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Sécurité: le gravage des vitres de voitures à l’épreuve des faits

Une prestation facultative, pas franchement indispensable, systématiquement proposée en concession


Sécurité: le gravage des vitres de voitures à l’épreuve des faits
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Les vols de voiture sont en augmentation ces dernières années, c’est du moins ce qui ressort des études menées par l’Observatoire 2024 des vols et de la récupération après-vol de Coyote. Ainsi, 140 400 vols ont eu lieu en 2023, soit un toutes les cinq minutes en France. Des chiffres colossaux et surprenants au vu du niveau de sécurité des véhicules actuels. Ils invitent naturellement les acquéreurs à se doter de systèmes permettant de retrouver leurs voitures en cas de vol. Sont-ils pour autant tous efficaces et nécessaires ? Souvent proposé dans des « packs de services » au moment de l’achat d’un véhicule, le gravage des vitres de voitures constitue ainsi un dispositif inutile contre le vol. Un procédé de vente dénoncé à la fois par les acheteurs et par la répression des fraudes. Explications.


Au moment de signer, les acheteurs de véhicules particuliers ne sont souvent pas au fait de leurs droits. Une lacune qui n’a pas échappé aux vendeurs de véhicules – neufs ou d’occasion – qui proposent systématiquement à leurs clients des « packs de services », plus ou moins utiles et souvent non-obligatoires. L’exemple du gravage des vitres de voitures – avancé comme une bonne solution face au vol – constitue certainement le meilleur exemple.

Les textes de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) ont l’avantage de la clarté, sur l’obligatoire comme sur le facultatif : les vendeurs de véhicules ont des obligations, telles que l’étiquetage des véhicules ou la fourniture des documents de vente et les garanties. Viennent ensuite les « frais accessoires », non obligatoires donc… comme le gravage des vitres.

La sécurité, vrai faux argument

Au printemps 2023, la DGCCRF a rendu publics les résultats d’une campagne de contrôles sur les pratiques commerciales des vendeurs de véhicules en France. Selon elle, deux tiers des concessionnaires automobiles contrôlés seraient en porte-à-faux avec la règlementation sur l’information des consommateurs. En particulier concernant « la facturation de frais facultatifs (gravage du numéro de série et assurance associée, fourniture du tapis de sol, d’ampoules de rechange ou plein de carburant) au consommateur sans information préalable ou en indiquant que ces frais facultatifs sont obligatoires ». En tout, quelque 320 procès-verbaux pénaux et 170 procès-verbaux d’amendes administratives ont été dressés à l’attention des contrevenants au cours de cette campagne de contrôle d’un an.

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Pour vendre le « service » du gravage des vitres au moment de l’acquisition d’un véhicule, l’argument des vendeurs tient en un mot : la sécurité. Selon eux, le gravage des vitres limiterait les tentatives de vol et de recel. Un argument qui ne tient pas longtemps face aux pratiques de voleurs de plus en plus organisés en filières et qui exportent les véhicules vers d’autres pays. Six trafiquants ont notamment été interpellés à Créteil, comme l’indiquait Le Parisien le 29 mars. Auteurs d’une vingtaine de vols, dont deux concernaient des voitures banalisées de la police, ils revendaient ensuite leurs larcins sur internet après avoir maquillé les véhicules.

Le gravage permet d’identifier un véhicule volé, mais n’augmente pas les probabilités de retrouver ce dernier. C’est d’ailleurs pour cette raison que les automobilistes se tournent de plus en plus vers des dispositifs de tracking pour pouvoir localiser à coup sûr leur véhicule en cas de vol. Quant aux voitures haut de gamme, ces dernières ne sont en règle générale jamais retrouvées et partent vers le pays de l’Est ou le Maghreb. Souvent dépouillées de leur numéro de châssis… et de leurs fenêtres d’origine.

Vente forcée ?

Pourtant, malgré son inefficacité et son caractère « accessoire » comme le précise la DGCCRF, le gravage des vitres est souvent imposé aux acheteurs. Et le problème n’est pas nouveau : déjà en 2006, la direction générale de répression des fraudes pointait du doigt cette pratique, à la suite de plaintes en série reçues de la part de particuliers, au moment du « renouvellement des garanties complémentaires souscrites avec la prestation de gravage ». Une pratique qui reste donc encore aujourd’hui ancrée dans les mœurs d’un système de vente, bien en place, et qui passe donc encore trop souvent sous les radars. Même la très sérieuse Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), dans son dernier rapport concernant les assurances affinitaires, listait différentes pratiques litigieuses… et oubliait celle de la vente contrainte du service non obligatoire du gravage des vitres, qui y aurait eu pourtant sa place.

Assez répandu dans l’Hexagone – environ 800 000 véhicules chaque année –, le dispositif du gravage n’est donc pas obligatoire, mais figure très souvent dans les packages proposés par les concessionnaires automobiles. Une pratique que dénoncent de très nombreux particuliers sur les forums en ligne réunissant des automobilistes mécontents. Les exemples pullulent sur la toile, comme celui-ci : « J’ai acheté un véhicule et, à la signature, on m’a fait signer parmi les nombreux documents, bien sûr sans explication donc abusivement, le marquage antivol sur les vitres du véhicule. Je reçois un mois après un contrat d’abonnement. Je n’ai pas fait attention à la facture, mais on m’a facturé 2 années à l’avance soit une somme de 195€ ! » Une somme qui, une fois multipliée par le nombre d’achats annuels en France, s’avère conséquente, ce marché était estimé à quelque 320 millions d’euros. Une véritable manne à laquelle les vendeurs de voitures proposant ce service facultatif n’ont logiquement pas envie de renoncer.



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Gabriel Robin est journaliste rédacteur en chef des pages société de L'Incorrect et essayiste ("Le Non Du Peuple", éditions du Cerf 2019). Il a été collaborateur politique

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