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La fausse opposition dont rêvait Macron

Pendant qu’on discute de la statue de Colbert, le libéralisme peut se refaire la cerise


La fausse opposition dont rêvait Macron
Aux États-Unis, à Saint Paul dans le Minnesota, on retire les statues de Christophe Colomb, le 10 juin 2020 © Numéro de reportage: AP22463403_000012 Evan Frost/AP/SIPA

Dans son édito, Jérôme Leroy estime que les émeutes anti-flics font les affaires du pouvoir. Êtes-vous de son avis?


Bien entendu, j’ai toujours su que tout ce que j’ai aimé dans le monde d’un amour qui allait de soi, les paysages, les plages, les livres, les villes au petit matin après une nuit de dérive quand je revenais dans l’aurore aux doigts de rose, légèrement ivre et très heureux, dans la buée bleutée des arroseuses municipales, tout cela, on me le retirerait d’une manière ou d’une autre. 

Soit par ce que le système spectaculaire marchand l’aura détruit: il est là, le seul grand remplacement, celui de nos sous-préfectures par des déserts, et celui des faubourgs de nos villes par des zones commerciales. C’est quand même plus les Décathlon que les mosquées qui esquintent le vieux pays et ont bouleversé ses modes de vie, quoiqu’en dise la paranoïa islamophobe.

Vive le comité Traoré!

Soit parce que la fausse opposition, une opposition de « niches victimaires » à ce système spectaculaire marchand est l’opposition dont rêve le pouvoir qui peut continuer à tout détruire sans être gêné. Allez-y, jouez sur la guerre des sexes, des races, des mémoires. La seule chose dont on a pourtant vraiment peur le capitalisme, ce n’est pas des cortèges antiflics, c’est qu’on lui demande de rééquilibrer la rémunération du capital au profit de celle du travail. C’est la seule. Qu’on lui demande des comptes sur le retour à l’ordre libéral qu’il s’apprête à réinstaller après la crise virale. Il n’a pas peur du comité Traoré. Pour un peu, il le bénirait.

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Macron en salive déjà de bonheur avant dimanche soir : il sera trop heureux de montrer sa grandeur d’âme, de demander à sa police d’arrêter le placage ventral, de retirer des statues de Colbert, d’interdire Autant en emporte le vent, etc. Il le fera pour une raison simple: parce que ça ne lui coûte pas cher. Pas parce qu’il est indigné par la mort de George Floyd. 

Touche pas à mes réformes

Pendant ce temps-là, les infirmières, et même les infirmières noires, se sentent à nouveau très seules: plus d’applaudissements aux balcons et un beau foutage de gueule au Ségur de la santé déjà quitté par SUD. Il faut en effet que rien ne change pour que rien ne change (le pouvoir n’a même plus besoin du fameux théorème du Guépard), comme rien ne changera dans l’intention de réformer par points les retraites, de ratiboiser les indemnisations chômage, de ne pas revenir sur la disparition de l’ISF.

Que rien ne change, y compris  l’antiracisme lui-même qui est très généreux mais qui est tout sauf un programme révolutionnaire. Je le sais, je suis de la génération Touche pas à mon pote. Aujourd’hui, plus que jamais, il est juste un moyen pour une petite bourgeoisie blanche de centre gauche de retrouver une bonne conscience et oublier la monstrueuse vague de licenciements qui elle aussi sera merveilleusement antiraciste et ne fera pas de différences quand elle va nous renvoyer, à l’automne, du côté de Dickens et Zola. Mais ce n’est pas grave. On ne verra plus la statue de Colbert.



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