Mire-moi !


Mire-moi !

culture tv musée

On ne finit pas d’en faire le tour. Suis-je la plus belle ? Répète-t-elle en boucle. Egocentrique, la télévision se suffit à elle-même. Mégalo, elle génère des émissions sur elle, ses animateurs et, en ce moment, une plaisante expo au Musée des arts et métiers à Paris, ouverte jusqu’au 8 mars 2015. Culture TV revient sur 80 ans de télévision française avec le concours de l’INA. Tous les thèmes y sont abordés : la diversité des programmes (fiction, actu, sport, jeu, etc…), les (r)évolutions techniques (belle collection de téléviseurs, de caméras, de magnétoscopes, etc…) et surtout des dizaines d’archives forcément inoubliables (JT, émissions cultes, bêtisier, etc…). Un zapping géant qui raconte l’histoire de France en accéléré. Courez-voir cet étrange centre de visionnage où chacun retrouvera sa Madeleine.

Car, qu’on le veuille ou non, nous sommes tous des enfants de la télé. Même si pour la première fois, on enregistre une baisse du temps moyen passé devant le poste, la télé de papa fait toujours de la résistance. Et elle a les moyens de nous la faire encore regarder ! L’ORTF, n’était-elle pas la voix de la France selon la célèbre formule de Pompidou ? À la vue de tous ces extraits, on sourit souvent, on est ému parfois, agacé aussi et on replonge direct dans les Trente Glorieuses. Nous n’en sortirons jamais, c’est bien durant cette parenthèse enchantée que la télé a été la plus créative, audacieuse et vénéneuse. Le macaron « Vu à la TV » faisait entrer l’homme politique, le comédien ou le journaliste dans la mémoire collective et la salle à manger des téléspectateurs était la véritable antichambre du pouvoir. Les plus talentueux ou les plus roublards pouvaient même se constituer une jolie rente de situation. Malheur à celui qui passait mal à l’image, de prometteuses carrières ont ainsi péri dans le tube cathodique.

Aujourd’hui, c’est différent, il y a pléthore de canaux, embouteillage d’égos et, reconnaissons-le, un abaissement général du niveau. Où sont les Daisy de Galard, les Jean-Christophe Averty, les Max-Pol Fouchet, les Roger Couderc ? La télé déverse du flux, un jet continu souvent inaudible. N’importe quelle dramatique des années 60/70 donnerait des complexes aux derniers césarisés. Qui n’a pas vu Fanny Ardant dans Les Dames de la côte ou Micheline Presle dans Les Saintes chéries ne connait rien à l’art de jouer. L’expo fait donc la part belle aux moments constitutifs de notre nation télévisuelle : Marchais mouchant le jeune loup Chirac, Gicquel annonçant de sa voix d’outre-tombe la mort d’un doux enfant au regard profond, Giscard en cardiologue avisé devisant sur le monopole du cœur, Tazieff au milieu des volcans, Piccoli dans le Dom Juan de Marcel Bluwal, Rosy Varte en Maguy ou Jean Richard en Commissaire Maigret. Une expo à voir cet été en famille qui retrace les grandes étapes du petit écran en s’amusant. Les plus jeunes joueront au présentateur télé grâce à un fond vert et un prompteur permettant d’enregistrer un bulletin météo comme un vrai pro. Les plus téléphages ou nostalgiques d’entre nous regretterons sûrement certains oublis. En matière de goûts télé comme de sensibilité littéraire, chacun cultive ses propres terres d’affinités. Certains rêvent la nuit aux aventures de Jacquou le Croquant, d’autres à celles des Brigades du Tigre ou de L’Homme du Picardie. Cette expo fait surtout remonter nos souvenirs télé. Je n’oublierai jamais Georges Descrières au volant de son Excalibur dans Sam et Sally, Pierre Mondy et Marie-Christine Barrault en hôteliers de fortune dans Petit déjeuner compris ou les poétiques Roses de Dublin, scénario de Pierre Rey, musique de Vladimir Cosma, qui nous ont initiés aux amours irlandaises. Si quelqu’un a des nouvelles de l’actrice Berenice Toolan, l’inoubliable Spring Kavanaugh, je suis preneur !

Exposition Culture TV – Saga de la télévision française – Musée des arts et métiers – jusqu’au 8 mars 2015 – 60, rue Réaumur 75 003 Paris  www.arts-et-metiers.net

 



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Journaliste et écrivain. A paraître : "Et maintenant, voici venir un long hiver...", Éditions Héliopoles, 2022

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