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Pourquoi je regrette l’achat de ma voiture électrique

Quand la voiture électrique dépasse les bornes


Pourquoi je regrette l’achat de ma voiture électrique
Alignement de Kona devant la concession de Hyundai, Littleton, Colorado, octobre 2020 © David Zalubowski/AP/SIPA Numéro de reportage : AP22501915_000016

Jonathan Miller avait fait l’acquisition d’une voiture électrique. Elle semblait prometteuse, mais avec le temps il n’est plus si sûr de son choix. Récit.


J’ai acheté une voiture électrique mais, franchement, je le regrette. Au début, cela semblait une bonne idée, même si cela faisait un peu cher pour proclamer ma vertu environnementale. La voiture a coûté 44 000 €, moins une subvention de 6 000 € payée par les contribuables français, qui sont – pour beaucoup – moins aisés que moi. La plupart des autres habitants de mon village conduisent des fourgonnettes diesel qui ont une vingtaine d’années et qui ressemblent à des abris de jardin sur roues.

Déjà, ça commençait mal

J’ai commandé ma voiture en mai 2018. On m’a dit qu’elle serait disponible en avril 2019. « Pas plus tard », m’avait promis le vendeur chez le concessionnaire local de Hyundai. Avril a pris fin, toujours pas de voiture. J’ai téléphoné au concessionnaire. Aucune explication. La voiture est finalement arrivée avec deux mois de retard, sans que Hyundai ne s’en excuse. Pourtant elle m’a plu. Cette voiture est calme, rapide et très pratique quand on rabat les sièges arrière, avec beaucoup de place pour les chiens. Elle a l’habitude de me rappeler avec insistance et à haute voix que je dois garder les mains sur le volant, même si elles y sont déjà. Et une fois, elle a même serré brusquement les freins de manière automatique sans raison apparente.

Ayant installé un chargeur dans mon allée, j’ai branché ma voiture dessus pour recharger la batterie. Ça a marché la première fois ! Mais la patronne a mis en marche la bouilloire électrique et tous les fusibles de la maison ont sauté. On peut recharger la voiture à condition de ne pas faire la cuisine, de ne pas lancer une machine à laver et de ne pas allumer le lave-vaisselle en même temps. Pratique…

Dur de faire 1000 bornes avec une Kona

Premier voyage. Départ vers le centre de la France avec la patronne qui est passionnée de chevaux, afin d’assister à une compétition équestre de trois jours. J’ai consulté une application qui promettait une borne de recharge rapide à mi-chemin. En arrivant, nous avons cherché un peu partout et finalement trouvé la borne. Elle ne marchait pas. L’anxiété nous a gagnés. Ou plutôt une crise de panique. Nous nous sommes rendus à la borne d’après sur l’autoroute, la batterie pratiquement à plat et mon mariage en péril. Cette fois, ça a marché. Enfin !

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Depuis, EDF a pris la décision de fermer tout son réseau autoroutier après avoir découvert que les bornes sont non seulement peu fiables mais surtout dangereuses. En même temps, au Royaume-Uni, le ministre des Transports a accordé un contrat exclusif pour l’installation de bornes rapides sur les aires d’autoroute à une entreprise qui porte le nom ridicule d’Ecotricity. Ces bornes se sont avérées tout aussi peu fiables et très chères. Rapidement, les plaintes se sont multipliées sur les réseaux sociaux.

EDF, après deux mois d’attente a finalement amélioré mon approvisionnement en électricité domestique. Alléluia ! Nous avons enfin pu cuisiner et recharger la voiture en même temps. Les performances de la petite Kona sont généralement satisfaisantes. Elle est très rapide. En partant d’un feu, si je faisais la course, je pourrais battre une voiture de sport, sauf que nous n’en avons pas dans mon coin reculé de la France profonde. En dépit de toutes mes tentatives pour justifier cet achat, le doute me tenaille.

Je ne suis pas le seul !

Cet été-là, j’ai rencontré, sur le parking du supermarché, un couple de vacanciers britanniques qui chargeaient leurs courses dans leur Nissan électrique. Quand je leur ai demandé comment s’était déroulé leur voyage à travers la France ils m’ont répondu, avec une pointe d’amertume dans la voix : « un cauchemar avec les bornes hors service. Nous avons mis 18 heures à faire un voyage de 10 heures, avec de longs arrêts à des bornes où la charge n’en finissait pas, situées souvent à des kilomètres de l’autoroute. »

Les bornes autoroutières restant fermées, je suis dans l’incapacité d’aller plus loin que l’aéroport local et doit me résigner à louer une voiture si je veux faire un trajet plus long.

La communication discrète de Hyundai

Par la suite, j’ai entendu parler d’un fait divers : une Kona électrique identique à la mienne a explosé spontanément dans un garage à Montréal, l’incendie détruisant totalement la voiture et le garage lui-même. La batterie en lithium a brûlé pendant des heures. À cette heure, toujours pas de communication de Hyundai, qui « enquête », selon les médias canadiens.

Peu après, des Konas ont pris feu un peu partout dans le monde, une quinzaine de départ de feu sont à déplorer. Hyundai s’est contenté d’un avis de rappel pour « une mise à jour de logiciel ». J’ai donc passé une matinée entière chez le concessionnaire, à attendre que se fasse une mise à jour du logiciel de gestion de la batterie. Cela a surtout consisté à réduire l’autonomie de la voiture, sans que cela ne me soit clairement communiqué. Mais cela n’a visiblement pas suffi puisque des Konas pourtant rappelées ont continué à exploser. Il y a eu, entre-temps, un deuxième rappel de Konas. Les voitures n’étaient plus seulement inflammables, mais les freins étaient également susceptibles de rencontrer une imprévisible défaillance totale.

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De nouveaux articles de presse coréens ont fini par révéler que Hyundai reconnaissait enfin qu’il y avait un problème matériel avec la Kona et que l’entreprise allait remplacer les batteries de 80 000 d’entre elles. Mais du côté de Hyundai France et de toute l’Europe, le silence a continué à régner. J’ai lu que les propriétaires en Amérique du Nord étaient avertis de ne pas ranger leur voiture dans leur garage. Des centaines de personnes ont déposé un recours collectif pour demander une indemnisation. Se plaindre à Hyundai sur Twitter provoque une réponse prévisible : « s’il vous plaît envoyez-nous un message direct afin que nous puissions vous aider. » Traduction : « s’il vous plaît arrêter de poster des messages en public afin que nous puissions essayer de vous apaiser tranquillement. » De mon côté, je refuse de jouer à ce jeu.

La dernière pirouette de Hyundai est d’annoncer qu’ils ont rejoint le nouveau réseau de recharge rapide Ionity et qu’ils offriront un rabais aux propriétaires. J’ai appelé Ionity pour en savoir plus. Ils m’ont dit d’appeler mon concessionnaire Hyundai. Je l’ai fait et j’ai parlé à quelqu’un qui n’y connaissait rien mais qui a promis de me rappeler. J’attends toujours…

Les voitures électriques nous rappellent qu’il faut souffrir pour être pionnier. C’est un peu comme acheter une voiture à essence au début du XXème siècle, sauf qu’au lieu d’un homme marchant devant avec un drapeau rouge[1], vous avez besoin d’un pompier dans une voiture diesel avec une corde de remorquage…

Cet article a été initialement publié en anglais sur le site The Spectator

[1] À l’époque des premières voitures en Angleterre, les chauffeurs devaient embaucher un homme brandissant des drapeaux qui, à pied, précédait la voiture sur la route pour avertir les gens de son passage.




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Jonathan Miller est un ancien conseiller municipal d'une ville du Sud de la France, il est correspondant français du "Spectator" londonien et l’auteur de "France : a Nation on the Verge of a Nervous Breakdown" (Gibson Square, 2015).

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