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Mélanie Laurent s’intéresse à la folie au XIXe siècle

She's curious of everything


Mélanie Laurent s’intéresse à la folie au XIXe siècle
Affiche du film (détail) Amazon Prime Video.

L’actrice/réalisatrice/auteure/chanteuse réalise un sixième film réussi adapté d’un roman de Victoria Mas. Il suit une jeune femme persuadée de communiquer avec les morts…


Amazon Prime, la plateforme de vidéos à la demande la moins intéressante, nous a réservé cependant une merveilleuse surprise. Le bal des folles, qui est le sixième film de la réalisatrice et actrice Mélanie Laurent. Elle a pris un risque, en adaptant le roman éponyme de Victoria Mas, paru en 2019, qui traite des femmes considérées folles, enfermées à la Salpêtrière, pour servir de cobayes à Charcot, « l’inventeur » de la notion plus ou moins vague d’hystérie.

Le mystère Eugénie Cléry

La réalisatrice aurait pu prendre un parti voyeuriste, le sujet s’y prête. Mais elle parvient à traiter de la folie de manière subtile, presque tranquille. Son approche de ces femmes, qui souffrent de pathologies quelquefois inconnues pour l’époque – l’hystérie est un fourre-tout bien pratique, qui souvent servait de prétexte pour faire taire des femmes trop dérangeantes – est si sensible, si empathique au vrai sens du terme (être avec), qu’elle semble justement faire corps avec elles.

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Dérangeante, Eugénie Cléry l’est assurément. C’est une jeune fille issue de cette bourgeoisie si étouffante de la fin du XIXe siècle. Cette jeune fille intense veut échapper à son monde, aller dans les cafés de Montmartre pour « lire et fumer ». Elle a suivi avec passion les funérailles nationales de Victor Hugo… Ce film a quelques relents hugoliens, qui comme chacun sait faisait tourner les tables : Eugénie dit communiquer avec les morts. C’est pour cette raison que sa famille la fit enfermer. Elle subit les traitements du docteur Charcot, qui s’apparentaient à de la torture : barres de fer dans le vagin ou l’utérus (on connaît l’origine du mot hystérie, hysteros soit utérus en grec), bains froids, baillons d’éther… L’infirmière sadique, l’isolement dans des cachots sordides où l’on jette de la nourriture comme on ne le feraient même pas pour des chiens. Tout cela est filmé de manière certes réaliste, au plus près de ces corps malmenés, mais aussi avec une paradoxale douceur, comme si la réalisatrice, plus d’un siècle plus tard, avait voulu rendre hommage à ces femmes, en leur offrant une sorte de consolation. La photographie du film est de toute beauté. Picturale, quelquefois monochrome : le bleu profond des salons bourgeois, quelquefois rappelant les peintres Flamand, l’obscurité grise et marronnasse éclairée à la bougie, où s’immiscent des rais de lumière.

Occultisme et excès de réel

Mais pourquoi ce titre, Le bal des folles ? Tous les ans à la mi-Carême, la Salpêtrière organisait un bal où les bourgeois venaient s’encanailler avec les folles, déguisées en costumes de Pierrot ou de gitanes. Ils s’y encanaillaient comme on va au zoo, en espérant assister à une scène d’hystérie. Pendant le carnaval, qui était une inversion des valeurs, une catharsis, on a toujours côtoyé la folie. Certainement pour ne pas devenir fou soi même. Mais la frontière entre un fou et un sain d’esprit est ténue. Tarte à la crème que cela, mais qui a vécu ne saurait me contredire. Les femmes en pâture, espéraient quant à elles, un regard, un mot, quelque tendresse, l’espace d’un instant. 

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Au XIXe siècle, siècle qui nous propulsa dans la modernité, qui a inventé le capitalisme moderne, les classes sociales, la bourgeoisie triomphante ou le positivisme, est aussi le siècle d’un retour esthétique au Moyen-Age et à l’occultisme. Comme pour se protéger d’un excès de réel. Hugo en fit un roman de plusieurs centaines de pages et les poètes symbolistes étaient friands de magie et d’ésotérisme. Ésotérisme que l’on assimile, avec raison, à l’idéologie d’extrême droite. Cependant, dans son indispensable ouvrage de 600 pages, Le XIXème siècle à travers les âges, Philippe Muray nous parle d’occulto-socialisme, avec en exergue cette citation de Flaubert : « La Magie croit en la transformation immédiate des formules, exactement comme le socialisme ». Cela est lumineux ! Le pouvoir des mots ne change rien, encore faut-il y croire. Mitterrand ne voulait-il pas changer la vie ? Abracadabra. 

Mais nous nous égarons. Revenons à nos « folles » : Eugénie finit par s’échapper de la Salpêtrière, d’une drôle de manière, et grâce à ses dons paranormaux. Dans les derniers plans du film, nous la voyons au bord de la mer, façon Antoine Doisnel dans Les 400 coups. Les voyants ont toujours raison.

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est enseignante.

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