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Mélenchon – Narcisse piégé en son miroir

La ligne du vieux tribun de la gauche française sur le Hamas fait l’objet d’une forte réprobation


Mélenchon – Narcisse piégé en son miroir
L'ancien sénateur et député d'extrême gauche Jean-Luc Mélenchon, manifestation propalestinienne, Paris, 22 octobre 2023 © SEVGI/SIPA

L’Incorrigible…


Jean-Luc Mélenchon aime Jean-Luc Mélenchon. Jean-Luc Mélenchon admire Jean-Luc Mélenchon. Jean-Luc Mélenchon se délecte de Jean-Luc Mélenchon. Nul ne peut l’ignorer. Tous les politiciens, du plus en vue au plus obscur, portent en eux une dose de narcissisme. Ils aiment être vus. Ils aiment surtout ce qu’ils voient quand ils se voient, sur la photo, à l’écran, sur l’estrade. Chez Monsieur Mélenchon cette dose atteint, à n’en pas douter, un degré des plus élevés. On l’imagine assez bien, tandis qu’il se rase le matin, interrogeant son miroir. « Miroir, Ô mon beau miroir, dis moi qui est le plus ceci, le plus cela ? » Le miroir, qui ne tient certainement pas à se voir immédiatement pulvérisé en cent éclats, sait très exactement la réponse qu’on attend de lui. « Voyons, c’est toi, ce ne peut-être que toi ! »

L’Etre Suprême, c’est moi !

S’étant donc rasé avec soin, le tribun, rassuré, s’habille. Ne lui arrive-t-il pas alors de s’imaginer enfilant le bel habit d’un bleu « céleste » que son lointain inspirateur et concurrent en narcissisme, Maximilien de Robespierre, arborait lorsque, le 8 juin 1794, il entreprit de présider la célébration du tout nouveau culte sorti tout droit de son esprit fécond, celui de l’Être Suprême ? Il se raconte que sa sœur, Charlotte, se serait quasiment pâmée d’admiration quand elle le vit si magnifiquement vêtu, un joli bouquet d’épis et de fleurs à la main. C’est que sonne alors l’heure du triomphe absolu de son frérot. L’homme est au sommet du pouvoir. Plus aucune tête ne risque de dépasser qui lui ferait de l’ombre. Elles ont toutes été tranchées net. Il y a veillé avec autant de soin qu’on peut en mettre à se raser les grands jours.

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La pitrerie solennelle se déploie d’abord aux Tuileries autour d’un bûcher dressé pour l’occasion où on brûle en effigie l’athéisme et quelques autres tares à combattre, dont la « fausse simplicité » (sic). Quand les flammes s’éteignent, émerge la Sagesse. Très barbouillée de suie, la Sagesse. Puis les membres de la Convention, suivis de la foule – immense – des Parisiens qui se mettent en marche pour le Champ-de-Mars où Robespierre doit toucher le Graal. Il avance en tête, seul en tête. « Tous derrière, tous derrière et lui devant », comme le petit cheval blanc de la chanson de Brassens. Il ne touche plus terre, le roi du jour. Il est aux anges. « La Nation, c’est moi ! » peut-il se glorifier à chaque pas, préfiguration de la revendication – tout aussi terriblement égocentrée – que son disciple, notre contemporain, aboiera quelques siècles plus tard dans une cage d’escalier : « La République, c’est moi ! »

Au Champ-de-Mars, une montagne artificielle a été agencée. Rien n’est trop haut, rien n’est trop beau pour l’apôtre révolutionnaire, l’oracle de la multitude, le gourou de toute cette populace que, bien évidemment, en son for intérieur, il foule aux pieds.

Gare à ne pas lasser le bon « peuple de gauche »

Grand ordonnateur et prêtre de la cérémonie, entre deux chants de l’hymne de circonstance composé tout spécialement, il prend la parole, déroule sa dialectique bien rodée. Or, ce jour, ce moment particulier d’une gloire qu’il peut croire en effet à son zénith, est précisément celui où les gens, le peuple, les édiles vont commencer à ne plus l’écouter. Celui où on se surprend à penser que cet Être suprême qu’il tient tant à célébrer n’est peut-être bien en vérité que lui-même, sa petite personne parée d’un bleu marial. Couleur qu’on trouve d’ailleurs un peu trop chrétienne pour être tout à fait honnête. Si l’on osait, nous dirions que la montagne du Champ-de-Mars pourrait être quelque chose comme son Golgotha. Ou, à tout le moins, sa roche Tarpéienne. Son délire des grandeurs, son arrogance, ses excès, sa violence commencent à lasser. L’homme agace. Le politique effraie. Le gouvernement par la Terreur que, fort de ce triomphe en carton-pâte, il s’apprête à imposer les jours suivants indispose jusque dans son propre camp, tout près de lui. Très près. Les défections s’enchaînent, les purges aussi. Le vide se fait.

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Mais au fond, parle-t-on ici de l’Incorruptible ou de l’Incorrigible ? Parle-t-on encore de Robespierre ou de Mélenchon ? On dirait bien que, mutatis mutandis, ce qui va pour l’un va pour l’autre. Après avoir été le centre de l’adulation, voilà qu’ils sont en passe de devenir l’un et l’autre celui de la réprobation. On ne pleurera pas sur ce point. On versera d’autant moins de larmes qu’en bons narcissiques qu’ils sont, ils ne puisent pas moins d’intime volupté à être le point de focalisation de l’aversion, de la détestation, que de la dévotion. L’essentiel pour eux est d’être le centre. Y être seul. Avoir raison ou tort est sans importance véritable. C’est le moi chéri, le moi adulé marchant devant tous et, s’il le faut, contre tous, qui compte pour de vrai. Tant que le miroir – le beau miroir – renvoie cette image-là, la jouissance narcissique demeure. De lui seul – le miroir –, on attend fidélité. Des autres, tous les autres, y compris les siens, qu’on n’a pas cessé un seul instant de mépriser, que pouvait-on espérer d’autre en vérité ? Montant à l’échafaud – ultime estrade où l’on est celui sur qui tous les regards convergent –, Robespierre devait se convaincre sans peine que cette foule, ce peuple qui l’avait acclamé et maintenant le sacrifiait, ne le méritait pas. Lui, trop beau, trop grand, trop pur. Lui, le LFI avant la lettre, le Flamboyant incompris.

Le piège du narcissique est là. Il est prisonnier de son miroir, de l’image que celui-ci lui renvoie. Elle lui dicte sa loi. Il se trouve embarqué dans une fuite en avant qui à terme – sauf à avoir la belle lucidité et le grand courage de briser le miroir et l’image – le précipitera dans le mur. Ou bien pire encore pour tout narcissique qui se respecte, dans le néant.

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Narcisse, Peinture de Le Caravage. D.R.



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Ex-prof de philo, auteur, conférencier, chroniqueur. Dernières parutions : "Marie Stuart: Reine tragique" coll. Poche Histoire, éditions Lanore. "Le Prince Assassiné – le duc d’Enghien", coll. Poche Histoire, éditions Lanore.

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