Accueil Édition Abonné «De nos jours, le catholique est vu au mieux comme un illuminé, au pire comme un intégriste!»

«De nos jours, le catholique est vu au mieux comme un illuminé, au pire comme un intégriste!»

Entretien avec l'essayiste Claire Koç, qui publie "Le jour où je me suis convertie" (Perrin)


«De nos jours, le catholique est vu au mieux comme un illuminé, au pire comme un intégriste!»
La journaliste de France TV Claire Koç publie "Le jour où je me suis convertie" (Perrin, 2023).

« En me convertissant au catholicisme, j’étais persuadée d’entrer dans la norme pour m’extraire d’une minorité. J’avais faux sur toute la ligne. Pourquoi diable me suis-je mise dans ce pétrin ? » Voici comment Claire Koç, journaliste, fille de bergers anatoliens issue de l’ultra-pauvreté, nous présente son dernier livre.


Causeur. Dans votre nouveau livre, vous revenez sur votre conversion au catholicisme. Vous évoquez les figures de Paul Claudel et d’André Frossard, grands convertis. En vous lisant, on a l’impression que votre conversion est davantage le fruit d’un long cheminement que d’un coup de foudre spirituel. Pouvez-vous revenir sur votre parcours ?

Claire Koç. Bien au contraire, ma conversion est un coup de foudre spirituel qui a eu lieu lorsque j’avais 6 ans. C’est cela le mystère de la foi, c’est de l’ordre de l’irrationnel. Cela s’est passé en entrant dans une église, par hasard, à la sortie de l’école. Lorsque j’ai croisé le regard de la Vierge Marie tenant son fils dans les bras, il s’est passé quelque chose dans mon cœur. Dès lors, chaque fois que je passais devant une église, j’y entrais pour prier et allumer des cierges. J’ai mis 30 ans avant de me convertir car je me sentais illégitime, je pensais la foi catholique inaccessible. Qu’elle pouvait se faire uniquement par la transmission familiale. J’ai sauté le pas à 36 ans, après la naissance de mon fils, j’étais prête à recevoir le baptême en même temps que mon enfant.

Vous vous êtes convertie au moment où une partie des fidèles sont déboussolés par les propos du Pape actuel. Sur les migrants, faites-vous partie de ceux qui estiment qu’il en fait un peu trop ?

Je trouve surtout le pape assez distant vis-à-vis de la France. Lors de son récent voyage à Marseille, il a tenu à préciser qu’il ne venait non pas en France mais à Marseille. Mais Marseille est en France jusqu’à preuve du contraire. Du point de vue de la fille issue de l’immigration extra-européenne que je suis, c’est assez incompréhensible. J’ignore les raisons de son désamour.

Vous racontez aussi l’attrait assez récent, notamment chez les femmes, pour le spiritisme, l’ésotérisme, les pierres énergisantes… Votre thèse est que la nature a horreur du vide, et que puisque le vide religieux a envahi l’époque (en tout cas chez les Français de souche), les gens se cherchent des croyances de substitution. Au risque de paraitre affreusement sexiste, ce besoin de rites et de croyances, ce n’est pas un peu aussi « truc de bonnes femmes » ?

Je crois que l’humain, qu’il soit homme ou femme, a toujours eu besoin de croire en quelque chose, et cela depuis la nuit des temps. Certains vont croire en Dieu, d’autres dans l’énergie des pierres, d’autres encore en leur café du matin ou en eux-mêmes. Je remarque que lorsque le christianisme est diabolisé, c’est au profit de nouvelles normes de croyances : ésotérisme, sorcellerie 2.0, chamanisme etc. L’athéisme attire également de plus en plus de personnes en France. Le problème n’est pas de croire ou de ne pas croire en France, la liberté de conscience est un droit et la loi sur la laïcité la permet. Ce que je relève dans mon livre à travers mon expérience personnelle c’est qu’il y a aujourd’hui les croyances considérées comme « bonnes » et celles considérées comme « mauvaises ». Le catholique est vu au mieux comme un illuminé, au pire comme un intégriste. C’est assez terrifiant et paradoxal dans une société qui se prétend être progressiste, ouverte et tolérante. Je me rends compte que la tolérance est à géométrie variable et que la liberté de conscience est une notion fragilisée. Il est possible d’être croyant et laïque en France, contrairement à ce que l’on voudrait nous faire croire.

Certains élus et militants associatifs se perdent dans une laïcité mal comprise qu’ils instrumentalisent pour se retourner contre le christianisme. Comme par exemple en voulant déboulonner les statues de saints, renommer Noël « fête d’hiver » etc. Il y a une tradition chrétienne en France, et moi, elle ne me dérange pas comme de nombreux Français.

Dans une nouvelle, Chesterton fait dire à son prêtre-détective, le père Brown, alors qu’il vient de démasquer un faux ecclésiastique et que celui-ci lui demande comment il a pu l’identifier : « Vous avez attaqué la raison, c’est de la mauvaise théologie ». Vous rendez un bel hommage au subtil alliage entre foi et raison à travers la figure de Blaise Pascal. Le génie du christianisme n’est-il pas tout entier là ?

Ce que dit Blaise Pascal est très intéressant sur le rationnel et l’irrationnel. Pascal émet l’hypothèse que si Dieu s’imposait comme une vérité mathématique, la foi perdrait toute sa substance. Tout le monde croirait en Dieu et la quête intérieure n’aurait plus lieu d’exister. Il rappelle que la connaissance de Dieu n’appartient pas au même ordre que la connaissance rationnelle ; elle relève du cœur, siège de la volonté, dont le champ est plus vaste que celui de la raison. Ainsi, pour Pascal, raison et foi ne s’opposent pas, mais se complètent harmonieusement. Et puis personnellement, j’ai le sentiment que si les religions n’existaient pas, l’Homme trouverait autre chose pour se faire la guerre.

Le jour où je me suis convertie

Price: 18,00 €

13 used & new available from 12,91 €




Article précédent La peur du peuple est suicidaire pour Macron
Article suivant Branle-bas de combat chez les européistes, élections en vue
Professeur démissionnaire de l'Education nationale

RÉAGISSEZ À CET ARTICLE

Le système de commentaires sur Causeur.fr évolue : nous vous invitons à créer ci-dessous un nouveau compte Disqus si vous n'en avez pas encore.
Une tenue correcte est exigée. Soyez courtois et évitez le hors sujet.
Notre charte de modération