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« Apocalypse » sur France 2: Cinquante ans de fin du monde

Entretien avec Daniel Costelle


« Apocalypse » sur France 2: Cinquante ans de fin du monde
Daniel Costelle et Isabelle Clarke, réalisateurs de la série documentaire Apocalypse © GUERICOLAS/MPP/SIPA Numéro de reportage: 00899702_000004

Eté 1945. Alors que les peuples victorieux célèbrent le retour à la paix, un rideau de fer tombe entre ceux qui furent autrefois alliés… France 2 diffuse ce soir les premiers épisodes de la série « Apocalypse, la Guerre des mondes ». Entretien avec le documentaliste Daniel Costelle.


La série Apocalypse, conçue et réalisée dès 2009 par Isabelle Clarke et Daniel Costelle, connaît un succès international. Les 5 et 12 novembre, France 2 diffuse « La Guerre des mondes, 1945-1991 », qui comporte les épisodes consacrés à la guerre froide [tooltips content= »Six épisodes de cinquante-deux minutes chacun seront diffusés en deux soirées : le 5 novembre, « La Grande Rupture (1945-1946) », « L’Escalade de la peur (1947-1949) », « Le monde tremble (1950-1952) » ; et le 12 novembre, « La Conquête (1953-1955) », « Le Mur (1956-1962) » et « L’Abîme (1963-1991) ». »](1)[/tooltips] . « La Guerre des mondes » restitue la réalité géopolitique de ces temps d’effroi avec une science de la surprise et de la révélation [tooltips content= »Étymologiquement, le mot grec apokalupsis, « apocalypse », se traduit par « révélation » (d’une vérité). »](2)[/tooltips] qui laisse une impression durable. Le monde, l’Europe auraient pu connaître un sort funeste, et l’Amérique, loin d’être l’empire d’arrogance et de domination que décrivaient ses ennemis déclarés, demeura longtemps une force inquiète.

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En 1953, à la suite de l’expérimentation, aux États-Unis et en Union soviétique, de la bombe à hydrogène, les physiciens américains réglèrent « l’horloge de la fin du monde  » (ou «  horloge de l’apocalypse ») sur minuit moins deux minutes, pour signifier l’imminence d’un affrontement atomique.

La guerre froide a pris fin. Nous devrions donc être rassurés. Mais alors que les nouveaux périls se multiplient, les aiguilles de l’horloge semblent de nouveau se rapprocher de l’heure fatidique. Au point que cet intermède glaciaire nous apparaît rétrospectivement comme presque rassurant.

Entretien avec Daniel Costelle

Causeur. Deux fois trois heures, en « première partie de soirée », consacrées à un tel sujet, cela n’a-t-il pas effrayé la chaîne ?
Daniel Costelle. Aucunement ! La série Apocalypse procède d’une volonté patrimoniale universelle ; le monde tel qu’il est aujourd’hui n’est pas le fruit de la génération spontanée, il a des origines. Nos films s’opposent à la tentation ou au risque de l’oubli.

Cette fois encore, vous offrez des images inédites, comme celles des prostituées de Diên Biên Phu, ou encore celles de la conférence de Potsdam, qui a réuni, du 17 juillet au 2 août 1945, Winston Churchill puis Clement Atlee, Harry Truman, et pour l’URSS Joseph Staline.
Lorsque nous avons découvert la séquence de Potsdam, nous avons tous ressenti la même jubilation que si nous avions trouvé un trésor. Cette chute oubliée permet d’aller au-delà des apparences. Si les images des trois vainqueurs assis, détendus, ont été mille fois vues, nous avons déniché une scène édifiante : Truman s’assied d’abord, Staline en prend ombrage, l’invite à se relever, puis à s’asseoir à nouveau. À ce moment précis de l’Histoire, Joseph Staline est le patron.

C’est aussi le moment où se forment les deux blocs…
Le mot bloc n’appartient pas à notre vocabulaire. Il y avait la Russie d’un côté, l’Amérique de l’autre. L’Armée rouge est décisive dans la victoire, en 1945. Le sacrifice des soldats russes est immense : ils ont affronté les nazis à la baïonnette quand les bombardements devenaient inutiles. La Russie et Staline occupent donc la première place à la table des vainqueurs. Ce qui a certainement encouragé cet inquiétant appétit de conquêtes.

On voit en revanche des Américains saisis par le doute.
Où sont alors les véritables frontières de l’Amérique ? À New York, à Paris, à Berlin  ? Après Postdam, Staline gagne des territoires très vastes : l’Armée rouge aurait fort bien pu atteindre Brest en deux jours  ! La propagande soviétique, très efficace, impose la représentation du prétendu impérialisme américain. L’Amérique hésite, c’est vrai, elle démobilise un bref moment, pendant lequel le pire peut se produire. Que se serait-il passé si elle avait quitté le continent européen ? Nous montrons que cette tentation était grande. Elle a choisi Berlin, et n’a plus abandonné un pouce de terrain durant près de cinquante ans.

Novembre 2019 - Causeur #73

Article extrait du Magazine Causeur




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Né à Paris, il n’est pas pressé d’y mourir, mais se livre tout de même à des repérages dans les cimetières (sa préférence va à Charonne). Feint souvent de comprendre, mais n’en tire aucune conclusion. Par ailleurs éditeur-paquageur, traducteur, auteur, amateur, élémenteur.

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