien, ils ont pour certains carrément légitimé l’action terroriste. Ainsi du NPA qui a publié le communiqué suivant : « Le NPA ne se joint pas à la litanie des appels à la désescalade. En effet, la guerre contre les PalestinienNEs dure depuis 75 ans et la gauche devrait se rappeler de la solidarité aux luttes contre l’oppression et l’occupation. Le NPA rappelle son soutien aux PalestinieNEs et aux moyens de lutte qu’ils et elles ont choisi pour résister. Nous lançons un appel à l’organisation rapide de mobilisation de soutien au peuple palestinien ». Voilà qui aura au moins le mérite d’être clair. Passons sur les approximations historiques, la Palestine sous mandat britannique ayant connu son lot de combats, l’idée sioniste étant alors déjà née, pour revenir au fond du propos : le NPA a fait l’apologie directe des méthodes terroristes. Il faut d’ailleurs faire la distinction entre la critique de la politique menée par Israël depuis le début des années 2000, parfaitement légitime dans le débat public démocratique, et le soutien à des actes ayant entrainé des assassinats de civils de tous âges. Le deuxième point de vue n’est absolument pas tolérable. Ni même les « pudeurs de gazelle » de Jean-Luc Mélenchon, qui a été incapable de les dénoncer objectivement ainsi que tous les élus LFI, à l’exception notable de François Ruffin.

Citons notamment Louis Boyard qui, dès que les premières images montrant des jeunes femmes trainées par les cheveux au sol, n’a rien trouvé de mieux pour réagir que de dire : « Trop longtemps que la France ferme les yeux sur la colonisation et les exactions en Palestine. Trop longtemps que la France renvoie dos à dos la violence de l’État israélien et celle de groupes armés palestiniens » ! Disons-le tout net : condamner le Hamas ne revient pourtant pas à s’aligner sur Netanyahu et encore moins sur la droite religieuse israélienne. Cette confusion totale dans les esprits embués de LFI leur fait perdre toute humanité, les dévoilant pour ce qu’ils sont, c’est-à-dire des marxistes-léninistes pour qui aucun moyen de lutte ne doit être exclu, y compris la violence la plus aveugle. Le député socialiste de l’Essonne, Jérôme Guedj, a estimé que la question de rester dans la Nupes « se pose » après les déclarations ambiguës de LFI. « Ça me dégoûte de voir et de constater que certains – le communiqué du groupe LFI, les tweets de Louis Boyard, de Jean-Luc Mélenchon et peut-être de quelques autres – ont immédiatement été dans une forme de relativisme, de renvoi dos à dos, d’absence de ce minimum de compassion qui fait notre humanité commune », a-t-il déclaré à la radio.

La députée LFI de Seine-et-Marne Ersilia Soudais devant un stand du BDS. Image d’archive

Notons aussi, de l’autre côté du spectre politique, la naïveté criminelle d’autres acteurs jamais avares d’arguments pour défendre la Russie qui est l’alliée de l’Iran. La théocratie chiite qui l’arme pour bombarder l’Ukraine et qui approuve très officiellement les méthodes barbares du Hamas… Un axe se forme. La période de néo-califat née après le 11 septembre a fait oublier l’astre noir iranien et le danger des nationalismes arabes, mais aussi plus globalement des fanatismes qui s’exercent dans cette grande région du Levant et qui peuvent faire tâche d’huile chez nous.

Une situation insoluble ?

L’Orient est compliqué, c’est certain. Les rancœurs y sont tenaces et souvent justifiées, entrainant des spirales de haine et de vengeance. Aux oppositions religieuses se superposent des oppositions politiques. Le Liban est par exemple un sommet de complexité, ayant reçu des réfugiés palestiniens à la suite des guerres avec Israël qui ont profondément perturbé son fonctionnement. Les chrétiens orthodoxes y sont souvent proches des chiites, et les maronites des sunnites. Les premiers sont farouchement antisionistes, du fait notamment des bombardements de 2006, les seconds moins. Et chaque pays voisin est ainsi tiraillé.

Israël ne fait d’ailleurs pas exception à la règle. C’est une démocratie vive qui était proche de l’explosion il y a encore quelques mois, où les voix dissidentes se font entendre avec force. Certains critiques estiment par exemple que l’accent mis sur la Cisjordanie et la colonisation a fait négliger le front sud, d’autres que les politiques de Netanyahu n’ont pas été de nature à protéger le pays ou se sont avérées injustes. Reste que face à l’horreur terroriste, le choix est aisé. La Ligue Arabe, pourtant travaillée par les opinions publiques respectives des Etats qui la composent, ne s’y trompe pas. Le blocus de Gaza négocié en 2007 après l’accession au pouvoir du Hamas n’est d’ailleurs pas uniquement israélien, l’Egypte étant partie prenante.

Les Etats arabes ont donc adopté différentes attitudes, ceux impliqués dans le processus de paix des Accords d’Abraham ont condamné sans ambiguïté tout en rappelant leur position constante des « deux Etats » désormais caduque. Citons notamment le Maroc ou les Emirats arabes unis. Il n’est pas interdit de se demander si l’opération terroriste du Hamas ne visait justement pas à faire interrompre les discussions en cours entre Israël et l’Arabie saoudite, que les leaders du Hamas installés au Qatar et les Iraniens voyaient d’un très mauvais œil. Donald Trump, il faut le dire, avait été extrêmement habile en provoquant ces discussions tout en amenuisant les conditions du blocus de la bande de Gaza.

Au milieu se trouvent les victimes, civils des deux bords, notamment les Gazaouis otages des décisions des meneurs du Hamas. Israël s’est aussi sûrement trompé en dépouillant le Fatah de toute influence, ce qui a fini par conduire à une aggravation des tensions.

Une logique de blocs plus complexe qu’il n’y parait

L’Orient est miné par des fanatiques mus par des eschatologies enfiévrées. Comme en Europe de l’est et au Caucase où la chute de l’Empire russe puis de l’URSS n’en finit plus de produire ses effets, les secousses résiduelles des guerres mondiales et de la chute des Empires ottomans puis britannique continuent de traverser une région agitée par les conflits de toute éternité. Que faire ? Déjà hiérarchiser. Les idées révolutionnaires auxquelles un parti comme LFI adhère sont des ferments de violence, comme l’ont montré les réactions du week-end. Elles sont non seulement contraires aux intérêts bien pensés de la France mais aussi à nos valeurs les plus essentielles. La France et l’Europe doivent être, dans la mesure du possible, des partenaires de dialogue avec les pays de la Ligue Arabe désireux d’avancer vers la paix et Israël. Les organisations islamistes anti-nationales et les nationalismes arabes révolutionnaires ne sont pas des partenaires crédibles pour discuter sereinement. C’est un paradoxe oriental difficile à admettre mais les ennemis de nos ennemis ne sont pas toujours nos amis… Entendons l’obsidionalité israélienne à l’aune des dangers que ce pays affronte. Entendons aussi le point de vue arabe. Difficile, mais pas impossible. En revanche, nous devons refuser toute importation et instrumentalisation du conflit chez nous, car demain nous pourrions être nous aussi de nouveau la cible d’attaques comparables. LFI en porterait d’ailleurs une partie de la responsabilité.



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Gabriel Robin est journaliste rédacteur en chef des pages société de L'Incorrect et essayiste ("Le Non Du Peuple", éditions du Cerf 2019). Il a été collaborateur politique

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