Et moi je ne suis pas républicain, peut-être?


Et moi je ne suis pas républicain, peut-être?

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Sur ce coup-là, même Alain Juppé m’aura déçu. Pour tout vous dire, c’était mon dernier espoir, Juppé. Face à un retour inéluctable de l’UMP en 2017 par le jeu de la fausse alternance avec le FN comme repoussoir et outil bien utile pour discréditer toute autre option à la politique unique des « partis de gouvernement », Juppé était mon moindre mal. Je n’entretenais aucune illusion sur son fonds idéologique, comme il y a des fonds de sauce – européisme, monétarisme, libéralisme – mais enfin, au moins, il ne m’aurait pas fait honte et aurait incarné à peu près l’idée que je me fais d’un Président de la République. Non pas un chef de clan démagogue  qui va où les mauvais vents le mènent mais plutôt un arbitre au verbe modéré, cultivé, qui sait qu’il dirige un vieux pays au bord de la crise de nerfs sociale et identitaire.

C’est pour cela que j’ai été désagréablement surpris quand j’ai entendu Juppé approuver, mollement certes, mais approuver tout de même l’incroyable hold-up sémantique de Sarkozy sur le terme Républicain: « Le nouveau nom qui devrait être proposé, « Les Républicains », ne soulève pas d’objection de ma part. Mais comme certains l’ont critiqué, il me paraît de bonne méthode de soumettre le choix à un vote spécifique des militants, comme cela avait été le cas en 2002 lors de la fondation de l’UMP. Nicolas Sarkozy en est d’accord. C’est bien ».  Ah bon, pas d’objection? Vraiment?

D’abord, on constatera que Juppé fait facilement son deuil d’un parti qu’il a porté sur les fonds baptismaux il y a moins de quinze ans avec Jacques Chirac. Mais ça, c’est une tradition de la droite, le changement de nom dès que ça se complique. Depuis l’après-guerre, côté gaulliste, on a eu le RPF, l’UNR, l’UD Vème, l’UDR, le RPR et l’UMP. Bref, en moyenne, on change toutes les décennies, histoire de présenter un visage nouveau à l’électeur : de l’art du ripolinage onomastique pour éviter les angoisses programmatiques. C’est d’ailleurs vrai pour les partis du centre qui ont multiplié eux aussi les appellations d’origine plus ou moins contrôlée du MRP à l’UDF en passant par des constellations de groupuscules coalisés ou coagulés, comme vous voudrez : centristes de progrès, démocrates libéraux, républicains indépendants (oui, mais pas républicains tout court…), démocrates sociaux, j’en passe et des plus baroques. Aujourd’hui, comme chacun ne le sait pas forcément, on en est à l’UDI et au Modem.

On voit bien le double intérêt de la manip sarkozyste : en jetant l’UMP aux oubliettes de l’Histoire, on efface un nom associé majoritairement à des défaites électorales, si ce n’est les dernières élections locales et la présidentielle de 2007, on efface aussi les affaires de plus en plus encombrantes (Bygmalion rôde toujours dans les parages de la rue de Vaugirard) et surtout on va essayer de masquer la schizophrénie idéologique d’un mouvement où l’on côtoie aussi bien Estrosi qui voit des cinquièmes colonnes partout, Wauquiez qui pense que Taubira a passé un accord secret avec le Joker pour vider les prisons de Gotham city mais aussi Raffarin ou Larcher qui, si ils étaient au Parti Socialiste à la sauce Valls, feraient presque figure de frondeurs.

Que Sarkozy use de cette ruse éculée pour gérer la boutique UMP dans laquelle il a visiblement du mal à montrer qu’il est le patron est une chose. Qu’il choisisse Les Républicains pour se faire en est une autre, beaucoup plus gênante. Je suis républicain, vous êtes républicains, nous sommes tous républicains (enfin je crois) et pourtant nous pouvons être des adversaires résolus de l’UMP. C’est un peu comme s’il avait choisi d’appeler son parti Les Français  car il ne faut pas oublier que chez nous France et République sont pratiquement synonymes et que c’est très bien comme ça.

Cela signifie donc, Les Républicains, qu’à un moment ou à un autre, toute personne ne se reconnaissant pas dans les actuelles valeurs de l’UMP s’exclut de la République et par la même de la communauté nationale. Mais finalement, c’est assez dans la manière sarkozyste cette façon de jouer le rassemblement le plus large possible en le fondant sur une multitude de petites exclusions.

Et pourquoi se priverait-il, en même temps? On a murmuré que Manuel Valls, naguère, a rêvé de changer le nom du PS et de le faire devenir un Parti Démocrate à l’italienne, c’est à dire de noyer le socialisme dans un rassemblement tellement vaste qui va des démocrate chrétiens aux rénovateurs communistes que finalement on ne le définirait comme parti de gauche que par opposition à la droite. Bref, on pourrait très bien imaginer pour les présidentielles à venir des affrontements entre Les Républicains et Les Démocrates. Cela ne vous rappelle rien ? Les tropismes atlantistes de messieurs Sarkozy et Valls seraient enfin satisfaits: nous serions enfin devenus des Américains comme les autres.



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