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Classes prépa B/L: nous ne sommes pas des technocrates!


Classes prépa B/L: nous ne sommes pas des technocrates!
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Parce que borner le profil du khâgneux à la figure d’Emmanuel Macron est réducteur, que percevoir ses élèves comme des automates est trop cartésien, et que dextérité n’est pas tour de prestidigitation, nous souhaitions, Monsieur Brighelli, répondre à votre vision partiale et partielle de la B/L qui n’épouse pas la nôtre, élèves et anciens élèves de B/L.

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Nier l’élitisme de la filière serait mentir. Mais attribuer la réussite à un déterminisme implacable revient à mépriser tout mérite personnel. À 18 ans, nous avons pris le parti — pour certains sans l’assentiment de leurs parents qui ignoraient tout de la B/L — de nous engager dans une formation où rigueur, travail et curiosité sont de mise. Nous ne sommes pas des saltimbanques. La dextérité dans l’exercice dissertatoire ne relève pas d’une fumisterie magique. Elle est au contraire le fruit d’une lente et exigeante assimilation d’un savoir éclectique et de l’apprentissage de la structuration du raisonnement. Pas d’inspiration mystique ni de formules abracadabrantes, tout est affaire de transpiration. Et oui, le réel est souvent décevant…

« Nous aimons profondément ce que nous faisons »

Percevoir le réel par la seule lorgnette de sa fervente conviction est le credo des idéologues. Face à cette attitude, nous préférons effectivement l’absence de ton péremptoire. Il n’est pas question en dissertation de donner son avis, mais de se départir de sa subjectivité pour réfléchir, interroger et délibérer. Trancher vient ensuite. L’exercice nous amène à dépasser nos a priori pour prendre de la hauteur. Faire preuve d’un manichéisme hâtif mène rarement loin, car l’autorité d’un argument catégorique ne tient généralement qu’à la manière dont il est énoncé. Néanmoins, nous vous l’accordons : écarter le superficiel et le polémique est moins sensationnel.

Ni le masochisme, ni la coercition familiale ne sauraient nous résoudre à ces efforts. Si le plaisir est parfois grimaçant, il n’est jamais absent. Nous aimons profondément ce que nous faisons et mesurons la chance que nous avons de pouvoir conjuguer études et passion. Par son enseignement généraliste, la B/L sollicite les centres d’intérêt de chacun dans le même temps qu’il les élargit. L’absence de programme en fait deux années de découvertes, guidées par sa curiosité personnelle.

Et l’amour aussi

À se vouloir trop cartésien, Monsieur, on en oublie la vie, la vraie. L’amour, notamment, n’est pas proscrit et même souvent pratiqué. Pas plus qu’autrui nous n’avons d’immunité pour éviter d’y succomber. Mais puisque vous semblez soucieux de notre Education Sentimentale, rassurez-vous : ni l’effusion des âmes ni l’alchimie des corps ne sauraient nous détourner de la Sainte Voie.

Quant aux professeurs, loin de se borner à de vaillants correcteurs de copies, ils sont de ceux propres à déclencher des vocations. Le poncif de l’enseignant tyrannique de classes préparatoires est émoussé : il a laissé place à une bienveillance professorale qui n’est, pour autant, pas oublieuse des exigences. Au fil du temps se tissent des liens innervés par le respect, l’estime et la gratitude.

« Faire ses humanités pour conquérir son humanité »

Les classes préparatoires littéraires — gratuites et ouvertes à tous, rappelons-le — sont une chance donnée à tout étudiant qui fait le choix de s’y aventurer. Étrangement, vous semblez les condamner, nous les défendons. Comme vous, nous avons lu Bourdieu : que l’origine sociale reste déterminante est indéniable. Cela étant, renier leur apport aussi bien intellectuel qu’humain serait faire preuve de mauvaise foi. Quel que soit notre horizon familial, elles nous ont été à tous profitables. Elle a permis aux meilleurs de nourrir de hautes aspirations, tout comme elle a permis aux plus fragiles de pallier une méthode parfois défaillante, et, le cas échéant, des lacunes héritées d’un milieu moins favorisé. Le chemin, Monsieur, importe parfois plus que la destination.

Faire ses humanités pour conquérir son humanité, voilà l’ambition de cette formation. Nous n’y apprenons pas à devenir des machines, mais à connaître, à comprendre et à aimer notre civilisation. Le concours impose une exigence, non un formatage. Contre la tendance contemporaine au morcellement du savoir, le khâgneux est celui qui s’efforce par la pluridisciplinarité de faire sens vers une totalité cohérente. La sensibilité littéraire développée par son exercice, la conscience historique qu’on s’y forge et la capacité à conjuguer culture, social, économique et humain sont précisément ce qui rend la B/L irréductible à l’idée d’un quelconque technocratisme. On sort toujours grandi d’une classe préparatoire, surtout quand on a la chance d’y croiser les bons professeurs.

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