Accueil Politique Le non-évènement du jeudi

Le non-évènement du jeudi

Ne dites pas “remaniement”, dites “ajustement”


Le non-évènement du jeudi
Passations de pouvoirs entre Pap Ndiaye et Gabriel Attal au ministère de l'Education nationale, Paris, 20 juillet 2023 © Jacques Witt/SIPA

L’Élysée se donne beaucoup de peine, depuis plusieurs jours, pour minimiser ce qui est d’ordinaire de nature à relancer un mandat présidentiel – le remaniement ministériel. Le président de la République peut être satisfait : les annonces effectuées hier soir dépassent toutes les espérances ! Causeur passe en revue les troupes. Le Conseil des ministres se tient finalement ce vendredi, à 11 heures, mais personne ne sait où Emmanuel Macron va.


Il y a eu, dans l’histoire récente, des remaniements ministériels plus ou moins marquants. Ce fut le cas en juillet 2020, lorsque le duo exécutif sortit de son chapeau Eric Dupond-Moretti et Roselyne Bachelot. D’autres qui ont exprimé des virages politiques nets, par exemple fin 2010 quand MM. Sarkozy et Fillon constituèrent une équipe débarrassée des ministres centristes et d’ouverture. Aurore Bergé promue ministre chargée des Solidarités, Gabriel Attal remplaçant Pap Ndiaye, Aurélien Rousseau ministre de la Santé, Marlène Schiappa destituée et surtout, Elisabeth Borne maintenue à Matignon : le remaniement 2023 ne restera pas dans les annales de l’exercice.

L’audace devenue erreur de casting

Ces clins d’œil faits à une certaine gauche, en pointant du doigt la chaîne CNews, étaient l’indice d’une sortie de route prochaine. Pap Ndiaye avait été nommé en mai 2022 ministre de l’Éducation nationale, en pleine bataille des législatives. Un peu, aussi, pour brouiller les pistes, en plein match Macron-Mélenchon, tant le nouveau ministre d’alors semblait compatible avec le virage indigéniste de l’extrême gauche. M. Mélenchon avait d’ailleurs un temps salué « une audace ». Un an s’est écoulé et l’audace s’est transformée en erreur de casting. Certes, on ne retiendra pas de bourde monumentale qui restera dans toutes les mémoires, mais Pap Ndiaye n’aura jamais occupé totalement l’espace et n’aura jamais fait preuve d’une grande assurance. Quel avenir la politique peut-elle bien réserver à ce wokiste à temps partiel ? On sait que la Nupes aime à recycler quelques figures estampillées LREM, comme le député Aurélien Taché… 

A lire aussi : A. Finkielkraut : « Ce qui fait peur, c’est la convergence entre les pillards et les Insoumis »

Aujourd’hui, Pap Ndiaye est remplacé par Gabriel Attal, 34 ans et déjà cacique de la macronie (il avait adhéré à En marche dès 2016, et ses bulletins de notes exemplaires sont unanimement vantés dans la presse ce matin). Le voilà récompensé après des années de bons et loyaux services comme secrétaire d’État. Sur Twitter, il a déjà pris un tacle, tout en finesse, de Philippe de Villiers.


Aurore Bergé, meilleur espoir gaguesque du gouvernement

Macron récompense un ex-PS à travers Gabriel Attal, et une ex-LR à travers Aurore Bergé. La présidente du groupe Renaissance à l’Assemblée nationale devient donc ministre des Solidarités et des Familles en remplacement de Jean-Christophe Combe. L’aboutissement de toute une vie pour la jeune intrigante (36 ans), qui n’aura pas hésité à virer casaque au gré de ses ambitions (entre 2012 et 2017, elle aura soutenu tour à tour François Fillon, Nicolas Sarkozy et Alain Juppé, en l’espace de quelques années, avant de rejoindre la macronie). En 2020, sa capacité à agacer en haut lieu lui avait coûté une entrée au gouvernement, ce qui aurait donné lieu à une scène lunaire lors du pot d’arrivée de Jean Castex à Matignon. Partie en courant dans le parc et revenue les yeux rougis par les larmes, on l’aurait entendue dire « J’ai tout donné à la Macronie ! » tout au long de la soirée. Le potentiel gaguesque que le gouvernement perd avec le départ de Marlène Schiappa, il le gagne peut-être avec l’arrivée d’Aurore Bergé.

Aurore Bergé, députée de la dixième circonscription des Yvelines et présidente du groupe Renaissance à l’Assemblée nationale, le 7 mars. © Assemblée Nationale

Marlène Schiappa, la fin d’une époque

Car le clap de fin a sonné pour la secrétaire d’État chargée de l’Économie sociale et solidaire. Membre du gouvernement presque sans interruption depuis 2017, Marlène Schiappa vient de tomber, payant le prix d’une communication tapageuse sur fond d’affaire du fonds Marianne. La Une de Playboy, jugée « inappropriée » par Elisabeth Borne fut certainement la goutte d’eau ; celle faite pour Causeur, plus habillée, quelques semaines plus tard, n’a pas suffi à corriger le tir. D’abord promotrice de « politiques publiques d’égalité femmes hommes » à géographie variable (La journaliste Françoise Laborde lui avait alors rappelé quelques grands principes), Marlène Schiappa avait fini par devenir l’une des figures – avec Jean-Michel Blanquer – du camp « laïcard » au sein de la macronie. Avec son côté étudiante ayant préparé le concours de Sciences Po à coup de citations de Spiderman, Schiappa aura joué le rôle de Madame Sans-Gêne, rôle quasiment obligatoire dans chaque gouvernement depuis Ségolène Royal, donnant l’impression de jouer plus souvent pour sa pomme que pour l’équipe gouvernementale.

A lire aussi: Éric Zemmour: «Toute une génération est prise entre wokisme et islamisme»

L’impopularité d’Elisabeth Borne, sa meilleure assurance-vie

La véritable information, c’est assurément le maintien d’Elisabeth Borne. Entre le fantastique Emmanuel Macron, capable de s’enfiler une bière cul-sec devant les joueurs du Stade Toulousain et l’austère Borne accro aux graines, il y a eu presque tout de suite une incompatibilité d’idiosyncrasies entre les deux têtes de l’exécutif, et il a brui très vite des rumeurs d’un remplacement imminent. Mais aujourd’hui, Elisabeth Borne est considérée par 56% des Français comme une « mauvaise Première ministre » (sondage Elabe) et c’est peut-être sa meilleure assurance-vie. Depuis le houleux printemps social, elle concentre en effet sur elle une bonne partie du mécontentement des Français, ce qui atténue la charge portée sur les seules épaules présidentielles. Depuis six ans, Emmanuel Macron a su utiliser ses ministres comme paratonnerre à mécontentement. Quant aux têtes qui dépassent, il a su s’en débarrasser bien vite. Bayrou ? Liquidé au bout de quelques semaines. Le Drian ? Rangé pendant cinq ans aux Affaires étrangères, astreint à un quasi-devoir de réserve. Edouard Philippe ? Chassé de Matignon dès que sa côte de popularité a dépassé celle du président. Ces dernières années, la seule personnalité un peu clinquante que l’exécutif a débauchée reste finalement le garde des Sceaux Dupond-Moretti !

Le successeur de Macron n’est pas entré au gouvernement aujourd’hui

À mesure que l’on s’enfoncera dans ce quinquennat, Emmanuel Macron ressemblera de plus en plus au François Mitterrand des dernières années, dans l’incapacité de se représenter – mais sans avoir 77 ans et sans cancer de la prostate. Il pourra, comme l’avait fait le Charentais, s’amuser à favoriser tel potentiel successeur, à savonner la planche de tel autre. L’héritier est-il déjà dans l’actuel gouvernement ? Pas sûr. En 2014, François Hollande avait eu la mauvaise idée de faire entrer un jeune ministre des Finances qui allait lui coûter sa perte. Ce n’est probablement pas en cet été 2023 qu’Emmanuel Macron a fait entrer dans le gouvernement par mégarde celui qui lui prendra sa place dans quatre ans.



Vous venez de lire un article en accès libre.
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !

Article précédent Brendan O’Neill, manifeste d’un hérétique…
Article suivant Macron, et ça continue encore et encore…
Professeur démissionnaire de l'Education nationale

RÉAGISSEZ À CET ARTICLE

Le système de commentaires sur Causeur.fr évolue : nous vous invitons à créer ci-dessous un nouveau compte Disqus si vous n'en avez pas encore.
Une tenue correcte est exigée. Soyez courtois et évitez le hors sujet.
Notre charte de modération