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La lente dérive du centre vers la gauche

Quand l'UDF dépassait le RPR sur sa droite


La lente dérive du centre vers la gauche
Bureau politique de l'UDF, 1998. Sipa. Numéro de reportage : 00327685_000006.

Les médias et les amis du pouvoir se plaisent à parler de la crise des Républicains et à relayer l’idée de leur isolement sur des positions jugées extrêmes, analyse d’autant plus plausible que des personnalités telles que Pécresse, Bertrand, Juppé, confortent de l’intérieur cette vision. En même temps, les Républicains gardent un socle solide d’élus, et des militants déterminés dans leur ligne, comme l’a montré l’élection de Laurent Wauquiez.

Le centre-droit en crise

Paradoxalement, c’est le centre-droit, et avec lui tous ceux qui se sont voulus plus modérés que les Républicains et qui s’étaient pourtant sentis comblés par la défaite de François Fillon, qui se trouve dans une crise d’existence beaucoup plus fondamentale.

Ce n’est pas seulement que ces centristes offrent le visage de la confusion. L’Udi est une fédération qui ne fédère plus grand-chose avec le départ du nouveau centre et du parti radical. Les constructifs et autres groupuscules se divisent sur les votes au Parlement. Le Modem membre de la majorité n’a plus de visage depuis que son couple dirigeant Bayrou-Sarnez a connu la chute d’Icare en croyant s’approcher du soleil. Et l’image du constructif Solère s’est détruite en quelques jours.

Le problème le plus profond du centre, c’est qu’il a renoncé depuis longtemps à exister. Lorsque l’UDF existait, elle regroupait des mouvements qui avaient une identité. Un Parti républicain avec Léotard ou Madelin libéral et atlantiste ; un parti girondin et européen, un parti radical républicain et souvent proche sociologiquement des gaullistes, un parti chrétien démocrate plus proche des positions catholiques. Qu’on le veuille ou non, le RPR a mieux réussi à se réincarner que l’UDF.

Une identité distincte de la gauche

Si l’on se souvient de Giscard, Barre, Méhaignerie, Monory, il est aisé de se souvenir qu’ils tenaient un discours qui avait sa cohérence interne comme un discours de droite différent du discours gaulliste mais également clairement opposé à la gauche – même social-démocrate – et assis sur des réalités sociologiques et des traditions locales.  A bien des égards même, les dirigeants centristes étaient plus à droite que les gaullistes et les régions de force électorale des centristes (grand Ouest, Alsace) étaient souvent parmi les plus conservatrices. En tout cas, on pouvait adhérer et être séduit par des discours qui avaient leur identité en soi.

Tel n’est plus du tout aujourd’hui le cas car le centre s’est suicidé par facilité. Si l’on écoute bien le discours et le seul message implicite de tout ce qui prétend être au centre, de Juppé à Solère de Lagarde à Hénart, de Bayrou à Riester, et même de Pécresse à Bertrand, cela se résume à chercher à paraître à la gauche  et aux médias plus sympathiques que la droite en affichant son dégoût de la droite ou de sa « droitisation ».

La droite a perdu la bataille

Tout se passe comme si ces personnalités avaient compris que la droite avait perdu la bataille de la respectabilité et que la voie royale pour exister était de faire sa popularité sur le dos de son camp.  C’est toujours une stratégie payante dans les sondages -qui a rendu Rocard populaire à droite et Juppé populaire à gauche- mais qui est toujours perdante.

Le plus savoureux est que tout cela repose bien souvent sur une imposture. Tout porte à penser que si Juppé n’avait pas perdu la guerre de succession de Chirac et qu’il était encore à la tête du RPR, il serait aussi droitier que le secrétaire général du RPR qui a fait approuver la préférence nationale et qui piétinait volontiers ses alliés centristes. Mais, cherchant un espace pour assouvir sa soif de retour,  Juppé a choisi, comme son poulain Maël de Calan, de fonder sa popularité dans les médias sur le  mépris des militants « radicalisés ».

La faiblesse donc de tous ceux qui se situent désormais entre les Républicains et l’exécutif, c’est d’une part que leur discours se résume de manière trop transparente à une stratégie d’image personnelle et au désir d’échapper à la droitophobie et même d’en tirer profit en se démarquant. C’est une stratégie de coquetterie pas très noble et qui de Barzach à Carignon, de Bachelot à NKM ou Jouanno, n’a jamais produit que d’éphémères popularités personnelles et aucun succès politique. Il est à craindre que grisés par la  gloire que procure dans la presse la dénonciation de Wauquiez, Valérie Pécresse et Bertrand ait scié la branche républicaine qui les portait pour un bénéfice fugace.

L’épouvantail Wauquiez

Mais la principale faiblesse du centre depuis Bayrou jusqu’aux différents partis qui se le disputent aujourd’hui, c’est qu’ils ont renoncé à exister par eux-mêmes, pour tenter seulement de se valoriser par rapport aux autres et contre la droite en particulier. A l’inverse des dirigeants des différents partis de l’UDF, la plupart des nouveaux centristes sont incapables d’expliquer leur corpus, ni en quoi ils diffèrent les uns des autres, ni en quoi ils divergent de Macron. Bref, ils ne sont loquaces et à l’aise que pour se vanter de leur détestation de Wauquiez.

Le confort que ces centristes éprouvent à hurler avec les droitophobes  -auraient-ils raison-  les jette dans un piège terrible car c’est une loi humaine profonde que l’on doit d’abord exister pour soi  et par sa singularité et ensuite faire reconnaître par autrui sa différence et non avoir pour seul argument d’être moins odieux que le voisin. Pour un homme de droite, espérer réussir dans un contexte de dénigrement de la droite en se vantant d’être moins à droite est un piètre projet.

Or force est de constater que c’est ce à quoi  ont condamné le centre les personnalités sans substance qui le dirigent  et qui l’ont rendu le centre inaudible. Que retiennent les Français sinon que les centristes  n’aiment pas la droite et que Macron est pour eux un moindre mal que Wauquiez ? À quel moment, dans un régime dominé par l’élection présidentielle, laissent-ils un instant même entrevoir qu’un président portant leurs idées serait forcément meilleur que Macron, ce qui serait normal s’ils existaient ? Rendent-ils service à leurs candidats aux législatives qui ne sont plus vendus que  comme des sirops  dilués ou des bières sans alcool ? L’ex-UDF s’est exclue elle-même de l’élection majeure.  Tout ce que ses héritiers  peuvent dire est inaudible parce que leur jeu de rôle de supplétifs est connu d’avance. Ils n’ont d’autre utilité pour le pouvoir que de contribuer à salir l’opposition en reprenant l’accusation rituelle de la gauche de flirt avec le FN. Paradoxalement, on ne s’intéressera à ce que disent les rivaux des républicains que le jour où ils se déclareront hostiles à Macron et reprendront l’ambition de contester aux Républicains l’opposition absolue à En marche.



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