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Pourquoi avons-nous si peu d’empathie pour Emmanuel Macron?

Pourquoi Emmanuel Macron déteste-t-il la nature?


Pourquoi avons-nous si peu d’empathie pour Emmanuel Macron?
Emmanuel Macron au fort de Brégançon le 30 décembre 2020 © Sebastien Nogier/AP/SIPA Numéro de reportage : AP22526169_000002

Je l’admets, je ne sais si c’est une faiblesse ou une force mais je ne me lasserai jamais d’aller chercher dans les tréfonds d’un être, en l’occurrence notre président de la République, les raisons d’une incompréhension, voire d’une désaffection…


Ce n’est pas d’aujourd’hui que sa psychologie singulière m’intéresse puisque dans le livre où je le faisais monologuer[tooltips content= »Moi, Emmanuel Macron, je me dis que…, Editions du Cerf, 2017″](1)[/tooltips] j’abordais déjà, en ayant osé me placer dans son esprit, un certain nombre de pensées et de problématiques qui me semblaient essentielles à son sujet.

En particulier, celle d’un Emmanuel Macron préférant une approche culturelle de la vie à l’appréhension simplement naturelle de celle-ci. Il ne s’agit pas de discuter ses choix politiques, son rapport avec l’écologie. Pas davantage que je n’ai l’intention de me pencher sur la réalité de sa culture littéraire et philosophique que certains, avec trop de mépris, lui dénient en la réduisant à sa proximité avec Paul Ricoeur et à ses travaux pour lui.

Ce n’est pas de cette culture banalement et classiquement entendue que j’ai envie de débattre mais de la profondeur d’une personnalité qui éprouve, malgré ses efforts, beaucoup de mal à franchir le mur la séparant d’une authentique empathie avec les citoyens, à instaurer une véritable relation avec le peuple.

Il a beau l’évoquer, l’invoquer et je ne suis pas de ceux qui tournent en dérision cette volonté chez lui. Le drame, à mon sens, est que justement cette empathie tant recherchée se dérobe parce qu’il y a dans son tempérament quelque chose qui crée de la distance, un obstacle qui bloque une adhésion sinon enthousiaste du moins large, à ce qu’il montre, à sa façon ostensible de tenter d’aller quérir ce qui lui est refusé. Plus cette appétence de sa part est éclatante et parfois même courageuse, plus l’élan vers lui paraît faire défaut. Il faut considérer que le souci vient de la perception qu’on a de ses attitudes. De la fabrication, un manque de naturel ?

Comme si on sentait instinctivement que ce n’est pas lui qui se présente dans sa vérité, dans son intégrité, mais une construction qu’il a édifiée, mettant en évidence une posture artificielle plus qu’une naturelle connivence. Emmanuel Macron, sur ce plan, se distingue nettement de Nicolas Sarkozy et de François Hollande.

Un article récent dans M, le Magazine du Monde, « L’ombre des pères » n’a fait qu’ajouter une pierre importante à mon analyse tendant à déchiffrer un Emmanuel Macron fuyant l’instinct pour se réfugier dans le « réfléchi » vécu comme une protection, une éclatante singularité. Avec lui, rien comme tout le monde !

Pour reprendre les situations de FH et de NS, on relève que, quelles qu’aient été les difficultés, les irritations suscitées par leur père, ils n’ont jamais totalement déserté leur famille au profit d’une autre. Alors qu’Emmanuel Macron a d’une certaine manière abandonné la sienne. L’interrogation peut porter sur le rôle de son épouse ou sur sa propension à quitter les chemins ordinaires de la nature pour un éloignement inventif. Comme si la culture, ici aussi, l’avait détourné de la norme.

A lire ensuite, Jean-Paul Brighelli: 2020: le triomphe des médicastres

Pour écrire mon livre, j’avais notamment parcouru beaucoup d’entretiens que le ministre puis le candidat Macron avait accordés aux médias. J’avais été particulièrement frappé par une réponse sur les familles recomposées. Bien sûr il ne les accablait pas mais il allait même jusqu’à soutenir qu’elles valaient mieux, qu’elles étaient plus riches, plus intenses que les naturelles, ce qui paraît significatif d’une vision de rupture, d’une obsession de faire passer, pour tout, la culture avant la nature.

Puis-je aborder un registre délicat qui m’a conduit, dans mon dernier chapitre, à faire monologuer Emmanuel Macron sur sa relation avec son épouse et sur l’histoire de leur amour. Je suis persuadé que, outre le culot discutable d’avoir emprunté le « je » de EM, celui-ci, s’il m’a fait l’honneur de me lire, n’a pas apprécié cette audace de prétendre élucider une intimité et un lien fort à sa place, à leur place, avec une démarche sans doute jugée intempestive.

Pourtant j’ose persister. Entre la tradition officiellement convenable de nos présidents mais leurs libertés périphériques, et la normalité d’un amour conjugal classique, il me semble qu’Emmanuel Macron et son épouse s’adonnent à une entente d’un troisième type. Ils vivent une relation totalement hors norme. Je ne fais pas allusion à la différence d’âge mais, pour leur union, à son caractère exclusif, fusionnel, mêlant une sociabilité obligatoire à un repli, une incroyable autarcie sentimentale, un monde à deux artificiel à force d’être dénué de la pente classique qui tolère contradictions, critiques, mises en cause ; un amour qui en appelle plus, malgré l’inévitable lumière publique n’interdisant pas d’ailleurs comme une mièvrerie repliée, à la culture d’une forteresse qu’à la nature d’une expansion.

On perçoit ce que la nature, l’instinct, la spontanéité ont de globalement dangereux pour Emmanuel Macron : ils sont là, immédiats, trop évidents, pas maîtrisables, ils ne peuvent pas être « travaillés », détournés, dénaturés justement.

Peut-être le citoyen ressent-il qu’il est présidé par un homme intelligent chez qui la nature que nous avons tous en partage est privatisée par une culture qui le met à distance, loin de nous ?

Moi, Emmanuel Macron, je me dis que...

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Magistrat honoraire, président de l'Institut de la parole, chroniqueur à CNews et à Sud Radio.

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