Qui sont les Loups gris? Ce mouvement radical de jeunes Turcs est tour à tour décrit comme antichrétien, antisémite, homophobe, anti-arméniens, anti-grecs, anti-kurdes, anti-communiste et néo-fasciste. Il a fait parler de lui en région lyonnaise dernièrement.
Le 28 octobre 2020, l’Azerbaïdjan accuse l’Arménie d’un bombardement meurtrier dans le Haut-Karabakh. La nuit tombée, une meute de 250 Français d’origine turque envahit les rues de Décines-Charpieu. Cette commune de l’agglomération lyonnaise n’a pas été choisie par hasard. Sur 27 000 habitants, près de 5000 sont d’origine arménienne, ce qui lui vaut le surnom de « petite Arménie ». Entre deux coups de feu, les assaillants intimident leurs proies avec des insultes et en tambourinant aux portes. Les 65 d’entre eux qui seront verbalisés pour non-respect du couvre-feu détiennent un passeport français. Le dimanche de la Toussaint, au matin, les Décinois trouvent le Centre National de la Mémoire Arménienne profané. Dans la nuit, l’escadron a encore frappé. À la peinture jaune, en lettres capitales, y sont inscrites les initiales d’Erdogan et « Loups gris ».
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Une dissolution impossible?
Ce nom mystérieux, qui n’a rien à voir avec l’œuvre de Charles Perrault, a pourtant une origine littéraire. Écrivain père du nationalisme turc des années 1930 et ouvertement acquis à la cause du IIIème Reich, Nihal Atsiz signa La mort des Loups gris, un roman historique bien connu dans la patrie d’Erdogan. Le 4 novembre 2020, des employés du Centre National de la Mémoire Arménienne, à genoux, frottent les initiales du « Reïs » (littéralement « patron », l’un des surnoms d’Erdogan) pour les effacer. Le même jour, un Conseil des ministres réuni à Paris tente de tuer la bête par l’arme législative. Mais la milice n’ayant pas d’existence légale en France, le décret porte sur la « dissolution d’un groupement de fait ».
Insaisissable, la meute ne tarde pas à se réorganiser. Située dans le septième arrondissement lyonnais, la Maison de la Mésopotamie sera sa prochaine proie. Le 4 avril, une dizaine d’individus cagoulés font irruption dans les locaux de cette association kurde et tabassent ses membres à coups de battes de base-ball et de barres de fer. Quatre d’entre eux sont transportés aux urgences. Si la raison d’être de l’association ciblée est de « préserver l’identité culturelle kurde », elle n’a aucun lien avec le PKK et condamne les actions terroristes, souligne un de ses responsables, qui souhaite se faire appeler Çiya. Pour lui, il ne fait aucun doute que ce coup de force d’une violence inouïe est l’œuvre des Loups gris. « Que ce soit par le biais d’associations culturelles ou de mosquées, les Loups gris sont très actifs et très organisés dans la région. Il y a beaucoup de Turcs du coin qui viennent d’Anatolie, une région rurale de Turquie. Ils constituent le principal terreau de l’AKP d’Erdogan ou du MHP (parti ultranationaliste turc) en France, qui utilisent ces sbires. »
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Des radicaux au service d’Erdogan
Un terreau où le suprémacisme turc serait insufflé aux louveteaux afin de former les Loups gris de demain. Quel est l’intérêt pour le Reïs de laisser pratiquer, voire d’encourager l’ultra-violence des Loups gris en France ? « Erdogan a besoin des conflits pour rester au pouvoir. Alimenter la haine entre les Turcs et les Kurdes fait partie de sa stratégie », analyse Çiya.
Lequel rappelle qu’en 2015, avant de rétropédaler, le Reïs invoqua ouvertement l’Allemagne d’Hitler pour vanter les vertus de sa propre présidence !
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