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Aux Mureaux, Élisabeth Borne a dépassé les bornes…

Pap Ndiaye, un normalien à l’Education nationale, normal ?


Aux Mureaux, Élisabeth Borne a dépassé les bornes…
Pap Ndiaye, partisan d'une laïcité ouverte, photographié ici en mars 2021, remplace Jean-Michel Blanquer à l'Education nationale © Francois Mori/AP/SIPA

La diversité sera sa priorité: regardez le nom de son Ministre de l’Éducation nationale


Pour son premier déplacement Élisabeth Borne marche résolument sur les pas de son maître, Emmanuel Macron. On s’en souvient, celui-ci tint, aux Mureaux déjà, en 2020, son grand discours sur ce qu’il convient depuis, avec une pudeur euphémisante, de nommer « le séparatisme ». Cette lutte acharnée contre un fléau soigneusement édulcoré par le mot choisi pour le désigner, sera, tout comme elle le fut lors du précédent quinquennat avec un indéniable succès, l’une des priorités du nouveau.

Élisabeth Borne a d’abord rassuré ceux qui s’inquiétaient de connaître la composition du prochain gouvernement et auraient eu le mauvais goût d’assimiler son déplacement à quelque manœuvre dilatoire visant à sursoir à la révélation des noms de ceux qui participeront à la Renaissance de notre pays : « On n’est pas en train de traîner, je peux vous assurer qu’on y travaille, mais on prendra le temps qu’il faut pour avoir la bonne équipe ».

Pour faire définitivement taire les mauvaises langues, il convient, du reste, de préciser qu’on connut la composition globale dudit gouvernement, au demeurant ébouriffant, tenu à un devoir de réserve jusqu’aux législatives, le lendemain du déplacement que la dame effectua. Bien joué monsieur Macron, vous êtes définitivement le Maître des horloges.

Puis, celle qu’on pourrait surnommer : « La Voix de son maître », a placé son Discours des Mureaux à elle dans la continuité de celui qu’elle tint lors de la passation de pouvoir avec Jean Castex. Elle promit d’oeuvrer pour la jeunesse et l’émancipation des femmes. Peut-être espéra -t-elle, en « même temps », récupérer, au passage, les voix accordées à Jean-Luc Mélenchon dans les quartiers dits « sensibles ». Les législatives, c’est demain ! 

Élisabeth Borne, malmenée par la vie, on n’en disconvient pas (orpheline de père à 11 ans) a su en travaillant avec ténacité, tirer profit d’une école républicaine qui alors, tenait encore debout, ce n’est plus le cas. Les premiers élèves auxquels j’ai enseigné le français, il y de cela quelques anneés, dans des quartiers déjà « difficiles », avaient un bien meilleur niveau que celui des lycéens que j’ai dernièrement préparés au baccalauréat. Ceux-ci étaient pourtant scolarisés dans un « bon lycée » du centre de l’une de nos grandes villes de province.

Je ne suis pas sûre que notre technocrate ait bien conscience de la faillite de notre Éducation nationale. En effet, elle n’a pas hésité, devant un parterre de jeunes filles, à tenir les propos suivants : « En m’accrochant, j’ai intégré une école. Ça m’a été bien utile car j’étais payée par cette école, Polytechnique, et ça m’a permis de payer mes études. » Elle a ajouté, mentionnant son parcours difficile : « Les sciences et les choses logiques ont un côté rassurant. »

Peut-être, serait-il bon, avant de faire rêver inutilement des adolescentes (Ce qu’elle ne fait pas avec les mots, si on en juge par le discours rapporté.), qu’elle se renseignât sur l’état de délabrement de notre école républicaine. Comment peut-on donner de tels espoirs à une jeunesse devenue veule à force d’être soustraite depuis tant d’années à la notion d’effort et à un enseignement de qualité ?  

Élisabeth Borne sait-elle seulement qu’elle appartint au même gouvernement que celui de Jean- Michel Blanquer, l’homme qui crut judicieux de retirer les mathématiques du tronc commun au lycée, contribuant ainsi à la ruine définitive de l’esprit de logique vanté pour son « côté rassurant » par notre Premier ministre ? 

La bourde et ses résultats dévastateurs sur nos élèves ayant été finalement réalisés, sous le deuxième mandat de notre seigneur Macron, les mathématiques feront leur retour dans le tronc commun. Oui, mais voilà, il n’y plus de candidats au Capes de mathématiques : ils sont déjà moins nombreux que le nombre des postes à pourvoir pour un concours au niveau dévalué… Pas de panique, on pourra toujours embaucher des contractuels, via Leboncoin, sans plus de compétences que leurs élèves, qu’on payera au lance-pierre.  Ils sauront bien « animer » la classe, c’est tout ce qu’on attend d’un professeur de nos jours. On a déjà, du reste, couramment recours à cette main d’œuvre précaire et corvéable à merci.

En effet, les professeurs titulaires usés par un métier de plus en plus difficile, dévalorisé et dévalorisant, s’absentent fréquemment quand ils sont au bout du rouleau, écrasés par une administration qui ne les soutient pas, des parents dont l’esprit de vindicte s’accroît et des élèves devenus désinvoltes, consommateurs et oisifs.

Alors Polytechnique, ce n’est pas en l’état, vendre du rêve aux jeunes filles, c’est leur proposer d’entrer dans la quatrième dimension.

Cessons d’être démagogue et réhabilitons une école de la transmission et du respect. Tous les jeunes, sans exception, s’en porteront mieux et la société avec.

Le successeur de monsieur Blanquer se nomme Pap Ndiaye, il est le frère de la romancière Marie NDiaye. Il est né le 25 octobre 1965 à Antony, dans les Hauts-de- Seine. Ancien élève de l’École normale supérieure de Saint-Cloud, titulaire d’un doctorat de l’École des hautes études en sciences sociale, il est historien, spécialiste d’histoire sociale des États-Unis et des minorités. Il a été promu en 2012 professeur à Sciences Po Paris. En 2021, il devient directeur général du palais de la Porte-Dorée et dirige le musée de L’Histoire de L’immigration. Un signal fort nous est là donné.

Pap Ndiaye souhaitera-t-il nous refaire le coup du livre-symbole distribué dans les écoles ? J’en doute fort. (On admira le Ministre de l’Éducation nationale du précédent quinquennat quand il offrit « Les Fables »de La Fontaine à des élèves de CM2) Je me permets, au cas où, de lui faire une suggestion à destination, justement des jeunes filles des « quartiers sensibles ».

Si par hasard, monsieur Ndiaye, mais nous doutons cela que fasse partie de vos priorités, vous désiriez toujours mettre à l’honneur le Grand Siècle, pensez donc aux « Contes de fées » de Madame d’Aulnoy, qui étaient au programme de l’agrégation de Lettres modernes, cette année (Pour rester dans l’esprit de réussite que propose le modèle de Polytechnique).  Les contes de fées de cette féministe avant l’heure, contemporaine de Perrault et de La Fontaine, circulaient dans des salons littéraires presque toujours présidés par des femmes, mais que fréquentaient aussi les hommes. Dans lesdits contes, l’auteur, qui avait déjà compris, bien avant Ferrat et Aragon que la femme est l’avenir de l’homme, célèbre la force de caractère, l’habileté et l’esprit des femmes, non sans lutter contre l’archaïsme. Elle y dénonce ainsi, par exemple, le mariage forcé. Je cite à cet effet la moralité de son conte : « L’Oiseau Bleu » :

Les hymens seraient plus heureux

Si on trouvait encor quelque Enchanteur habile

Qui voulut s’opposer à ces coupables nœuds,

Et ne jamais souffrir que l’hyménée unisse

Par intérêt ou par caprice

Deux cœurs infortunés, s’ils ne s’aiment tous deux.

Donnons-nous les moyens de faire rêver les jeunes : filles ou garçons, autrement qu’avec des paroles creuses. Tant que l’école n’existera plus, il n’y aura pas de rêve possible pas plus que de lutte contre « le séparatisme » envisageable. « Celui qui ouvre une porte d’école, ferme une prison » a dit Victor Hugo, encore faudrait-il qu’on s’entende sur ce que doit être l’école.




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est professeur de Lettres modernes

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