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Une seule culture, celle du « quartier »

Ceux qui y sont y restent, parfois pour de mauvaises raisons...


Une seule culture, celle du « quartier »
Michel Aubouin © D.R

Ancien préfet et fin connaisseur des cités, Michel Aubouin explique l’embrasement des banlieues par la désocialisation de leur jeunesse. Mais il pointe aussi la responsabilité des politiques. Pour lui, la palme revient à Jean-Claude Gayssot, ministre du logement dans le gouvernement Jospin et auteur de la fameuse loi Solidarité et renouvellement urbain (SRU).


Causeur. La haine de la France et de notre société paraît être le ferment des émeutes. Qu’en pensez-vous, vous qui venez de publier Le Défi d’être Français ?

Michel Auboin. La plus grande partie de ceux qui mettent le feu à la France se revendiquent d’une même culture, celle des quartiers. Une culture tribale, primitive où les habitants des quartiers se considèrent comme propriétaires de leur enclave de leur territoire et considèrent que c’est chez eux et non un bout de France. S’ils nourrissent un fort ressentiment et se vivent comme des victimes, les émeutiers sont souvent au degré zéro de la conscience politique. Ils attaquent pour montrer qu’ils sont forts, qu’ils sont les meilleurs, ils font des dégâts car c’est une preuve de dangerosité qui met en valeur leur virilité et leur permet d’obtenir la reconnaissance dans le quartier. Leur vision du monde est paradoxale : ils haïssent la police, alors que le meilleur prédateur du jeune de banlieue n’est pas le policier, mais l’autre jeune de banlieue. En effet, la violence est endémique dans certains quartiers, les jeunes s’entretuent dans des rixes, peuvent se donner la mort pour des raisons absurdes. Après, tout le monde pleure dans une sorte de scène de catharsis primitive, mais là personne ne réagit, ne s’indigne, ne cherche à trouver un sens à ce gâchis. En revanche, si c’est un policier qui est en cause, tout s’embrase et le problème devient national.

Comment l’expliquez-vous ?

Ce que l’on peut constater à travers les vidéos notamment, c’est la profonde désocialisation de ces jeunes, la pauvreté de leur langue et l’absence de conscience des conséquences de leurs actes. Ils sont très frustes et n’ont pas les moyens de donner un contenu à leurs actions, faute de vocabulaire et de capacité à conceptualiser. Si certains tiennent parfois des embryons de discours politiques, c’est parce que les seuls adultes avec lesquels ils sont en contact, et dont ils acceptent la légitimité, sont des militants qui portent le discours de la victimisation, du ressentiment, de l’oppression. Parmi les très jeunes, on a affaire à une génération de gamins dont beaucoup sont déscolarisés et très violents. La plupart ont été traumatisés par la période du Covid, qui leur a symboliquement montré qu’ils n’avaient de place nulle part, ni dehors ni dedans, car ils sont nombreux à appartenir à des familles dysfonctionnelles, violentes. Ils se sont sentis en dehors du monde.

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Comment reprendre la situation en main ?

D’abord il faut que les Français réinvestissent leur histoire. Non pas parce qu’elle serait particulièrement glorieuse, encore qu’elle comporte de belles pages, mais tout simplement parce que c’est la leur ! La France est une histoire de famille. C’est cette histoire qui nous a forgés et dont nous sommes les héritiers.

Trop de personnes pensent que l’histoire de l’Europe se résume à la colonisation, donc qu’on est des salauds. Mais ils ne connaissent même pas leur histoire ! Savent-ils qu’avant que la France colonise cette zone, l’Algérie n’existait pas ? Que la région était sous domination ottomane ? Que c’était une mosaïque de tribus berbères et arabes, un repaire de pirates où prospéraient des marchés d’esclaves ? Ce n’était pas un « État » et encore moins un pays « indépendant », mais une sorte de colonie ottomane.

Pour vous, le logement social est à l’origine de cette contre-culture des quartiers.

Tout à fait. En France, c’est une vision collectiviste du logement social qui a rendu possible l’appropriation des territoires. Ces logements sociaux appartiennent en général au secteur public, par le biais des sociétés d’HLM gérées par les élus locaux. La démultiplication des violences partout, et notamment dans les petites villes, est la conséquence de l’application de la loi SRU (loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbain, portée par le ministre du Logement PC du gouvernement Jospin, Jean-Claude Gayssot). Il fallait du logement social partout et la loi a imposé des quotas dans des zones auparavant préservées. Du coup, des familles qui habitaient dans le Val-d’Oise ou dans l’Essonne ont déménagé un peu plus loin. Or, ce sont les mêmes sous-cultures, le même ressentiment, les mêmes logiques liées au trafic de drogue qui ont été ainsi « semées » dans tout le pays.

Comment casser cette « culture de quartier » ?

Il faut la casser en instituant un bail pour les bénéficiaires de logements HLM, comme n’importe quel locataire. En effet, les HLM ont vocation à n’être qu’un passage, une solution à durée limitée. À la fin du bail, on devrait faire un point, vérifier si les bénéficiaires relèvent toujours du secteur social, prendre en compte l’évolution de la composition de la famille et lui proposer un accompagnement pour la suite. Certaines données révèlent que parfois les personnes occupent le même logement sur deux ou trois générations ! Ce qui, par ailleurs, permet de faire construire la maison au pays en la finançant grâce au logement social et aux multiples aides et filets de sécurité que fournit la France à ses ressortissants comme aux étrangers… C’est immoral !

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Les plus pauvres n’ont pas accès au logement social et ceux qui y sont y restent, parfois pour de mauvaises raisons. Enfin, comme on accueille chaque année 250 à 270 000 personnes supplémentaires, notamment via le regroupement familial, et que l’on ne construit que 90 000 logements par an, on a mis en place toute une série de dispositifs (hébergement d’urgence, par exemple) qui favorisent la population immigrée. C’est comme cela que l’on a créé ces communautés dans ces quartiers que je ne qualifierai pas de ghettos, car dans les ghettos les gens sont pauvres. Or, dans les quartiers il existe des manifestations de richesse et de « flambe » que l’on ne voit pas dans les territoires périurbains.

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Article extrait du Magazine Causeur




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Ancienne conseillère régionale PS d'Île de France et cofondatrice, avec Fatiha Boudjahlat, du mouvement citoyen Viv(r)e la République, Céline Pina est essayiste et chroniqueuse. Dernier essai: "Ces biens essentiels" (Bouquins, 2021)

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