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Vous aussi, devenez coordinateur d’intimité!

Un métier en pleine expansion à Hollywood


Vous aussi, devenez coordinateur d’intimité!
Harvey Weinstein et Marion Cotillard, Cap d'Antibes, 2010 © Joel Ryan/AP/SIPA Numéro de reportage : AP20940017_000004

Reconversion professionnelle : le métier de coordinateur d’intimité est en plein essor aux États-Unis depuis « l’affaire Weinstein » et la vague puritaine #Metoo. Désormais, il commence même à se développer en France…


« J’ai pas eu mon dessert », répète Gérard Depardieu à Miou-Miou après qu’elle lui a savonné le dos dans Germinal. « Laisse donc, t’es trempé », répond-elle en se débattant mollement face au haveur avide de ses lourdes fesses. La Catherine, qui lance son plus beau sourire, n’est-elle pas complice ? Sur le point de succomber au bel ogre assoiffé de chair ouvrière, la Maheude la somme de ne pas descendre dans la cuisine. Alors que sa mère s’apprête à être troussée, un nouveau-né – que Miou-Miou appelle Maxime – regarde ses parents en pleurant. La Maheude hésite… C’est alors que face à l’amour, le nouveau-né cesse de pleurer. La scène est belle et crue. C’était en 1993, il y a près de trente ans, c’est déjà vieux. Et peut-être que cela n’arrivera plus.

Vaincre une « dévastation secrète »

Le samedi 5 juin dernier, l’actrice britannique Michaela Coel a été récompensée aux BAFTA pour sa série « I may destroy you », qui raconte l’histoire d’une journaliste et « influenceuse » (un autre nouveau métier en vogue) qui est victime de violences sexuelles. Lors de son discours, l’actrice en a profité pour remercier Ita O’Brian, sa « coordinatrice d’intimité ». « Merci d’exister dans notre milieu, de faire en sorte que nous soyons en sécurité, de poser des limites physiques, émotionnelles et professionnelles afin que nous puissions créer des œuvres parlant d’exploitation, d’irrespect, d’abus de pouvoir sans être nous mêmes exploitées ou abusées ».

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Ça, c’est pour Toussaint Maheu (Depardieu) qui, dans un film sur la misère ouvrière sous le Second Empire, abuse de son pouvoir d’homme grand et fort pour faire plier sa proie Miou-Miou ! Puis l’actrice continue: « Je sais ce que c’est de tourner sans coordinatrice d’intimité. Du sentiment de malaise, de gêne qui imprègne l’équipe. De la dévastation secrète que ça crée chez les acteurs ». Et ça, c’est pour le nouveau-né qui a regardé Depardieu et Miou Miou grimés en ouvriers copulant dans leur cuisine. Maintenant qu’il doit être trentenaire, qu’est devenu le bébé Maxime ? Je parie qu’il est intérieurement dévasté !

De Hollywood à la France…

L’Américaine Amanda Blumenthal est présentée sur son site internet comme la première coordinatrice d’intimité du cinéma à Los-Angeles. Elle a éclairé nos confrères du quotidien dijonnais Le Bien Public sur son travail: « Contrairement à certaines idées reçues, simuler une scène de sexe à l’écran avec un autre acteur qu’on connaît depuis dix minutes, ce n’est pas comme faire l’amour avec un inconnu dans un bar. Ça demande une vraie préparation car ce n’est pas naturel ». Eh oui, vous qui fantasmez sur des ébats en compagnie d’Isabelle Adjani, Sophie Marceau, Carole Bouquet ou encore, Monica Bellucci, vous ne savez pas la chance que vous avez.

Et vous Mesdames, qui rêvez d’un cinq à sept avec Richard Berry, Jean Dujardin, Louis Garrel, voire Dany Boom – tous les goûts sont dans la nature -, songez que sous leurs airs de tombeurs, ces gars-là sont peut-être « dévastés » en « secret » par ce qu’ils ont enduré sur les tournages et qu’il vaut sans doute mieux, finalement, coucher avec le premier inconnu rencontré dans un bar  (quand les comptoirs rouvriront, un jour, vous le pourrez…). 

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Certains se disent que c’est encore un truc d’Amerloques qui n’arrivera pas chez nous. Détrompez-vous. Ancienne juriste, Monia Aït El Hadj est « intimacy facilitator » sur des tournages de séries pour Netflix. « En France, le métier fait petit à petit sa place. C’est une bonne chose car nous n’avons pas eu les mêmes scandales qu’aux États-Unis […] ça aurait donc pu mettre beaucoup plus de temps à se faire connaître », a-t-elle analysé auprès de Bien Public.

Après le cinéma, à qui le tour?

« Vous avez déjà subi du harcèlement, une agression, quelque chose au cours de votre carrière ? », s’est enquise Léa Salamé auprès de Marion Cotillard sur France Inter [1] samedi dernier. « J’ai su me protéger assez pour que ça ne tourne pas trop mal. Mais à un certain degré, je n’ai pas su dire non parce que ça a souvent été sous couvert d’essai, de casting », a répondu sans ambages, et avec dignité, l’actrice. Et Léa Salamé, à l’affût d’aveux croustillants, de se précipiter : « Et vous vouliez le rôle ? Et vous l’avez fait ? »  La confession de Marion Cotillard – qui est reprise çà et là tronquée chez certains confrères – est forte, très forte. Mais comme elle le dit elle même en parlant de « contexte de travail », il semble qu’elle se soit abandonnée avant même le tournage. Alors va-t-on vraiment mettre une coordinatrice d’intimité entre chaque réalisateur et chaque actrice pas encore trop mûre, avant un tournage ? Une coordinatrice d’intimité entre Depardieu et Miou-Miou, dans la cuisine de leur coron ? Et quand on se sera assuré que chaque acteur ne bande pas pendant qu’il simule une scène ollé-ollé, il faudra sans doute songer à coordonner l’intimité entre hommes politiques et présentatrices télé.

Pourquoi seuls les grands de ce monde auraient-ils un tel privilège ? Quand on aura bien « coordonné » l’intimité des stars, des gens comme vous et moi risquent de réclamer le même traitement en vertu du principe d’égalité. Amanda Blumenthal estime que « faire l’amour avec un inconnu rencontré dans un bar » est quelque chose de naturel. Mais tôt ou tard, elle pourrait être sollicitée pour encadrer l’intimité des toilettes de ces mêmes bars, ou celle des voitures garées sur les parkings des boites de nuit. Ensuite, elle pourrait être appelée pour encadrer les ébats de nos chambres à coucher.

D’ici-là profitez ! Car les coordinatrices d’intimité semblent promises à un bel avenir. 


[1]  À partir de la 38ème minute



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Enseignant, auteur du roman "Grossophobie" (Éditions Ovadia, 2022).

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