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Israël face aux accusations mensongères d’apartheid

La grande confusion de Samy Cohen


Israël face aux accusations mensongères d’apartheid
Soldats israéliens, monts de Judée, 2008 Image: Unsplash.

Le politologue et directeur de recherche à Sciences-Po Samy Cohen postule qu’une politique ségrégationniste existe, mais reconnait toutefois que ce n’est pas exactement comparable à l’apartheid et l’idéologie rencontrée en Afrique du Sud. Cette tribune collective remet les choses à leur place.


Libération a publié le 5 octobre une tribune de Samy Cohen « Israël-Apartheid, la grande confusion ». Ce texte s’inscrit dans le débat autour de l’accusation portée contre Israël de pratiquer l’apartheid. L’auteur écrit notamment que l’apartheid existe, mais pas partout. L’explication de cet apartheid « partiel » se trouve, selon Samy Cohen, dans la victoire d’Israël dans la guerre des Six jours. Il postule que les Palestiniens sont ségrégés, mais que les Arabes israéliens le sont moins, car ils ont « (presque) » les mêmes droits que les Juifs. 

L’auteur ne propose pas d’explication des critères sur lesquels la ségrégation serait fondée, ni de références à la loi. De même, on ne sait pas quels droits seraient refusés aux Arabes israéliens. 

La confusion des arguments de Samy Cohen apparaît notamment lorsqu’il affirme que “la Convention de 1973 s’applique de toute évidence à la situation en Cisjordanie”, car “un système parfaitement ségrégationniste y a été mis en place”. Cela n’empêche pas l’auteur d’écrire quelques paragraphes plus loin qu’[Israël] “n’est pourtant ni l’Afrique du Sud, ni la situation visée par la Convention de 1973”. En réalité, la convention de 1973 définit de manière précise le “crime d’apartheid”, qui couvre un éventail d’actes, “commis dans le cadre d’un régime institutionnalisé d’oppression systématique et de domination d’un groupe racial sur tout autre groupe racial (…) et dans l’intention de maintenir ce régime[1]. Cette définition ne s’applique aucunement à la situation existant en Israël ou en Judée-Samarie (Cisjordanie). En effet, pour que le crime d’apartheid soit constitué, il manque les deux éléments essentiels constitutifs de toute infraction. Le premier est l’élément matériel, à savoir des actes criminels qui seraient commis par les Israéliens répondant à la définition de la Convention de 1973 et entrant dans la catégorie de “crimes contre l’humanité”. 

Le second élément est celui de l’intention criminelle, qui fait défaut de l’aveu même de Samy Cohen. En effet, “l’intention et l’idéologie ne sont pas comparables à celles de l’Afrique du Sud”, écrit-il. Le crime d’apartheid n’est pas constitué en l’absence de l’existence d’un “régime d’oppression systématique et de domination d’un crime racial…”. C’est sur ce point crucial qu’achoppe la démonstration de tous ceux qui veulent démontrer qu’Israël est un État d’apartheid. À défaut d’établir une intention criminelle, qui n’existe pas, ils en sont réduits à présupposer la nature criminelle du “régime sioniste”, selon la méthode rhétorique classique de l’antisémitisme, qui attribue aux Juifs des intentions criminelles pour mieux justifier leur condamnation.

Quant à la victoire d’Israël au terme de la guerre des Six Jours, elle signifie non pas le début de l’apartheid, mais le fait que si Israël n’avait pas gagné cette guerre, il n’existerait plus, car cette guerre, initiée par l’Égypte, la Jordanie et la Syrie, fut celle d’extermination des Juifs d’Israël. Les archives radiophoniques de ces pays, les discours de Nasser attestent clairement leurs intentions génocidaires [2].

De même, en accusant Israël de ne pas vouloir la paix en refusant de rendre les territoires, l’auteur oublie de rappeler les trois NON de Khartoum, formulés au sommet de la Ligue Arabe tenu à Khartoum en 1967, en réponse à la demande officielle israélienne, via l’ONU, d’échanger la terre contre la paix : « pas de paix avec Israël, pas de reconnaissance d’Israël et pas de négociation avec Israël. ». La résolution issue de ce sommet était signée par l’Égypte, la Syrie, la Jordanie, le Liban, l’Irak, le Maroc, l’Algérie, le Koweït, et le Soudan. Elle n’a pas été signée par les Palestiniens parce que les Jordaniens de Jordanie et les Égyptiens de Gaza ne savaient pas encore qu’ils formaient un peuple. Ce sont des faits vérifiables dans une masse de documents historiques.

En 1947, la Jordanie a annexé l’Est de Jérusalem ainsi que la Judée-Samarie, territoires sans statut défini, mais où les Juifs habitaient sans interruption depuis des siècles. Ces mêmes Juifs ont été expulsés de leurs maisons lors de l’annexion. Quant à Gaza, ce territoire était sous la législation égyptienne. La Judée-Samarie (Cisjordanie) n’est pas « annexée » par Israël. Ce territoire est en attente d’un règlement politique. Mais les Palestiniens répugnent toujours à négocier d’égal à égal avec les Juifs et à légitimer ainsi une présence juive sur une terre qu’ils considèrent comme islamique. C’est pourquoi ces territoires sont considérés comme « disputés » au plan juridique et soumis à la loi militaire jusqu’à la finalisation d’un règlement politique. 

En 1995, les Accords d’Oslo, signés entre Israël et les Palestiniens, ont établi un calendrier devant culminer en la création d’un État palestinien. Le territoire palestinien était divisé en trois zones, à être autonomisées par étapes [4]. La zone A est sous le contrôle civil et militaire palestinien. La zone B est sous contrôle civil palestinien et militaire conjoint israélo-palestinien. La zone C est entièrement sous contrôle civil et militaire israélien. Gaza est 100% judenrein depuis 2005 et n’applique plus aucune disposition des Accords. Autrement dit, 90% de la population palestinienne est administrée par les leaders qu’elle s’est choisie.

Quant à ce que Cohen appelle « apartheid interne », les étudiants palestiniens inscrits dans les universités israéliennes [5] et qui appellent à les boycotter sur le site electronicintifada démentent, malgré eux, cette accusation. En revanche aucun étudiant israélien juif n’a le droit de pénétrer dans les villes palestiniennes sous peine d’y laisser sa vie. Car ces territoires, selon le chef de l’Autorité Palestinienne, doivent être judenrein, ce qu’il ne cache pas. 

Bref, le chercheur, spécialiste de sciences politiques, qui prétendait éclaircir le débat multiplie les assertions sans les démontrer et propose au lecteur des affirmations gratuites qui ne font que nourrir la confusion. 


Pierre Lurçat (juriste), Yana Grinshpun (analyste du discours), Georges-Elia Sarfati (philosophe), Liliane Messika (écrivain), Yves Mamou (journaliste), Jean-Pierre Lledo (cinéaste), Gilles Falavigna (essayiste). 


[1] https://amnestyfr.cdn.prismic.io/amnestyfr%2F213a0fda-3f51-419f-b5e3-6653c604993c_12.-convention-internationale-sur-l%C3%A9limination-et-la-r%C3%A9pression-du-crime-dapartheid.pdf

[2] Howard Sachar, A History of Israel: From the Rise of Zionism to Our Time,(New York, Alfred A. Knopf, 1979, Theodore Draper: Israel and world politics: Roots of the third Arab-Israeli war, Secker & amp; Warburg, 1968. in :Michael B. Oren, 2003, Six Days of War: June 1967 and the Making of the Modern Middle East, Random House, New York

[3] https://www.jeuneafrique.com/1064174/politique/pourquoi-khartoum-a-dit-oui-a-israel

[4] https://peacemaker.un.org/israelopt-osloII95

[5] https://www.haaretz.com/israel-news/.premium-hebrew-university-to-recognize-palestinian-authority-test-scores-1.5443610

[6] https://electronicintifada.net/content/palestinian-students-israeli-universities-support-academic-boycott/1001

[7] https://www.reuters.com/article/us-palestinians-israel-abbas-idUSBRE96T00920130730



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