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Vous reprendrez bien un peu de guerre sainte?

Jan Guillou, "Le Sacre", Le Royaume au bout du chemin III (Agone, janvier 2024)


Vous reprendrez bien un peu de guerre sainte?
L'écrivain franco-suédois Jan Guillou, Stockholm, 2016 © STIG B.HANSEN / AFTENPOSTEN / NTB / NTB VIA AFP

Le dernier tome de la trilogie Le Royaume au bout du chemin de Jan Guillou est republié. Une fantastique épopée du temps des Croisades


Les éditions marseillaises Agone publient le dernier tome de la trilogie de Jan Guillou, Le Royaume au bout du chemin, narrant les exploits d’Arn Magnusson. Le moinillon d’infortune dans une Suède encore viking deviendra templier et ami vaincu du roi victorieux Saladin avant de rentrer enrichi, renforcé et sage dans le Västra Götaland qu’il modernisera et unifiera. De quoi se laisser mener d’Arnäs à Gaza ? There and back again, comme disait Bilbo…

Curieuse chose parfois que le destin des œuvres. Jan Guillou a conçu la trilogie que forment la Promesse, la Quête et le Sacre dans les années 1990, alors que les thèses de la fin de l’Histoire et du choc des civilisations heurtaient les bonnes consciences. Un peu comme aujourd’hui ?

Méfiez-vous de tout le monde !

Agone, maison d’édition indépendante « soucieuse des luttes de notre présent », s’est lancée dans la réédition de cette saga en mai 2023. Et depuis quelques jours, les passionnés du Moyen Âge et de l’univers scandinave ont le dernier tome à se mettre sous la dent. Car cette trilogie « prend à contre-pied la vision traditionnelle d’un Moyen Âge sombre et barbare pour dévoiler l’extraordinaire dynamisme du laboratoire culturel et politique qu’il a représenté. » Et pour cause : son héros, Arn Magnusson, grandit dans une Suède encore sujette aux raids vikings, survit dans une Palestine en pleine croisade, et meurt dans un pays natal fortifié.

Et rien dans ce parcours n’est volontaire : Arn subit l’histoire, comme il subit les décisions des puissants. Car après une formation humaniste aux alentours de 1150, dans des villages boueux et froids du Västra Götaland, Arn s’est adonné au péché de chair avec sa promise, la belle Cecilia. Seul homme compétent à l’épée de la région, une dangereuse compétence, il est condamné à vingt ans de pénitence en Terre Sainte pour exterminer des Infidèles.

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Il y apprend, aux dépens de sa belle tête blonde, que les Infidèles ne sont pas les pires ennemis du Christ. La reprise de Jérusalem par Saladin n’est que la conséquence directe des folies et des bêtises de ceux qui dirigent. D’Héraclius d’Auvergne à Agnès de Courtenay, des empoisonneurs concupiscents aux libidineux notoires, en passant par le pire d’entre eux, Richard Cœur de Lion, le « boucher dément », les noms des coupables que l’on n’enseigne plus en bonne langue franque résonnent comme étonnamment modernes. Déjà au XIIe, « rien ne pouvait être plus grand que de rendre la foi raisonnable » — et Arn, parce que chrétien sachant lire travaille tout autant les textes en latin qu’en arabe ou hébreu.

Si tu veux la paix, prépare la guerre

Et pas la peine non plus de gagner la Palestine pour trouver des ennemis de l’humanité. La pauvre Cecilia, enfermée au couvent où elle accouche dans un cachot, est livrée à la haine d’une Mère supérieure dont « la seule vraie joie… n’était pas l’amour de Dieu, mais la souffrance de son prochain ». Vertu universelle, s’il en est…

Arn a donc survécu au deuxième tome en s’interrogeant, au cœur de Jérusalem–Yerushalaim–al-Quds avec Saladin et son médecin juif Musa sur l’acharnement aveugle de certains à « fouler une terre aussi peu stable en affirmant ne rien voir et ne rien entendre…  mystère de l’existence ». Et le voilà rentrant chez lui, à Arnäs, amenant à sa suite des charpentiers, des forgerons et maîtres écuyers pour convertir son ancien domaine à la guerre moderne, au château-fort et aux douves : « Nous ne préparons pas la guerre. Nous allons construire pour assurer la paix. Quand la guerre est là, on n’a ni le temps ni les moyens de construire. » Si vis pacem, para bellum, disaient les Anciens. Pour le héros, on voudrait espérer qu’il a tort… et pour nous, qu’il n’est pas trop tard.


Jan Guillou, La Promesse, Le Royaume au bout du chemin I, Agone, mai 2023, 453 p.

La Promesse (Le Royaume au bout du chemin t. 1)

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Jan Guillou, La Quête, Le Royaume au bout du chemin II, Agone, octobre 2023, 664 p.

La quête (Le Royaume au bout du chemin t. 2)

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Jan Guillou, Le Sacre, Le Royaume au bout du chemin III, Agone, janvier 2024, 512 p.

Le Sacre

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Agrégée des Lettres et Docteur ès Lettres des Universités d'Aix-Marseille et Autonome de Madrid.

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