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La fin du comptant?

La généralisation des transactions numériques et la traçabilité totale des échanges financiers inquiètent


La fin du comptant?
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En France, avec le succès du paiement sans contact, nous nous retrouvons bien souvent sans la moindre pièce de monnaie dans la poche. Et donc incapables de régler en liquide la baguette de pain du soir, ou de dépanner le clochard au coin de la rue! Au Québec, nos cousins canadiens s’inquiètent également de la disparition de la monnaie, mais toute critique quant à la raréfaction des agences bancaires ou de l’argent liquide est rapidement assimilée à du complotisme. Correspondance.


On a vu tourner sur Facebook, il y a peu, la photo de la vitrine d’une succursale de la Banque Nationale de Ville LaSalle, au Québec. Dans celle-ci se trouvait une affiche stipulant qu’à partir du 19 avril 2024, la succursale « ne détiendrait plus dargent comptant ni de service de conversion de devises. » Les caissiers allaient n’offrir que des services administratifs n’impliquant pas la manipulation d’argent. Il était aussi écrit qu’au guichet automatique, les transactions courantes allaient pouvoir être effectuées.

Le message envoyé par cette annonce était assez équivoque. Les guichets allaient-ils, eux, continuer à distribuer du comptant ou n’allaient-ils devenir que des machines à recueillir les dépôts et effectuer des paiements de facture ?

Malgré le flou qui l’entoure, dans le contexte où les institutions financières ferment de plus en plus de succursales, ce genre de décision par une grande banque est extrêmement inquiétante. Malgré cela, on a accusé rapidement les gens qui avaient partagé cette image d’être des complotistes d’extrême-droite.

Les nouveaux pestiférés

On en a tout de même relativement peu parlé, parce que la question de la disparition graduelle de l’argent comptant est associée aux cercles dits « complotistes », quolibet dont on a affublé, sans aucune nuance, la plupart des voix qui s’élèvent contre le mondialisme depuis que la pandémie de Covid-19 a généré des réactions parfois explosives chez certains, et qu’une partie de ces gens ont adopté des positions carrément farfelues, flirtant parfois avec l’obsession paranoïaque et la psychose. Nous avons assisté, en direct, à la création d’une nouvelle classe de pestiférés par les castes médiatiques dominantes, entraînant par le fait même la génération de nouveaux tabous (critique des laboratoires pharmaceutiques, questionnement face à la gestion de la pandémie, remise en question du discours dominant sur l’apocalypse climatique, regard critique sur le FMI, le Forum Économique de Davos, etc.).

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En mettant tout dans le même panier, en articulant autour de l’axe décrédibilisant du complotisme à la fois ceux qui croient que la terre est plate, qui ont refusé le vaccin, qui ne voient pas d’un bon œil les idées prônées par Klaus Schwab et qui s’imaginent que Hitler était le pantin de la franc-maçonnerie, on s’est empêchés de réfléchir sur un certain nombre de questions très préoccupantes. Le cheminement du monde occidental vers une société qui surveille la vie privée des citoyens tout en augmentant leur dépendance envers certaines élites est de ces questions, et la disparition graduelle du comptant participe à cette aliénation des gens ordinaires que l’on doit absolument pouvoir constater et contester.

Nul besoin de comploter

Il est probablement exagéré et trop facile de croire que ce cheminement évident vers une société de surveillance où les individus seront rendus dépendants émane d’un complot clair et net de gens appartenant à des réseaux, occultes ou non, ayant des intentions et un agenda précis. Il ne suffirait, dans ce cas, que de couper les têtes pensantes de ces réseaux pour tuer l’hydre qui cherche à nous dévorer. La réalité est probablement beaucoup moins claire que cela. Ce sont les idéologies qui s’emballent et que l’on a globalement avalées depuis des siècles, convaincus que nous étions de leur supériorité morale, qui engendrent ce mouvement aliénant.

Aujourd’hui, on veut le freiner. On peut vouloir chercher des coupables, couper des têtes, mais la roue qui tourne actuellement est mue par un momentum causé par la mise en place de systèmes, de structures sociales, académiques, administratives érigées depuis longtemps et qui, aujourd’hui, engendrent des conséquences qui, au départ, n’étaient pas prévues. Certes, une élite en profite et cherche à accélérer le mouvement, mais ils n’en sont pas à l’origine.

Conséquence de la modernité

Pas besoin de manipuler les masses pour convaincre les gens d’abandonner l’argent comptant. Bien avant le Covid, les entreprises ont commencé à payer leurs employés par virements électroniques. Moins coûteux, plus pratique et instantané que le chèque. Bien avant le Covid, l’avènement au pouvoir des « Young World Leaders » et le livre The Great Reset de M. Schwab, le commun des mortels s’est mis à régler par carte, du simple paquet de gomme à l’achat de son nouvel ordinateur. Il a décidé de ne plus s’encombrer de relevés bancaires, et a voulu, de son plein gré, désengorger sa vie d’une paperasse franchement pénible à gérer en acceptant que tout devienne virtuel, dématérialisé et électronique.

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Sa vie privée ? Pour sa sécurité, il acceptera sans peine d’en abdiquer une partie. Il signe déjà depuis longtemps des autorisations sans en lire les détails tarabiscotés, donne déjà son numéro de Sécurité sociale et accepte depuis belle lurette de révéler son bureau de crédit à n’importe qui en fait la demande.

Engagé dans la spirale d’une vie souvent frénétique et exigeante, où sa subsistance dépend de sa capacité à monnayer son temps plutôt qu’au fruit direct de son travail, le temps à consacrer à l’administration de ses avoirs lui semble lourd et pénible, et il s’en déleste avec joie. Il y a 100 ans, cela était enthousiasmant, mais la machine s’est, depuis, emballée. Et nous sommes en droit – nous avons même le devoir – de nous demander où est la pédale de frein. Et ça n’est pas du complotisme que de le penser.



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Jenny Langevin est étudiante et chroniqueuse culturelle et sociopolitique. Elle contribue à divers médias québécois, dont L'Action Nationale, la revue Argument, La Presse et le Huffington Post Québec. Elle s'intéresse particulièrement aux rapports entre l'évolution de la littérature et de la culture populaire en lien avec les enjeux sociaux contemporains.

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