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Covid-19: « Le Règlement sanitaire international n’a pas échoué. Il n’a pas été appliqué! »

Entretien avec Hélène De Pooter


Covid-19: « Le Règlement sanitaire international n’a pas échoué. Il n’a pas été appliqué! »
Olivier Véran, ministre de la Santé et des Solidarités, au QG de l'OMS à Genève, le 25 juin 2020. © Salvatore di Nolfi/AP/SIPA/AP22467545_000002

Entretien avec Hélène De Pooter, maître de conférences en droit public, université de Franche-Comté.


Causeur. Votre thèse[tooltips content= »Le Droit international face aux pandémies : vers un système de sécurité sanitaire collective ?, Pedone, 2015. »][1][/tooltips], soutenue en 2013, commence par une description prémonitoire de la pandémie de Covid : un voyageur contracte un virus à l’étranger, asymptomatique à son retour, il le transmet autour de lui. L’épidémie se propage à toute vitesse, les hôpitaux sont débordés, il faut fermer les écoles et interdire les rassemblements.

Hélène De Pooter. Les spécialistes des maladies infectieuses n’ont pas été surpris par l’émergence de cette nouvelle maladie et sa propagation. Dès 1995, les États ont réfléchi à un texte destiné à appréhender une telle situation. L’épidémie de SRAS de 2002-2003 a accéléré les discussions. Le nouveau Règlement sanitaire international (RSI), adopté en 2005, est entré en vigueur en 2007 dans 196 pays, dont la France. C’est un succès, car le texte est ambitieux. Les États y acceptent des obligations importantes en matière de surveillance et de notification des maladies infectieuses.

Il n’a pourtant pas empêché la pandémie.

Un texte en soi ne peut rien empêcher. C’est son application qu’il faut apprécier. Or, le RSI n’a pas été correctement appliqué, en particulier par la Chine. À mon avis, le texte garde toute sa pertinence. Le renégocier pour l’améliorer serait risqué, car il y a peu de chances de retrouver le consensus de 2005, dans le contexte international actuel. Par ailleurs, plusieurs reproches adressés actuellement à l’Organisation mondiale de la santé sont à nuancer.

En lien avec cet article, du même auteur : Fermer les frontières ? Plutôt mourir…

En effet, l’OMS appelle à la détection des cas de Covid dès le 17 janvier. Par la suite, elle actualise ses directives toutes les semaines. Le 16 février, elle demande des contrôles aux frontières, en invoquant le RSI.

Certains États ou territoires comme Taïwan ou la Thaïlande avaient anticipé ces directives en appliquant des mesures de dépistage des voyageurs dès le début du mois de janvier. Mais la plupart n’ont appliqué des mesures sanitaires que tardivement, ce qui n’est pas une surprise. Les mesures de protection de la santé publique apparaissent souvent comme des entraves à la liberté des échanges internationaux.

Le Règlement sanitaire est « contraignant », selon le site du ministère français de la Santé. Est-ce à dire que la France a manqué à ses obligations en ne suivant pas les directives de l’OMS ?

Il faut distinguer deux choses. Le RSI en lui-même est un texte juridiquement contraignant. Mais lorsqu’il autorise le directeur général de l’organisation à adopter des « recommandations », celles-ci n’ont pas de caractère obligatoire, comme d’ailleurs toutes les recommandations émises par l’OMS, qu’elles soient ou non adoptées sur le fondement du RSI. Cependant, un juge national quelque peu audacieux pourrait estimer qu’un État qui a négligé ces recommandations a commis une faute susceptible d’engager sa responsabilité.

Été 2020 – Causeur #81

Article extrait du Magazine Causeur




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Journaliste

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