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Bordeaux: quand l’idéologie des élus veut imprimer sa marque sur des manifestations destinées à la petite enfance


Bordeaux: quand l’idéologie des élus veut imprimer sa marque sur des manifestations destinées à la petite enfance
Image d'illustration Unsplash

En Gironde, un atelier de maquillage pour les tout-petits, organisé dans une bibliothèque et animé par une drag-queen, est notamment dénoncé par le parti d’Eric Zemmour.


Dans le cadre du mois de la petite enfance aura lieu à Bordeaux un atelier de maquillage destiné aux enfants de 18 mois à 4 ans. Cet atelier, animé par Serge, présenté comme un « homme en jupe » ou comme drag queen, fait polémique. Pour le plus grand bonheur de la mairie écologiste qui administre la ville, puisque cela permet à ses élus d’adopter des postures de drama queen, d’entonner le grand air de la persécution fasciste et de mettre en avant leur tolérance et leur progressisme !

Espérons que l’atelier maquillage proposé se déroule sans problème. Il ne devrait en rien faire avancer une quelconque lutte, mais l’essentiel est que les enfants s’amusent

La crainte d’un endoctrinement des enfants de 4 ans sur les «stéréotypes de genre»

La seule chose dont tout le monde semble se moquer concerne l’intérêt de ce type de manifestation pour de très jeunes enfants. Mais la municipalité préfère mettre en avant sa belle âme et son esprit de résistance face à la menace de l’extrême droite. «Dès qu’il y a des initiatives portant sur les sujets d’égalité entre les filles et les garçons et de lutte contre les stéréotypes de genre, une frange radicalisée de la population se lâche sur les réseaux sociaux et les sites d’extrême droite», s’agace ainsi Olivier Escots, adjoint au maire en charge des discriminations dans Le Figaro.

Tweet du responsable départemental du parti « Reconquête »

La mairie de Bordeaux a décidé de placer son « mois de la petite enfance » sous le thème de l’égalité filles-garçons. La chose est déjà en soi amusante car, à cet âge-là, les enfants découvrent à peine l’existence des différences sexuelles et n’ont guère l’idée de ce que peut-être un stéréotype de genre, ils sont dans l’apprentissage de la conscience de soi. Ce type d’affichage est donc purement idéologique. Il permet essentiellement à des élus qui n’ont sans doute pas réfléchi à ce qu’ils pourraient apporter en matière de petite enfance, d’exhiber leur bonne conscience et de faire croire qu’ils agissent, alors qu’ils ne font que faire des pâtés de sable avec des concepts qui les dépassent.

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On peut tout à fait comprendre l’importance de lutter contre les discriminations. Un homme qui assume son sexe et son envie de porter des jupes et du maquillage ne mérite pas d’être ostracisé, moqué, encore moins humilié. Et ce n’est pas inutile de le rappeler.

Mais justement, les très jeunes enfants n’ont pas ce type de réflexe. Ils vont facilement vers l’autre. Cette question concerne les jeunes et les adultes, et ne peut alimenter qu’un discours en direction de personnes aptes à le comprendre et concernés par celui-ci. En quoi des enfants de 18 mois à 4 ans doivent-ils être instrumentalisés pour faire passer un message qui ne les concerne pas ? En quoi le fait d’être surpris par le parti pris des organisateurs devrait se traduire par un procès en fascisme fait aux individus et aux familles qui trouvent l’initiative contestable ? En quoi des élus doivent-ils faire de toute manifestation un tract politique destiné à leur tendre un miroir dans lequel ils se contemplent en chevalier blanc du politiquement correct, sans se soucier de ceux à qui l’initiative est censée être destinée ? Il se trouve hélas que de plus en plus d’élus mettent leur mandat au service de leurs obsessions, se mettent à faire la morale à leur population en s’érigeant arbitrairement en directeurs des consciences, le tout sans n’avoir plus aucun rapport avec l’intérêt général.

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On a d’ailleurs du mal à comprendre l’intérêt de l’atelier en question. Le fameux Serge est censé se maquiller, ensuite les enfants sont censés l’imiter. En général, les ateliers maquillage qu‘adorent les enfants consistent à les maquiller, en tigre, papillon, grenouille ou lion. Dans toutes les kermesses de maternelles, ces stands sont pris d’assaut. S’il s’agit juste de les laisser se gribouiller le visage et les mains de maquillage, pas sûr qu’il y ait besoin d’un tuto, encore moins sûr qu’à 3 ans, un enfant ait la coordination nécessaire pour « imiter » la précision d’un maquillage de drag queens. Mais comme tout le monde se moque de ces réalités-là, passons.

Tout à l’égo

Si vraiment des élus voulaient lutter contre les inégalités et développer à terme la tolérance, il existe des dispositifs plus pertinents qui se concentrent sur la période de la petite enfance. Notamment autour du développement du langage et de l’acquisition de vocabulaire. Ces approches ont notamment pour but l’acquisition, par les enfants issus des milieux défavorisés, d’un niveau de langage permettant de faire face aux apprentissages scolaires et de réduire ainsi la fracture sociale. On sait bien que le fait de ne pas maîtriser le langage est un facteur de violence et de difficulté à tisser le lien à l’autre. Seulement voilà, ce type d’engagement ne se résume pas à quelques heures, peu coûteuses, vite effectuées et vite oubliées. Cela demande un véritable investissement, et la participation des crèches, et ne peut porter de fruits que sur la durée. Il est rare que les élus se fassent attaquer sur ce type de programme, ce qui rend difficile la mise en scène de soi-même en martyr de la cause du progressisme et en cible de la méchante extrême-droite…

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Des initiatives utiles et qui ne se suscitent aucune polémique, voilà ce qui ne fait pas les affaires d’élus dont le service de leur propre ego paraît être la motivation principale. En attendant, espérons que l’atelier maquillage proposé se déroule sans problème. Il ne devrait en rien faire avancer une quelconque lutte, mais l’essentiel est que les enfants s’amusent. Pour le reste, cette affaire n’est que la énième illustration d’un certain puritanisme qui tente d’enrégimenter les enfants dès le plus jeune âge, avant même qu’ils n’aient développé leur personnalité.

Que cela puisse heurter certains parents n’est pas étonnant. En revanche, que des élus, au lieu d’interroger leurs choix et leurs pratiques, renvoient toute critique à la fachosphère, interroge.

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Ancienne conseillère régionale PS d'Île de France et cofondatrice, avec Fatiha Boudjahlat, du mouvement citoyen Viv(r)e la République, Céline Pina est essayiste et chroniqueuse. Dernier essai: "Ces biens essentiels" (Bouquins, 2021)

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