Accueil Politique Eric Zemmour n’est plus en odeur de diablerie!

Eric Zemmour n’est plus en odeur de diablerie!

Est-il de moins en moins diabolisé?


Eric Zemmour n’est plus en odeur de diablerie!
Éric Zemmour, candidat aux élections législatives dans la 4e circonscription du Var, prononce un discours à Cogolin (83), le 12 mai 2022 © SOPA Images/SIPA

Bien que Philippe Bilger ait soutenu Valérie Pécresse lors de l’élection présidentielle, il rend hommage aux indéniables qualités du journaliste, de ses qualités d’analyste à son talent de rhéteur, tout en regrettant sa brutalité dans l’expression. Eric Zemmour est entré dans une forme de normalité politique, selon notre chroniqueur, à lui de se réinventer pour pallier cette relative absence de soufre qui a fait son succès…


Eric Zemmour a fait peur à beaucoup avant le premier tour de l’élection présidentielle et il a eu aussi des admirateurs, des inconditionnels et un public fervent. Rétrospectivement on a eu, comme souvent, les lucides d’après l’action qui ont affirmé qu’ils avaient prévu son piètre résultat. Il était inévitable, paraît-il.

Pour ce qui me concerne, je n’ai jamais varié sur une double conviction. Même si une partie de sa campagne a été brillante, je continue à penser qu’il aurait dû rester l’analyste politique et la bête médiatique qui ont fait l’extraordinaire succès de CNews. Par ailleurs j’ai toujours dit que malgré nos liens amicaux je ne voterais pas pour lui. Il ne suffit pas d’avoir du talent, il fallait aussi savoir proposer aux Français un projet plausible alors que le sien, à cause de son extrémisme, n’était pas opératoire. Le programme de Valérie Pécresse était le bon mais elle péchait par là où Eric Zemmour s’illustrait.

Il est des nôtres, il a bu son verre comme les autres…

Je n’en suis que plus à l’aise aujourd’hui pour dénoncer l’étrange climat dans lequel baignent les informations sur Eric Zemmour. Une sorte de soulagement d’après la bataille. Comme s’il s’était banalisé. D’abord parce que, contrairement à ce qu’imaginaient certains, il a continué son chemin partisan avec Reconquête! Et il va se présenter, sans trop d’espoir d’ailleurs, dans la circonscription de Saint-Tropez. Sa trajectoire prend des couleurs plus acceptables, moins sulfureuses. D’une certaine manière on les entend murmurer : « Il est redevenu des nôtres » !

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Avec quelle trouble satisfaction a-t-on accueilli, par rapport à l’intérêt de sa propre cause, sa demande d’alliance, avec un RN qui l’avait pourtant laissé loin derrière lui, sa violence verbale et humiliante à l’encontre de Marine Le Pen et du RN puis sa déconfiture, enfin son extrême maladresse pour réclamer une union pour les législatives, comme si elle allait de soi, en usant d’un ton qui laissait penser qu’il avait des droits alors que tout au plus il avait des obligations et sans doute, s’il en avait été capable, des excuses à formuler.

Mais, pour le meilleur comme pour le pire, cela n’a jamais été le genre d’Eric Zemmour. Toutes ses erreurs et ses humeurs ont rassuré ses adversaires : il n’était pas différent des autres.

Une aura qui s’évapore?

Après son rêve effondré, auquel il croyait pourtant, on l’a découvert déçu, désarmé, hésitant. Il est trop bon commentateur politique pour se faire des illusions et fantasmer sur un futur qui lui offrirait une merveilleuse compensation au regard d’un présent déprimant. Il sent, il sait que pendant quelque temps au moins il va retomber sur le plancher des vaches et redevenir ordinaire.

C’est ce que je veux signifier par mon titre. Comme d’autres gagnent avec une odeur de sainteté, lui a séduit avec son odeur de diablerie, qu’il cultivait avec un soin tout particulier. Il n’ignorait pas en effet que c’était son originalité et sa chance dans un monde si bienséant. Il était persuadé de la justesse de son extrémisme global et de ses provocations que son art du verbe rendait efficaces et redoutables.

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Cette odeur de diablerie l’a quitté, elle est derrière lui, il doit dorénavant composer avec un personnage qu’il a peu fréquenté : le Eric Zemmour de tous les jours, moins dans la lumière médiatique et politique que dans l’intendance obscure et nécessaire d’une « reconquête » à faire fonctionner et durer.

Puis-je avouer que je n’aime pas trop cette débandade, ce mouvement centrifuge qui conduit des soutiens d’hier à revenir au RN et à brûler ce qu’ils avaient adoré chez Eric Zemmour ! C’est la vie, c’est la politique mais pour être fréquent – on en connaît des exemples plus fameux et plus honteux – ce genre de désertion n’est pas plus acceptable. Cette impression de terre brûlée, de ravissement républicain – quand on voit l’attelage Nupes ! – suscite chez moi un malaise. Comme Eric Zemmour leur a fait peur ! Au point qu’ils oublient ce qu’il avait d’unique.

Cultiver sa singularité…

Alors que sur le plan judiciaire il a connu une victoire justifiée en première instance et en appel pour ses déclarations sur le Maréchal Pétain – malgré un Parquet plus soucieux de démagogie que de liberté d’expression – il est bizarrement attaqué : « Bolloré et Zemmour ont perdu dans les urnes mais gagné sur le terrain médiatique« . En effet, il paraît, pour Alexis Lévrier, historien des médias, que « dès la fin de l’été 2021, chaînes de télé et radios ont donné un écho disproportionné aux moindres faits et gestes d’Eric Zemmour ». J’admets le terme « écho » mais pourquoi disproportionné ? Lors de la promotion de son dernier livre et durant une moitié de la campagne présidentielle, Eric Zemmour a fait passer dans l’espace public, avec vigueur et presque crudité dans l’expression de la vérité et d’un constat alarmiste que personne n’osait faire aussi brutalement, un message sur la France, sa survie, son identité, l’immigration et les cités échappant à la République.

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Même si le tableau était partagé par beaucoup, il n’avait pas forcément raison avec sa globalité sans nuance mais l’essentiel n’était pas là : avant que le pouvoir d’achat prenne la relève, Eric Zemmour a été repris, magnifié ou décrié pour ce qu’il disait. Contre le ronron traditionnel et le verbe politique jamais clair, il avait imposé son ton, sa parole, il avait disait-on ringardisé tous les autres politiciens de droite comme de gauche. La normalité n’était pas son fort. Cela a été la principale raison de son triomphe d’un temps.

Reste à souhaiter pour lui que même sans odeur de diablerie il sache continuer à nous surprendre en inventant, en s’inventant. Il trouvera.

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Magistrat honoraire, président de l'Institut de la parole, chroniqueur à CNews et à Sud Radio.

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