Accueil Politique Se tenir à côté des Juifs de France ne nécessitait pas de porter atteinte à la laïcité

Se tenir à côté des Juifs de France ne nécessitait pas de porter atteinte à la laïcité

Hanouka à l’Elysée: le président de la République fait scandale


Se tenir à côté des Juifs de France ne nécessitait pas de porter atteinte à la laïcité
Le président Macron et le rabbin Haïm Korsia dans la salle des fêtes de l'Elysée, 7 décembre 2023. DR.

Faire allumer par le grand rabbin de France la première bougie de Hanouka dans la cour de l’Élysée. Le symbole se voulait fort. D’autant plus marquant qu’il était destiné à faire oublier le refus d’Emmanuel Macron de participer à la grande marche contre l’antisémitisme, alors que les Juifs subissaient un niveau d’attaques sans précédent. Le problème est que le geste piétine la laïcité sans répondre à la réalité des discriminations et des violences que subissent les Juifs en France. Plutôt que maudire l’obscurité, il vaut mieux allumer une bougie, nul ne saurait être contre. Mais quand on est au pouvoir, les bougies qui font reculer l’obscurantisme sont les actes que l’on pose. Et en la matière, comme dans beaucoup d’autres, la politique d’Emmanuel Macron est illisible.


Dans un contexte de montée de l’antisémitisme, que le président choisisse un symbole fort pour montrer à quel point les Français de confession juive sont chers à la France, était nécessaire et important. Le contexte politique l’exige. Déjà par le passé, les juifs qui ne représentent que 0,6% des Français, étaient les plus attaqués pour des motifs religieux. En année standard, si l’on ose dire, ils subissent environ 500 actes antireligieux par an, quand ceux-ci sont évalués à 1000 environ pour les chrétiens et 170 pour les musulmans. Par an. Mais depuis le 7 octobre, en deux mois environ c’est plus de 1500 actes anti-juifs qui ont été recensés.

L’explosion de l’antisémitisme liée au massacre perpétré par le Hamas

Et ce qui a boosté l’explosion de l’antisémitisme est le massacre atroce perpétré par le Hamas en Israël. Un crime contre l’humanité qui a vu des terroristes surarmés décapiter des bébés, brûler vifs des enfants, violer les femmes, abattre les hommes, torturer des familles entières, profaner des cadavres. Le Hamas s’est comporté en Israël comme les héritiers des nazis et au lieu de susciter l’horreur, cela a abouti à une décompensation antisémite sur notre sol. Une décompensation qui ne concerne pas tout le monde. La violence à l’égard des Juifs et des occidentaux plus largement est relayée à la fois par l’extrême gauche et les islamistes. Mais les Français dans leur ensemble ont compris le message : « après le samedi vient le dimanche ». Ils ont compris qu’ils avaient sur leur sol aussi des rejetons du Hamas. Ils ont payé le prix du sang pour le savoir : la violence islamiste tue chez nous, années après années, et nul n’est à l’abri.

Le résultat du travail de l’islam politique sur la communauté musulmane en France

L’explosion de l’antisémitisme lié à l’importation du conflit israëlo-palestinien témoigne du poids de l’islam politique dans la communauté musulmane. Ce travail de réislamisation à mettre au crédit des frères musulmans, se double d’un rejet de l’appartenance à la France et d’un refus de l’intégration. Et il ne concerne pas, hélas, qu’une infime minorité de musulmans. Une étude IFOP et Elmaniya.tv montre que ceux-ci jugent que la laïcité est discriminatoire envers les Musulmans (78%), 65% sont pour le port du voile et il y a un vrai décalage entre cette population et le reste des Français : 50% des Musulmans font primer la religion sur les enseignements de l’école (les élèves devraient pouvoir refuser les cours qui heurtent leurs convictions religieuses) et ils sont trois fois plus nombreux (16% contre 5%) à ne pas condamner totalement l’assassinat du professeur de Français à Arras. Un chiffre qui monte à 31% dans la jeunesse musulmane[1].

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Ce sondage tord le cou au discours politique sur « l’infime minorité » de musulmans en rupture avec les valeurs de la République. Il témoigne surtout du fait que le travail politique effectué sur cette population par les islamistes fonctionne et qu’il est temps que la République réagisse fermement.

La laïcité maltraitée

Que le président de la République veuille dans ce cadre se tenir aux côtés des Juifs de France a du sens, la question est : était-ce la bonne façon de faire ?

Dans une société fracturée comme la nôtre, où les questions religieuses, instrumentalisées notamment par l’islam politique, prennent une importance mortifère, comment vont réagir les représentants des autres religions à qui on oppose la laïcité pour expliquer que les symboles religieux n’ont pas leur place au sein de la République quand le président en installe un dans la cour de l’Elysée ? Comment comprendre la ligne politique d’un homme qui refuse de participer à une marche contre l’antisémitisme, car il craint de froisser la communauté musulmane en France, et qui dans le même temps fait allumer la première bougie de Hanouka à l’Élysée par le grand rabbin de France ? Quelle est la prochaine étape ? Si une mosquée se fait attaquer ou une femme voilée, bousculer, il fera quoi notre président ? Sacrifier un mouton pour l’Aïd dans le jardin de l’Élysée ?

« L’Élysée, ce n’est pas l’endroit où allumer une bougie. J’ai été surpris. Je me demande pourquoi Macron l’a fait, ce n’est pas son rôle » regrettait ce matin Yonathan Arfi, le président du Crif, au micro de Jean-Jacques Bourdin.

Cette erreur commise est d’autant plus agaçante, qu’une fois de plus, obsédé par son image, le président n’a pas réfléchi aux conséquences de ses actes. S’il veut envoyer un signal fort à la communauté juive, alors il peut faire afficher le visage de tous nos concitoyens massacrés le 7 octobre en Israël par le Hamas. Il peut afficher en grand sur nos édifices publics le visage des otages encore détenus à Gaza, exiger du service public audiovisuel qu’il ouvre les journaux en rappelant que certains des nôtres sont aux mains des terroristes islamistes.

Un énième pétard symbolique mouillé

Mais ce n’est pas ce qu’il a fait. Il a au contraire donné l’impression que la religion juive bénéficiait d’un privilège. Exactement… ce que met en scène le discours antisémite. Tout comme les victimes d’attentats méritent mieux que des nounours et des bougies de la part de leurs gouvernements, même déposés sous forme de paroles martiales désincarnées et de compassion larmoyante, les Juifs de France méritent mieux que des symboles qui peuvent encore se retourner à terme contre eux.

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On est une fois de plus devant le énième pétard symbolique mouillé de cette présidence chaotique. Si le gouvernement veut vraiment agir contre l’antisémitisme, il va lui falloir arrêter de se payer de mots et assumer le réel. Si l’on ne pose pas un diagnostic sur le fait qu’aujourd’hui, l’explosion de violence antisémite est majoritairement liée à un travail de radicalisation politique qu’organisent chez nous l’extrême-gauche et l’islamisme, alors on ne pourra agir. Si on utilise l’ultra-droite pour éviter d’affronter l’antisémitisme arabo-musulman, alors la condition des Juifs en France continuera de se dégrader. Pour combattre concrètement l’antisémitisme, il faut dire comment il se manifeste : militantisme sur le voile, prosélytisme religieux, refus d’intégration, détestation de la France vue comme esclavagiste et colonialiste, justification de la violence politique, importation du conflit israélo-palestinien idéalisé de façon messianique…


Un déni destiné à masquer l’impuissance

Or le gouvernement n’ignore pas ces réalités, mais s’il ne les affronte pas c’est que son déni lui sert à masquer son sentiment d’impuissance. Ces gens veulent réellement bien faire, mais ils pensent qu’ils ont déjà perdu le contrôle, que leur pouvoir est faible et que trop d’autorité ferait éclater une société déjà fracturée. Ils essaient juste de gagner du temps. Ils pallient l’impuissance par des mots et des images. Mais la réalité les rattrape et ils ne comprennent pas les symboles qu’ils manipulent. De ce fait ils échouent à en faire des repères, des représentations communes des idéaux. Nous en arrivons à être incapables de combattre le voile alors que notre modèle de société démocratique est basé sur l’égalité des droits des êtres humains au-delà du sexe, de la « race », de la philosophie, de la religion. Cet idéal est beau et exigeant et nous en arrivons à être mis en accusation au nom de la liberté religieuse de porter un signe qui refuse aux femmes l’égalité en droit. Ce refus de se plier à la loi commune au nom d’un particularisme religieux n’est simplement pas acceptable eu égard aux fondamentaux de notre contrat social.

Notre modèle de société n’est pas parfait ? Notre histoire a sa part d’ombre ? Certes. Mais quel est le modèle de société des islamistes, de l’extrême-gauche ? Daesh ? L’Iran ? La Terreur ? Que font-ils concrètement des libertés individuelles ? de l’égalité en droit ? Il est temps de nommer l’idéologie qui nous attaque et de la désigner comme à la racine de trop de nos difficultés. Ce combat est politique, judiciaire, policier, éducatif, culturel. Surtout culturel. Il commence par poser des mots. Pas pour faire joli. Pour reconnaitre le réel. Ce serait déjà un grand pas. Avec Elisabeth Borne et son « sentiment d’insécurité »[2] on peut douter que ce gouvernement soit en capacité de le faire.

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[1] https://www.causeur.fr/ifop-dans-nos-ecoles-31-des-jeunes-musulmans-scolarises-narrivent-pas-a-desapprouver-totalement-lattentat-darras-271304

[2] https://www.causeur.fr/elisabeth-borne-la-premiere-ministre-nest-pas-a-la-hauteur-271283



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Ancienne conseillère régionale PS d'Île de France et cofondatrice, avec Fatiha Boudjahlat, du mouvement citoyen Viv(r)e la République, Céline Pina est essayiste et chroniqueuse. Dernier essai: "Ces biens essentiels" (Bouquins, 2021)

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