Marseille

Une quarantaine de personnes sont mortes dans des règlements de compte liés au trafic de drogue, depuis le début de l'année, un record


Marseille
Marseille. Unsplash

Marseille, ses bars, ses comptoirs, des zincs plus beaux qu’à Blagnac. La grande école du mensonge. L’industrie du mensonge. Avec ses menteurs de génie. Si le mensonge est beau, il sera patiné de bouche à oreille, mâtiné de quartier en quartier, pour revenir customisé sur le comptoir d’où il s’était envolé, devant son auteur fier comme un toréro de Pampelune.


Le plus gros trafic aérien de bobards au monde. Pilotés par des garis qui ne sortaient que la nuit, le col du Mac Douglas relevé, convoyés par des caïds qui jetaient l’os aux chiens, juste pour observer la réaction. Du grand art.

Marseille et le Stade. Le Vélodrome. Où il n’y a jamais trop eu de vélos. Mais des bicyclettes! Celles de Josip Skoblar ! Jospi ! Il était chaussé par Hungaria, et avait toute la ville à ses pieds.

Marseille et ses cagoles. Belles et colorées comme des girelles royales. Et pas de l’élevage, que du sauvage, colorisé par Almodovar et mis en peinture par Ambrogiani. Et pas de noir et blanc. Du rouge, que des couleurs de chaudasse, le pastel c’est pour le pastis, le jaune.

Marseille et ses poissons qui parlent. Celui qui parle le plus c’est le rouget, une vraie donneuse. À l’époque, ceux d’Honorine, sur le Vieux-Port, ne balançaient pas que sous la torture.

-”Regardez mes rougets, ils parlent encore!”
-”Ouais mais ça fait longtemps qu’ils bougent plus!”
-”C’est toi qui vas plus bouger si tu parles encore!”

Tout ça c’est fini, balayé par le Mistral, relégué aux archives, figé dans la nostalgie. La ville qui a créé le pain de savon est rongée par la crasse. Et la mort. La mort en terrasse, la mort au balcon. Le combat du terrain est perdu. Et ce n’est pas avec une compagnie de CRS, même d’usine, que la reconquête peut s’enclencher. Envoyez la Financière et frappez où ça fait mal. Vous devez ça à cette ville, que vous avez massacré, en ouvrant les vannes sans le dosage qui garantit que la machine à intégrer puisse tourner. Faites vite.


Ma vieille peau

Marseille, le sel et le plomb te font la peau
L’iode et le vent du large te laissent un dépôt,
Pas à la banque, dans les poches du perfecto,
La mise à l’amende, façon de voir l’impôt

Tes yeux bleus délavés par la cataracte
Le regard rivé à prier la Madone
Pour une crise de foi, l’Ohème, l’énième maldonne,
Sous une pluie de sang ta pupille se contracte

Meilleure des machines à laver le malheur
De l’Estaque aux Goudes on étend du bonheur
Des races en larmes sèchent au souffle de ton accent
Ce mélange d’épices, de poisson, de safran

L’élu corrompu a gavé ton tambour,
Tes bras ouverts se ferment un peu à l’amour,
Pour t’en sortir faut lire l’Histoire de la Mer,
Faire consensus autour de la Bonne Mère

De Chine t’as ram’né de l’opium et un bleu,
Le César du tissu, l’Oscar de l’entreprise,
Pour tes marins perdus, tes joueurs de blues,
Tu as le mac à dames au bord de la crise

Ton bitume sait qu’la nuit tous les chats sont gris,
Tes rats syndiqués, gras com l’port de Cassis,
Les quais de la Joliette c’est du pain béni,
À l’Evêché ça balance debout, assis

Tes taxis prennent les tapins plus tes cagoles,
Qu’on calcule au bar beaucoup moins à l’église,
Le fini-parti laisse la poubelle pas prise,
Le coup d’balai c’est pour Scotto et Pagnol

Championne du monde du “sur la tête de ma mère”,
Un génocide de mamans au cimetière,
Des bobards plus gros que les croix de Saint-Pierre,
Aux mamans un trou, aux belles-mères un cratère

Tu crachais du 11, un beau noyau d’olive,
C’était du sélectif, pas du n’importe quoi,
Des fadas crachent à la kalash des ogives,
Faut les choper au niveau du cash, au foie

Ma vieille caisse cabossée
Ma vieille ville carrossée
Réagis pour les gosses
Range au placard ta crosse

J’parie sur toi ma vieille
J’prie pour que ton soleil
T’passe un savon sans plomb
Chasse la mort au balcon




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Journaliste

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