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Dernières nouvelles du vaurien


Dernières nouvelles du vaurien
Roland Jaccard © Hannah Assouline

Roland Jaccard nous envoyait toujours différents textes pour ses chroniques. Ceux-ci sont parmi les derniers que nous avons reçus.


EN VRAC

J’ai toujours été hanté par l’idée du suicide. Sans jamais passer à l’acte. Je partais de l’idée que c’était la meilleure solution aux désagréments et à l’ennui de vivre. Après tout, me disais-je, laissons les voluptés de l’existence pour autant qu’elles existent à la domesticité : ce sera toujours une maigre compensation aux affronts qu’ils subissent.

« Mais le suicide n’est pas une solution », m’a dit Lao Tseu. « Alors, il faut se résigner à vivre ? », lui ai-je demandé. Il a souri face à tant d’enfantillages et a clos cette discussion qui ne menait nulle part par ce simple mot : « Mais pourquoi devrait-il y avoir une solution ? » Depuis, je pratique le non-agir et je ne m’en porte pas plus mal.

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Certes, je suis trop vieux pour jouir encore, mais hélas trop jeune pour être débarrassé de la malédiction du désir. Et là encore je dois me résigner à l’absence de solutions. Je suis le dépositaire d’un jeu dont je ne serai jamais le propriétaire.

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Sans détour, Woody Allen disait qu’on ne se suicide pas dans les quartiers pauvres : on est bien trop malheureux pour ça.

Il disait aussi que la seule fois où il a éprouvé un orgasme avec son épouse, c’est le moment où le juge lui a remis l’acte de divorce.

Pour avoir été marié quatre fois, je confirme. Il y a un tel soulagement dans la rupture que ce que j’ai ressenti ressemble fort à ce que doit éprouver un condamné à mort auquel on annonce qu’il sera gracié.

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Là encore il n’y a pas de solution : ou bien vous pratiquez un art commercial et vous courez le risque de finir putain. Ou bien vous placez vos exigences en la matière très haut et vous courez le risque de finir vieille fille.

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Je me souviens de ce que disait l’ami Louis Skorecki à propos de Scorsese et de Godard : le premier est né si petit qu’il ne peut plus rétrécir, le second est né si grand qu’il semble se ratatiner à vue d’œil. J’ai toujours plaidé en faveur de l’injustice en matière de critique cinématographique et c’est pourquoi Skorecki est grand.

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À un visiteur qui faisait remarquer à Schubert que son nouveau morceau était triste, il répondit : « Y a-t-il une autre musique ? » Et c’est pourquoi je préférerai toujours Françoise Hardy à n’importe quel rappeur.

Octobre 2021 – Causeur #94

Article extrait du Magazine Causeur




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