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Les heures de Praud…

Pascal Praud est trop atypique pour qu'on se contente à son sujet d'une analyse superficielle.


Les heures de Praud…
Pascal Praud / Capture d'écran YouTube d'une vidéo de la chaine RTL, du 15/12/22

Philippe Bilger défend son ami et collègue, Pascal Praud, contre ses détracteurs qui sont inaptes à le comprendre à cause de ses piques choisies et de son air tantôt sérieux tantôt ironique.


Ouf, c’est fini, on va enfin pouvoir passer à autre chose, par exemple au gouvernement de la France !

Mais on voudra bien me pardonner : j’ai encore un autre sujet sous l’esprit, depuis quelque temps j’avais envie de le traiter mais l’actualité ne s’y prêtait pas. Maintenant il me semble que la voie est libre et que je vais pouvoir évoquer Pascal Praud, l’animateur phare de CNews, et accessoirement mes rapports avec lui.

Puisque j’ai la chance d’être à l’Heure des pros le lundi matin, avec notamment Élisabeth Lévy et Nathan Devers, et le mardi soir, avec la même et Olivier Dartigolles.

Avant d’aborder les raisons fondamentales de mon adhésion médiatique à Pascal Praud – en substance et en contraste, parce qu’il était lui et que j’étais moi – et pour pouvoir mieux répondre à ce que je sens ici ou là d’incompréhension en ce qui nous concerne, quelques observations préliminaires.

Serais-je le plus mal disposé à l’égard de Pascal Praud que je le défendrais, de toutes manières, avec une vigueur convaincue face aux attaques odieuses dont il se moque mais dont on croit l’accabler. Il y a un certain niveau de bassesse et au fond de jalousie qui appelle, pour les battre en brèche, une fidélité de principe. Et ce n’est pas Quotidien et ses « ta gueule » qui me feront changer d’avis.

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D’ailleurs il ne se passe pas de jour sans que le hasard des rencontres ne me conduise à plaider pour lui. Je le fais avec d’autant plus d’énergie argumentative qu’il se soucie comme d’une guigne de la bave des crapauds et qu’il n’est pas loin de vous reprocher parfois de prendre fait et cause pour lui. Mais, tant pis, on ne se refait pas et l’injustice est toujours une sale morsure !

Pascal Praud est trop atypique dans l’univers de l’audiovisuel pour qu’on se contente à son sujet d’une analyse superficielle. Animateur certes, libérant la parole de ses invités, mais aussi chroniqueur n’économisant pas la sienne, il met au jour une synthèse qui, entre abstention et écoute d’un côté, engagement et convictions de l’autre, place ses possibles contradicteurs en oscillation constante : qui s’est exprimé, l’arbitre ou le joueur ? Faut-il considérer comme sérieux ses propos ou convient-il de déceler l’ironie au coin de son oeil, l’outrance délibérée, la provocation calculée ? Quand il souligne que la nuance n’est pas son fort, le regrette-t-il ou s’en flatte-t-il ?

En tout cas, c’est ne rien comprendre à Pascal Praud et au lien qu’il entretient avec ses invités, durant les débats, que de s’attacher à la tonalité purement formelle des répliques, à leur caractère parfois vif, au climat de légère excitation qu’engendre forcément une émission qui se paie de mots et de pensées, d’humeurs et d’enthousiasmes, de saillies et d’indignations.

Il est clair que les heures de Pascal Praud ne ressemblent pas à un long fleuve tranquille, de sorte qu’elles échappent toujours à la plaie médiatique fondamentale pour les présents sur le plateau et les téléspectateurs : l’ennui. Serait-on tenté de se laisser aller à la douceur d’un conformisme rassurant que Pascal Praud n’hésiterait pas à opposer à vos banalités ses imprévisibilités et à demeurer accordé avec l’esprit de ses émissions : si vous cherchez du confort intellectuel, passez votre chemin !

J’admets volontiers – et parfois à ma charge – que ce style d’échanges, cette impression que donne Pascal Praud de ne s’offusquer de rien et d’ailleurs de ne pas manquer la cible que vous pouvez être pour lui, sont susceptibles de vous inciter, quoi qu’on en ait, à une forme d’excès immédiatement délicieux mais qui peut être parfois mal perçu à l’extérieur. Ni dérision, ni condescendance mais seulement le surgissement d’une rançon où sans doute on applique trop bien ce qu’on imagine être le dessein de Pascal Praud : lui parler comme il nous parle. On se console d’autant plus aisément de nos rares ripostes acides que Pascal Praud lui-même n’est pas avare de gracieusetés aimablement perfides qui nous mettent à égalité.

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Quand sur les thèmes judiciaires nous nous confrontons, avec un plaisir anticipé, à un antagonisme qu’il impute souvent absurdement à ma « haine » de Nicolas Sarkozy et que je lui renvoie en incriminant sa prétendue « ignorance », nous sommes l’un et l’autre dans un « jeu », dans un « je » de rôles et nous savons bien qu’il y a une allégresse de la contradiction quand on la perçoit, à tout coup, comme fidèle au rendez-vous que nos alacrités respectives lui ont fixé.

Rien ne serait plus contraire à l’atmosphère de nos rencontres que de la joute masquée, que la tentation d’un parisianisme gourmé qui remplacerait l’affrontement des idées et la vivacité du langage par des rumeurs, des chuchotis et des on-dit sans véritable intérêt.

Les heures de Pascal Praud et avec Pascal Praud éclairent, mais pour l’infirmer, ce paradoxe actuel : on veut bien être favorable à la liberté d’expression singulière et collective mais hors de question que ses manifestations ne soient pas lisses, sans heurts ni oppositions, sans contradictions ni humeurs.

Avec Pascal Praud, il y a des personnalités, des intelligences, des surprises et la détestation de la caporalisation suprême : celle résultant des médias dialoguant avec les médias.

Qu’il soit l’objet d’une hostilité vigilante de la part de certains qu’il ne ménage pas est un honneur.

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Magistrat honoraire, président de l'Institut de la parole, chroniqueur à CNews et à Sud Radio.

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