Accueil Brèves Les oreilles de l’été : une vague de chaleur signée Richard Anthony

Les oreilles de l’été : une vague de chaleur signée Richard Anthony


En 1959, Johnny Hallyday se donne beaucoup de mal pour se faire connaître : il se roule par terre, bat l’air de ses jambes et prétend être américain d’origine. En 1959, la France ignore Johnny Hallyday. En revanche, elle a reconnu dans la petite personne, déjà un peu replète, de Richard Anthony, un interprète vraiment neuf. Grâce à leurs frères aînés, les jeunes garçons, désespérés pour la plupart d’entre eux, et bien près de lancer la mode du suicide chez les prépubères, tels des baby-Werther en pantalon de flanelle, découvrent avec stupeur le titre Nouvelle vague :
« Une p’tite MG et trois compères
Assis dans leur bagnole souou z’un réverbère
C’est la Nouououvelle vague… »

Il se produit alors chez ces boutonneux un triple effet : bouche bée, syncope et ravissement ! Richard est porteur de la bonne nouvelle : les temps changent, et les représentations du monde aussi !

Nous ne savons pas exactement pourquoi nous avons des boutons sur la figure, mais nous pressentons que cette disgrâce physique disparaîtra bientôt, et plus vite encore si nous suivons l’exemple que nous suggère « Nouvelle Vague » : la décapotable anglaise, les filles qui passent, le flirt, la frime ! Voilà bien le modèle absolu, indépassable, la dolce vita au rond-point des Champs-Élysées ! Grâce à Richard Anthony, nous ne succomberons pas, un peu plus tard, aux postures fabriquées de Johnny Hallyday, et nous accueillerons tout aussi favorablement la néo-folk de Bob Dylan (dont Anthony adapta joliment « Blowin in the wind ») que la pop anglaise, et nous balancerons entre les mods et les rockers[1. Dans le film « A hard day’s night » (Richard Lester, 1964), où l’on voit la beatlemania s’emparer de l’Angleterre, à la question d’une journaliste, « Are you a mod or a rocker », Ringo Starr répond sobrement : « I’m a mocker ! »].

Nous serons éternellement reconnaissants au roi Richard de nous avoir préparés à accueillir la révolution londonienne. Et nous nous souviendrons – tant que l’infâme cambrioleur de mémoire, ce voyou nommé Al Zheimer, nous laissera quelques neurones – que nous lui devons de belles et troublantes séances de frotti-frotta, qui rendaient agréablement encombrant notre très intime corps caverneux… Pionnier, en France, du slow symphonique (« Jamais je ne vivrai sans toi »), qui libère sur une mélodie simple une nappe de violons câlins, soutenue par le rythme binaire d’une batterie, il nous a tout à la fois permis d’exprimer tendrement nos brusqueries hormonales et notre sentimentalité primitive.

Richard Anthony a connu des hauts et des bas, des redressements fiscaux sévères, des déboires sentimentaux, un surpoids considérable, un cancer. Il a vendu des millions de disques, il a été follement riche, il a failli devenir pauvre. Aujourd’hui, il chante toujours, et il vit dans le midi, jovial et doux.



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Né à Paris, il n’est pas pressé d’y mourir, mais se livre tout de même à des repérages dans les cimetières (sa préférence va à Charonne). Feint souvent de comprendre, mais n’en tire aucune conclusion. Par ailleurs éditeur-paquageur, traducteur, auteur, amateur, élémenteur.

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