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Pays-Bas: la revanche de Wilders?

Les thèmes de la campagne électorale qui se termine ont été favorables au champion anti-immigration de la droite dure


Pays-Bas: la revanche de Wilders?
Geert Wilders, le président du Parti pour la Liberté, à Wassenaar, au nord de la Haye © PPE/Beijersbergen/SIPA

Mercredi qui vient, les élections législatives auront lieu aux Pays-Bas, et un certain consensus se dégage concernant l’immigration, malgré quelques renoncements et les indignations de mise. Tour d’horizon des candidats en présence, des sondages et des prévisions.


Question de priorité

Amsterdam. Le suspense règne avant les élections législatives aux Pays-Bas de mercredi 22 novembre. Un des derniers sondages place le vétéran anti-immigration, Geert Wilders, au coude-à-coude avec la fille d’immigrés turcs Dilan Yesilgöz. Pour gagner en crédibilité gouvernementale, M. Wilders a mis un bémol aux exigences posées par d’autres pour former une coalition gouvernementale avec lui. Parmi elles, la fermeture des mosquées et des écoles coraniques, l’interdiction du Coran et du port du voile islamique. Son projet pour une sortie de l’Union européenne, projet particulièrement honni, a également été renvoyé aux calendes grecques. Tous ces thèmes restent dans l’ADN de son Parti pour la Liberté (PVV), a-t-il assuré en pleine campagne électorale. Mais, étant donné l’urgence absolue de freiner l’immigration extra-européenne, ils attendront.

Dilan Yesilgöz avec le Roi, La Haye, 8 février 2022 © Shutterstock/SIPA

Les PVV et VVD en tête ?

M. Wilders « courtise » ainsi Mme Yesilgöz, 46 ans, du Parti Populaire pour la Liberté et la Democratie (VVD), qui ne l’a pas exclu a priori comme partenaire, contrairement à l’ex-Premier ministre Mark Rutte qu’elle aspire à remplacer. Selon un des derniers sondages avant le scrutin, PVV et VVD viendraient en tête avec 22 sièges chacun dans la Chambre basse du Parlement, qui en compte 150.

À la veille de ce sondage, publié le samedi 18 novembre, M. Wilders, âgé de 60 ans, devait encore se contenter de la quatrième place, loin derrière Mme Yesilgöz, talonnée à son tour par le centriste Pieter Omtzigt et le socialiste Frans Timmermans.

Le NCS partait pourtant favori

Et dire qu’au début de la campagne électorale, M. Omtzigt, et son parti flambant neuf Nouveau Contrat Social (NSC), étaient encore les grands favoris des sondages ! Cet ancien député du parti chrétien-democrate CDA séduisait les électeurs par sa « révolte du centre », un savant mélange de gauche en matière économique et sociale, et de droite sur l’immigration. Dernièrement, son étoile commençait à faiblir quelque peu, du fait, notamment, de son refus de dire s’il serait Premier ministre au cas où son parti remporterait le scrutin. M. Omtzigt, homme discret et austère, préférerait visiblement, dans ce cas, rester député et président de son groupe parlementaire.

Révolte du monde rural mais personnalités trop discrètes

La même révolte du centre, selon une analyse du journal NRC, avait projeté Caroline van der Plas sur le devant de la scène comme présidente d’un nouveau venu, le Mouvement Agriculteurs et Citoyens (BBB). Ce parti remporta même les élections provinciales en mars dernier, du fait,  notamment, de la révolte du monde rural contre les réductions drastiques des émissions d’azote imposées par le gouvernement. Rappelons que Mme Van der Plas et M. Omtzigt, 49 ans, ont en commun d’être des « provinciaux » de l’est du pays, issus de la démocratie chrétiennne, unis contre la prétendue arrogance des technocrates des grandes villes de l’Ouest, et désireux de conserver les identités des régions. Mme Van der Plas, 56 ans, aime utiliser des mots puisés dans les dialectes d’un peu partout dans le royaume. Mais, elle aussi, a vu sa popularité se réduire du fait de son peu d’ambition, voulant rester, comme M. Omtzigt, en coulisse. Ces deux politiciens atypiques, anti-établissement sans être des rebelles, partagent une certaine nostalgie des Pays-Bas d’antan, quand l’Etat-providence n’était pas encore entamé par le néo-libéralisme, quand l’immigration de masse, à laquelle ils s’opposent, n’avait pas encore changé la physionomie du pays.

Caroline van der Plas D.R.

Consensus et cris d’orfraie

Comme c’est étrange, ce quasi-consensus sur un sujet longtemps resté “tabou” non seulement pour la gauche, mais également pour la droite modérée dirigée par Mark Rutte, qui, après 13 ans de règne ininterrompu, annonça son retrait de la politique en juin dernier. C’était quelques jours après la chute de sa coalition quadripartite bringuebalante sur un projet limitant modestement le regroupement familial. Pour ses partenaires de centre-gauche, c’était encore trop. Mme Yesilgöz, ministre de la Justice, se proclama candidate Première ministre, entama un virage à droite et refusa de frapper M. Wilders d’ostracisme. Sur ce, le candidat de l’union Groen/Links, entre socialistes et Verts, M. Frans Timmermans, poussa des cris d’orfraie. Mme Yesilgöz serait coupable de « rapprochement avec l’extrême droite ». Après quoi cet ancien commissaire européen de 62 ans commença à stagner dans les sondages qu’il avait un moment dominés. Ses quatre principaux concurrents lui reprochent sa “mollesse” sur le terrain de l’immigration, que ses alliés Verts considèrent comme miné par des racistes xénophobes, si ce n’est l’inverse. Pas de vagues, donc.

Des remous en tous genres…

Pendant la campagne électorale, l’actualité favorisait M. Wilders quand la télévision publique et d’autres médias dévoilaient les malheurs des Néerlandais vivant à proximité de centres de réfugiés. Plusieurs citoyens avaient formé des “milices” pour lutter contre les fréquents larcins, vols, atteintes à l’ordre public, menaces, exhibitionnisme, maltraitance de chauffeurs de bus, cambriolages, vols dans des voitures, conduite machiste envers les jeunes filles, défécations dans les jardins… Les valeureux habitants qui osèrent manifester leur mécontentement se firent traiter de racistes.

… et de bien curieuses priorités

Un autre tabou tomba: celui qui établit un lien entre immigration et pénurie de logements, véritable fléau dans le pays. A un moment donné, la ville d’Utrecht avait eu recours à la préférence étrangère. Des demandeurs d’asile régularisés étaient temporairement prioritaires dans l’attribution de logements sociaux. Les Néerlandais qui avaient passé des années sur les listes d’attente étaient priés de patienter encore un peu. Selon des autorités embarrassées, les centres d’accueil de réfugiés étaient pleins à craquer avec des régularisés ayant droit à un logement. Aidez-nous d’abord à délester les centres, chers Néerlandais, votre tour viendra, un jour, peut-être… C’était le signe d’un sursaut national, constata l’autre jour un observateur dans le journal NRC. Il était grand temps de ne plus considérer l’immigration provenant du tiers-monde comme un phénomène naturel, mais de la restreindre dans un pays surpeuplé qui n’en peut plus. C’est le souhait, selon un récent sondage, de deux-tiers des Néerlandais. Raison pour laquelle, en campagne, M. Wilders aime-t-il citer ce sondage, preuve qu’il a eu raison avant tous ses concurrents et qu’il mériterait peut-être de codiriger le pays.




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Journaliste hollandais.

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