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Un jour d’hiver au Wannsee

Conférence de Wannsee: il y a 80 ans jour pour jour, les nazis planifiaient la Solution finale…


Un jour d’hiver au Wannsee
De gauche à droite, le président allemand Frank-Walter Steinmeier, son épouse, et le responsable de la villa Marlier à Wannsee, région de Berlin, 18 janvier 2022 © Action Press/Shutterstock/SIPA

Le 20 janvier marque le 80ème anniversaire de la conférence de Wannsee qui acta le génocide des Juifs par la machine nazie.


Le 20 janvier 2022 marque le 80ème anniversaire de la conférence de Wannsee qui a acté la mise en place de la  « solution finale »,  c’est-dire l’extermination de la population juive sur le territoire européen. Dans les dates retenues par le « devoir de mémoire » à propos de la Seconde Guerre mondiale, celle-ci n’est pas très visible. A la différence, par exemple, du jour de la libération du camp d’Auschwitz ou encore celui du débarquement de Normandie. L’histoire aime se souvenir des vainqueurs, pas des bourreaux.

Mars 1933: les premières lois antisémites

La conférence de Wansee est pourtant une date capitale: elle permet de situer précisément l’acte de naissance du génocide juif. En janvier 1942, Hitler est au pouvoir depuis neuf ans. Dès son accession au poste de chancelier de Reich,  il a fait adopter par le Reichstag, en mars 1933, une loi lui accordant les pleins pouvoirs. Elle lui permet, notamment, de promulguer les premières lois antisémites sans aucune procédure parlementaire. Pendant les sept ans qui vont suivre,  les juifs du Reich sont ainsi persécutés, pillés, expulsés, mais ils restent en vie la plupart du temps.

C’est ainsi qu’aux Jeux Olympiques de Berlin de 1936, le gouvernement nazi, soucieux d’éviter le boycott des Américains, rapatrie de son exil à Los Angeles l’Allemande Helene Mayer, l’une des meilleures fleurettistes du monde, dont le père est juif. Elle gagnera pour le Reich la médaille d’argent et fera l’inévitable salut sur le podium.

Un long processus vers la Solution finale

Hitler coopère aussi avec les représentants juifs de la Palestine, dans le cadre du programme Haavara, en vue d’assurer le transfert des juifs européens en Terre promise. Grâce à cet accord très lucratif pour le Reich, 50 000 juifs allemands arrivent sur place en six ans. 250 000 autres ont quitté le pays pour les Etats–Unis ou des pays européens. En 1939, il ne reste ainsi plus que quelques 225 000 juifs sur le sol allemand,  une population pour l’essentiel constituée de gens de plus de quarante ans.

Avec l’invasion de la Pologne en septembre 1939,  ce sont deux millions juifs qui se retrouvent sous la coupe nazie. L’écrasante majorité vit dans la tradition hassidique, avec le yiddish comme langue maternelle. Contrairement aux juifs allemands, parfaitement assimilés, les juifs polonais vont réveiller la haine antisémite d’Hitler. Le dictateur vomit ces « ennemis de la race aryenne », leurs coutumes, leurs vêtements et leur vision mystique du monde. Les juifs de la Pologne se retrouvent ghettoïsés dans tout le pays. Mais, malgré cela,  la question des massacres de masse n’est pas à l’ordre du jour. Du moins, pas encore…

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En aout 1940, Ribbentrop, ministre des Affaires étrangères, formalise le « Plan Madagascar » qui prévoit la déportation de quatre millions de juifs européens. Madagascar est en effet devenue accessible au Troisième Reich après la défaite de la France et la collaboration de Pétain. Mais les choses se compliquent. Churchill gagne la bataille d’Angleterre et les Allemands ne pourront mobiliser les 120 bateaux prévus pour le transport des Juifs d’Occident vers l’île de l’Océan Indien.

Juin 1941, tout change…

Les véritables tueries de masse par les nazis commencent avec l’invasion de l’URSS en juin 1941. L’auteur de Mein Kampf peut enfin régler ses comptes avec le « judéo-bolchevisme » et ces « enfants de Satan » qui ont causé, selon Hitler, tellement de mal à l’Allemagne et à l’Europe. Les massacres s’enchaînent en Ukraine tout au long de l’été 1941. 10 000 juifs tués à Zhytomyr, 34 000 à Babi Yar, 28 000 à Vinnitsa. Mais les fusillades s’avèrent insuffisamment efficaces. Il faut trouver un moyen plus rapide et plus « humain ».

Ce sera le gaz Zyklon B. A la fin de la même année, Hitler voit tomber le dernier obstacle formel pour sceller le sort des juifs d’Europe : le 11 décembre 1941, Roosevelt a déclaré la guerre à l’Allemagne. Les juifs d’Occident sont catalogués par le Reich comme les complices potentiels de l’Amérique. Hitler convoque son premier cercle le lendemain de la déclaration du président américain. Le soir même Goebbels note dans son journal : « Concernant la question juive, le Führer a bien décidé de faire table rase ».

Un lac en hiver

Le 20 janvier 1942, un château luxueux sur les rives de lac Wannsee,  à l’ouest de Berlin, accueille quinze hauts responsables nazis dans une réunion confidentielle. Heydrich préside. Eichmann rédige le procès-verbal. Un exemplaire sera retrouvé dans les archives de Luther, un participant à la conférence. Les tableaux Excel n’existaient pas encore, mais la population juive de chaque pays d’Europe, une par une, est recensée. Celles des pays de l’Axe, sous contrôle, mais aussi les juifs de Royaume-Uni et de pays neutres comme la Suisse, l’Espagne ou la Suède. Cela fait en tout 11 millions de personnes et la décision de leur extermination, qui ne peut prendre qu’une forme industrielle, est formellement actée.

La conférence de Wannsee met un terme au long cheminement des nazis sur la question des juifs d’Europe, rythmé par les pulsions meurtrières d’un seul homme, Adolf Hitler. Depuis sa jeunesse, Hitler a été habité par la détestation obsessionnelle des juifs. Mais il a toujours agi de manière pragmatique, en fonction des options qui lui ont été offertes par les circonstances.

Paradoxalement, ce sont les Juifs allemands poussés par le Reich en dehors de l’Europe qui ont eu plus de « chance ». Ceux qui sont restés sur le continent ont été condamnés à mourir : pendant trois longues années, les chambres à gaz ont tourné à plein régime. Et il est difficile d’imaginer que la Solution finale ne serait pas allée jusqu’au au bout si Hitler avait continué de dominer l’Europe quelques années supplémentaires.




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est directeur marketing chez Orange. Son livre « L'Homo Globalis Numericus » est paru au début de l’année aux Editions du Panthéon.

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