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Le féminisme aura-t-il la peau des salles de garde?


Le féminisme aura-t-il la peau des salles de garde?
Fresque de la salle de garde du film "Hippocrate" de Thomas Lilti (2014)

Entrer dans une salle de garde d’un hôpital la première fois m’a fait le même effet que feuilleter un numéro de Fluide Glacial, magazine ancêtre de Charlie, qui ferait rougir un charretier.

Un temple de la régression et de la transgression avec des fresques à caractère pornographique du sol au plafond caricaturant les médecins qui viennent y déjeuner parfois dîner et décompresser.

Ils (elles) y sont représenté(e)s souvent nu(e)s avec des partenaires multiples, dans des positions acrobatiques.

La surprise est totale devant ces dessins incroyables: sexes en réalité augmentée, fellations colorées, scènes historiques et mythologiques revisitées… Ils célèbrent un humour carabin, décalé et débridé.

Le règne du n’importe quoi

Les salles de garde sont les réfectoires des médecins hospitaliers hommes et femmes qui le souhaitent (internes accompagnés de leurs externes, chefs de cliniques, praticiens hospitaliers…).

Ces lieux privés, réservés aux initiés, sont des locaux alloués par les directeurs d’hôpitaux.
D’abord au XVIIIe siècle pour la corporation des chirurgiens qui vivent à l’hôpital, puis au XIXe siècle pour tous les internes dont le statut venait d’être créé.

Gilles Tondini, un photographe auteur, a eu le privilège de les parcourir et de les faire connaître au grand public dans son ouvrage appelé L’Image obscène. De Gustave Doré à Cabu, des dessinateurs de renom, y ont mis leur patte.

Un rituel rigoureux et étonnant habite ces salles de garde.

Les tables sont disposées en « U », les médecins y pénètrent exclusivement en blouses et s’assoient par ordre d’arrivée et seulement après avoir tapé sur le dos de chacun des convives déjà installés en signe d’appartenance à leur confraternité. La nappe est un drap (souvent jaune citron aux couleurs de l’APHP) sur laquelle on s’essuie la bouche faute de serviettes. Personne n’est autorisé à parler de médecine jusqu’à ce que le café soit posé à table en fin de repas.

Les médecins ne partiront qu’après avoir eu l’autorisation de l’économe.

Le ridicule ne tue pas

L’économe, nommé pour un semestre renouvelable, sorte de souverain intendant, dirige ses administrés et fait respecter ces règles anciennes sous peine de la taxe, une sorte de gage désigné par le lancement d’une roue de loterie.

Il lui incombe d’organiser les améliorés (déjeuners haut de gamme à thème), et les tonus (soirées de fins de semestre d’interne, costumées ou pas du tout).

Ridicule ce cérémonial ? Probablement. Mais ce sont les maladies qui tuent, jamais le ridicule.

De nombreuses salles de garde sont en train de fermer, le motif invoqué est économique.

Par ailleurs, l’APHP se pose actuellement une question des plus importantes: faut-il effacer les fresques des salles de garde ? Le motif invoqué est le sexisme qui s’en dégage. Qu’en pensent les principales et principaux intéressé(e)s c’est à dire les internes ?

Peut-être faut-il d’abord condamner et sanctionner les attitudes de certains médecins dans les services plutôt que des dessins.

Sexistes les médecins ? Dans la même proportion que le reste de la société ? Plus que les consultants ou les commerciaux dans leur cantine immaculée ?

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Flora Fischer est Médecin spécialiste en dermatologie et vénéréologie, en cabinet libéral à Paris depuis 10 ans. Elle est également auteure du blog Les billets d'humeur du docteur F ainsi que de l'essai "Confidences d'une dermatologue" à paraître chez Robert Laffont.

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