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Nucléaire iranien, les choses sérieuses commencent…


Nucléaire iranien, les choses sérieuses commencent…
Mahmoud Ahmadinejad.
Mahmoud Ahmadinejad
Mahmoud Ahmadinejad.

L’Iran est à nouveau sanctionné par la communauté internationale et Mahmoud Ahmadinejad s’en balance. Il le dit haut et fort : la dernière résolution onusienne en date — la 1929 — « n’aura aucun effet », elle n’a « aucune valeur légale » et elle est « bonne pour la poubelle ». Barack Obama en prend pour son grade. Il se voit accuser de commettre « une grave erreur » en se rangeant aux côtés d’Israël, pardon, du « régime sioniste » appelé à disparaître puisque « condamné ».

Ahmadinejad : sourd, aveugle mais pas muet

Six résolutions du Conseil de sécurité, dont quatre assorties de sanctions depuis 2006, n’ont pas réussi à faire entendre raison au président iranien. La rhétorique antisioniste et anti-Shoah reste inchangée et il démontre à l’envi qu’il est sourd, aveugle mais pas muet. Ce train de sanctions, adopté une fois n’est pas coutume avec la Chine et la Russie, les deux traîne-patins traditionnels, visent pourtant pour la première fois les Gardiens de la Révolution. Les Pasdarans, véritable Etat dans l’Etat, portent Ahmadinejad à bout de bras depuis sa première élection le 3 août 2005 et la seconde le 12 juin 2009, contrôlent le système financier de l’Iran, ses industries, son armée, son pétrole, son projet nucléaire. Ce sont les investissements et les avoirs financiers des Gardiens à l’étranger qui vont être gelés tandis que l’armée iranienne se voit interdire l’acquisition de plusieurs types d’armements lourds et que les navires iraniens, grands convoyeurs d’outillage nucléaire, seront désormais soumis à des inspections-surprises en haute mer. Les Gardiens eux-mêmes ne sont plus à l’abri puisqu’en cas de déplacement à l’étranger, ils s’exposent à être capturés et jugés.

L’ONU : intentions honorables, inefficacité prévisible

L’intention de l’Onu est donc franchement honorable. Autant que superfétatoire. Pas besoin d’être un grand expert du dossier du nucléaire iranien pour comprendre que ces sanctions, comme les précédentes, risquent de ne pas être efficaces, que l’Iran d’Ahmadinejad va poursuivre son programme, faut-il le rappeler, le plus long de l’histoire mondiale du nucléaire du fait, tout de même, des pressions internationales et, accessoirement, des opérations de sabotages menées régulièrement par divers services secrets. L’on se souvient que les sanctions ou les menaces de sanctions à l’endroit d’autres pays comme l’Inde ou le Pakistan n’ont produit que l’effet inverse, ces deux pays étant entrés de plain-pied dans le club des puissances nucléaires au côté notamment des Etats-Unis. La Corée du nord, pourtant au ban des nations, a elle aussi réussi à les défier en procédant à au moins deux essais nucléaires avérés. Sauf que, sauf que… Et si Obama avait de la chance ? Seul le temps pourra le dire.

Chine et Russie du côté des gentils ?

En attendant, la question de savoir ce que va faire la communauté internationale, Etats-Unis en tête, est donc plus que jamais d’actualité. D’autant que la palette des options diplomatiques et économiques se rétrécit un peu plus à chaque réunion des décisionnaires onusiens. Car qui dit sanctions dit également ralentissement de l’activité diplomatique, surtout si la Chine — qui reçoit ces jours-ci Ahmadinejad — et la Russie se rangent du côté des gentils, les Chinois en paroles (le chef de la diplomatie chinoise M. Yang, avait promis en février que son pays ne s’associerait pas à de nouvelles sanctions contre l’Iran, engagement non tenu), les Russes en actes puisqu’ils renoncent, comme le leur demandait avec insistance Benjamin Netanyahu et comme le stipule la 1929, à une vente de missiles sol-air S-300 qui devaient assurer la défense des installations nucléaires iraniennes.

L’exemple irakien dans tous les esprits

L’exemple de l’Irak est dans tous les esprits. Autrement dit : le lancement d’une offensive contre un « rogue State », un « Etat voyou », terminologie en vogue dans les rangs de la précédente administration américaine. Bien-sûr, Obama n’est pas Bush. Autre style, autre charisme, un intellectuel qui a appris à penser avant de parler et pour qui le Texas n’a jamais été au centre de la planète terre. Ni lui ni ses proches n’emploient plus guère ces mots d’un autre temps. Pas plus qu’ils ne parlent ouvertement de la possibilité d’une attaque en règle des dizaines de sites nucléaires iraniens. Ils préfèrent afficher leur pragmatisme, démontrer qu’ils ont des nerfs d’acier, et qu’ils ne se laisseront pas entraîner « comme ça » dans une spirale de violences aux conséquences incertaines. L’exercice diplomatique auquel se livrent la Maison Blanche et le département d’Etat depuis décembre 2009 doit donc être salué pour ce qu’il vaut : une tentative d’éviter une nouvelle guerre.

Washington veut la paix et prépare la guerre

Il n’empêche que les plans pour offensive d’envergure contre les sites nucléaires iraniens existent bel et bien. Ils sont au point depuis longtemps, sont régulièrement peaufinés, portent même un nom (« Braindrain Project »). Plusieurs répétitions générales ont déjà eu lieu et les Américains ne sont pas les seuls à s’entraîner. Les préparatifs israéliens sont un autre secret de polichinelle que les Américains s’appliquent à brandir lorsque cela leur sied, c’est-à-dire lorsqu’ils perçoivent que les limites de leur patience sont atteintes vis-à-vis de Téhéran.

Mais le sablier se vide. Le point de rupture entre l’Iran et l’Agence Internationale à l’Energie Atomique (AIEA) semble plus proche que jamais, le parlement iranien envisageant de voter une loi limitant au strict minimum la collaboration avec cette institution de contrôle basée à Vienne. L’adoption de la résolution 1929 met également en relief le peu de cas qu’ont fait les Etats-Unis et leurs alliés du très récent accord d’échange d’uranium conclu entre l’Iran, le Brésil et la Turquie. La confiance n’est plus de mise entre Washington et Ankara qui semble avoir choisi son camp très clairement en s’opposant jeudi au vote-sanction du Conseil de Sécurité. Un vote qui pourrait bien avoir un peu plus de poids lorsque l’Union européenne et le Congrès américain adopteront à leur tour leur propre train de mesures répressives contre le régime de Téhéran. À cela, si l’on en croit le New York Times, s’ajoute la rédaction d’un mémorandum secret de Robert Gates, le secrétaire américain à la Défense, remis au président Obama et ouvrant le débat sur la question la plus ardue de l’heure : attaquer ou ne pas attaquer.

Dans l’intervalle, la tendance paraît de plus en plus d’être la mise à genoux de l’Iran avant les banderilles les plus meurtrières. Au régime iranien de déterminer à quel moment il sentira que les acquis de 30 ans de révolution islamique sont remis en cause par une éventuelle offensive militaire orchestrée par Washington. Au peuple iranien de déterminer quel degré de souffrance et de privations il est prêt à endurer sous le joug d’Ahmadinejad dont le second mandat s’achève dans trois ans. Aux Israéliens de déterminer à quel moment sera franchi le point de non-retour mettant en cause l’existence de leur pays. Aux Américains et à la communauté internationale de déterminer le seuil de leurs tergiversations. Et en attendant, observons l’Iran plier l’échine encore un peu plus.



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Patrick Anidjar, journaliste et écrivain, a travaillé en Europe, au Proche-Orient et aux Etats-Unis pour une agence de presse internationale. Il a collaboré à de nombreux médias français, européens et canadiens. Il est l’auteur d’un livre paru en 2008 aux éditions du Seuil, <em>La Bombe Iranienne, Israël Face à la Menace Nucléaire.</em>

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