Ce n’est pas un végétal, ni un champignon et ne lui dites surtout pas que c’est un animal, le blob est inclassable !
Au zoo de Vincennes il y a un nouveau pensionnaire qui me fait un peu peur.
Une chose à propos de laquelle je lis tout ce que je trouve depuis que j’en ai appris l’existence, il y a quelques années. Un « truc » ni animal ni végétal qui peut appartenir à l’un des 221 sexes de son espèce et qui est immortel !
On l’a à peu près tous déjà croisé, sans le savoir. Une masse jaune spongieuse accrochée aux bûches en décomposition dans les sous-bois. Longtemps, on a cru que c’était juste des moisissures visqueuses. On est en train de comprendre que ces dégoûtants macaronis au fromage, dont on ne sait pas très bien s’ils ont été renversés ou vomis, sont beaucoup plus intelligents qu’ils en ont l’air…
Tout commence au Texas quand une dame remarque dans son jardin amoureusement entretenu une sorte de cookie gluant, jaune pâle.
Elle pense à un champignon à « désherber », le massacre avec son râteau et disperse les morceaux sur le tas de fumier tout au fond du terrain. Mais deux jours plus tard, la « chose » s’est régénérée. Les morceaux se sont regroupés et de deux cookies on est passé à la surface d’une bonne dizaine ! Décidée à en finir, la dame les noie d’herbicide. Mais le jour d’après, la chose gluante est toujours là, en pleine forme. Effrayée, elle appelle les pompiers qui bombardent le truc au karcher. Toujours vivant ! Ils y mettent le feu. Rien à faire ! Toujours vivant !
Évidemment, les voisins pensent qu’un Alien est tombé dans le jardin de ces malheureux. On appelle la police qui canarde les macaronis à la Winchester – je rappelle qu’on est au Texas. Mais toujours vivante, la chose semble indestructible et continue de grossir. Et puis un jour, plus rien. La gélatine a disparu. « E.T. retourné maison. »
La presse locale lui a trouvé un nom : le « blob » en référence au film de 1958 The Blob avec Steeve McQueen, dans lequel un organisme ressemblant à une gelée anglaise arrive d’une autre planète et dévore tout sur son passage.
En réalité, le blob est bien connu des scientifiques qui l’appellent myxomycète. Ce qui veut dire, en grec, « champignon gluant ». Sauf que le blob n’est pas un champignon, le blob n’est pas une plante, et le blob n’est pas non plus un animal. Il a les caractéristiques des trois à la fois. Du coup, il a été classé dans la famille fourre-tout de la biologie : les protistes. Quand on ne sait pas ce que c’est, c’est un protiste.
Un blob peut faire jusqu’à dix mètres carrés… Vous imaginez le nombre de cellules ?!
Moi je fais environ deux mètres carrés et mon corps contient approximativement 100 milliards de cellules. Alors un blob, vous savez combien de cellules ? Une ! Une seule cellule de dix mètres carrés. Ça fout la trouille, non ? Et ce qui est encore plus effrayant chez le blob, c’est qu’il bouge, s’il en a besoin pour se nourrir. Un blob avance à peu près à un centimètre à l’heure. Quatre s’il est très affamé.
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C’est notre salut ! On court plus vite que le blob…
Heureusement, parce qu’il lui faut à peine une heure pour engouffrer un champignon dans un sous-bois, en le couvrant.
Les scientifiques l’observent en laboratoire depuis quelques décennies pour tenter de percer les mystères de ses propriétés extraordinaires. Comme il est compliqué et coûteux de faire pousser des champignons pour le nourrir, un scientifique japonais a découvert un peu par hasard dans les années 1960 que le Blob raffolait des flocons d’avoine. C’est donc aux Kellogg’s qu’il est scientifiquement élevé depuis. (Un petit blob de labo en mange quand même un kilo par semaine !)
De la bave qui apprend
Cette créature est fascinante et ouvre énormément de pistes de recherche. C’est par exemple un être intelligent, mais sans cerveau. On sait depuis Twitter qu’il n’y a pas besoin d’un cerveau pour accomplir certaines tâches. Mais des expériences ont montré que le blob peut trouver son chemin dans un labyrinthe vers de la nourriture placée à sa fin. En laissant dans son sillage une traînée de mucus qui lui évite de repasser dans des zones qu’il a déjà visitées sans succès – une sorte de « mémoire spatiale externalisée » disent les scientifiques. Bon nombre de processus, que nous pourrions considérer comme des caractéristiques fondamentales du cerveau (l’intégration sensorielle, la prise de décision et même l’apprentissage), ont été mis en évidence dans cet organisme sans être pourtant neurologiques.
On pense que le blob existe depuis environ un milliard d’années, bien qu’il n’ait été étudié de façon intensive que depuis quelques décennies. Chacune de ses étonnantes capacités ouvre une fenêtre sur notre propre espèce. La régénération cellulaire, par exemple. Le blob détient un record : vous coupez un blob en deux, il lui faut exactement deux minutes pour cicatriser et devenir deux blobs en pleine forme. Adieux agrafes et sparadraps…
Ou encore le mystère de nos origines : puisque le blob est capable de « penser » sans cerveau, certains scientifiques se demandent si nous n’aurions pas appris à penser par la force de notre biochimie avant même d’être doté d’un système nerveux. Suivant le précepte « la fonction crée l’organe », nous n’aurions créé notre système nerveux que dans un deuxième temps afin d’exploiter nos qualités naturelles. Novatrice hypothèse sur l’évolution.
Les implications sont beaucoup trop nombreuses pour être développées dans cette chronique. Mais si comme moi vous êtes hypnotisé par l’inexplicable « intelligence » de cette forme de vie, vous pouvez utilement lire Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le blob sans jamais oser le demander, d’Audrey Dussutour, éthologiste au CNRS à Toulouse et grande spécialiste de la chose.
Vous y trouverez peut-être un début de réponse à la question fondamentale posée par le Blob : n’existerait-il pas une forme d’intelligence indépendante du cerveau que l’on aurait négligée ? Une intelligence sensorielle qui permet à cet organisme de prendre des décisions, d’apprendre, et même de transmettre ce qu’il sait – il est capable de transmettre son apprentissage à l’un de ses congénères, tout simplement en fusionnant avec lui ?
N’y aurait-il pas la possibilité d’autres formes de cerveaux à la manière des microbiotes de l’intestin (qui contient 200 millions de neurones), désormais appelé « deuxième cerveau » ? On pense aussi aux 40 000 neurones de notre cœur, soupçonnés d’être responsables de changements de personnalité qui « auraient été observés sur le receveur » après greffe du cœur. Voir à ce sujet l’histoire de Claire Sylvia racontée dans Mon cœur est un autre : elle hérite du cœur d’un jeune motard de 18 ans et se met soudain à aimer la bière, les beignets de poulet… et les femmes !
C’est complètement blob ça, non ?
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