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Le Mal dominant

Le Mal a pris la main!


Des pompiers, des policiers, des infirmiers agressés… En France, le mal s’est banalisé ces dernières années


Le Mal a pris la main. J’ai conscience du caractère désespérant de cette affirmation, mais elle n’implique pas dans mon esprit que la défaite soit pour toujours et qu’un redressement soit impossible.

Il n’empêche que jour après jour, et depuis des années, avec l’aggravation terrible du quinquennat d’Emmanuel Macron sur le plan largement régalien pour des raisons que j’ai été conduit à trop développer malheureusement, quelque chose de fondamental s’est produit dans notre société. Il me semble que sans forcer le trait nous sommes passés, dans beaucoup de registres, d’un monde où le Bien n’était pas respecté à celui de la domination du Mal. Le rapport de force a changé de camp. Avec, de surcroît, une certaine illisibilité dans la hiérarchie des responsabilités et des sanctions.

Je continue à mettre l’accent, pour le début de cette dramatique évolution, sur le moment où dans certaines cités, le corps des sapeurs-pompiers, unanimement admiré, et les médecins appelés souvent en urgence, ont été attaqués, molestés, sans possibilité d’accomplir leur mission de sauvegarde. Tout a commencé là : quand même l’humanité la plus exemplaire a été bafouée seulement parce qu’elle était une émanation officielle, l’expression d’un État dont ces enclaves devenues de plus en plus étrangères et maîtresses des lieux ne voulaient plus.

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Alors il serait fastidieux de dérouler la chronique d’une France de plus en plus mal en point et face à laquelle les indignations politiques, les tweets et les déplacements n’apportaient pas l’ombre d’une solution. Par impuissance sûrement. Tous ces citoyens qui n’en pouvaient plus de subir et d’endurer faisaient partie de ce peuple qui dans notre pays a très mauvaise presse. Il est tellement plus gratifiant de s’occuper des problèmes sérieux, les banques, les bénéfices, le CAC 40, la France en 2050, l’écologie sophistiquée, plutôt que de s’attacher à la détresse des Français, quelles que soient leurs conditions d’existence. Les délits et les crimes, c’est inéluctable… la tolérance zéro est impossible… et ils nous fatiguent, tous ces indignés, alors que l’insécurité et la violence n’existent pas puisqu’elles résultent seulement d’un « sentiment »…

Une autre fracture fondamentale s’est produite qui a radicalement changé la donne. Par exemple, les policiers ne nous ont plus protégés, il a fallu les protéger. Ils n’étaient plus respectés par principe, mais présumés coupables et l’usage de la force légitime par les forces de l’ordre a été mis sur le même plan – notamment lors du comble des gilets jaunes dont le meilleur de leur cause a été sacrifié – que les rares et scandaleuses violences illégitimes de fonctionnaires d’ailleurs de plus en plus poursuivis et condamnés.

On a constaté, sans attirer suffisamment l’attention sur le phénomène, que le Mal ne s’est plus contenté d’attendre, de se dissimuler, de résister, de fuir et d’adopter une attitude singulière ou collective qui révélait encore une sorte de déférence perverse pour la police mais qu’au contraire il a pris la main. On a tendu des embuscades, des guet-apens à la police, on lui a tiré dessus avec des mortiers, on a attaqué et brûlé ses véhicules, on n’a plus eu le moindre scrupule pour la blesser, la tuer, elle est devenue l’ennemie contre laquelle tout était permis puisque d’une part avec cet État infirme on pouvait tout se permettre, et que d’autre part le charme sombre de la voyoucratie et de l’immigration forcément innocente a supplanté, médiatiquement, tout ce que la réalité enseignait et qui crevait les yeux. Mais certains ne voulaient pas voir.

Cette transformation d’un État qu’on a craint dans la multitude de ses incarnations officielles, malgré les envies de déstabilisation ou de révolte, en une société qui a pris sa relève pour le pire, a été dévastatrice. Ce qui retenait a craqué. Ce qui dissuadait s’est effacé. La démocratie est apparue comme un concept de plus en plus creux, l’autorité telle une forme vide, les politiques comme au mieux des bonnes volontés dépassées, parce que les premières ont été vidées de sens et que les seconds se sont enlisés dans un parler tiède et une approche prudemment atténuée de la réalité et de son extrémisme incontestable. D’où la poussée considérable d’une droite extrême qui se situe au moins à 30% de l’électorat avec une très forte majorité approuvant les thèmes zemmouriens, jusqu’à l’éventualité du Grand Remplacement.

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Sur le plan régalien, on a muté : l’armement de l’adversaire est devenu, dans tous les sens du terme, supérieur au nôtre dont on peut d’ailleurs se demander en mille circonstances s’il a le droit d’être utilisé. Parfois j’incline à penser que notre monde, notre France (elle a son identité et je ne crache pas sur la conception contraire d’une France diluée dans l’universel au point de se perdre de vue, mais ce n’est pas la mienne) n’ont que l’envie de se coucher pour qu’on les achève.

Nantes, octobre 2021 Image: capture d’écran Twitter.

Pour finir, je voudrais répondre à un argument trop souvent répété mais guère convaincant aujourd’hui à mon sens.

Face aux tragédies, aux massacres, aux crimes, aux délits, à la démonstration que le Mal a pris la main (par exemple ce policier hors service poursuivi et gravement frappé par quatre voyous dans le train parce qu’ils l’avaient identifié et qu’ils affirmaient connaître son adresse : trois ont été mis en examen et incarcérés pour tentative de meurtre), l’argumentation de certains bons apôtres est de s’attacher au singulier pour refuser la leçon du nombre, de nuancer, d’affaiblir, de relativiser : ce n’est qu’un épisode de violence parmi d’autres, ce n’est jamais qu’un fonctionnaire de plus de molesté…

Pourtant il n’est plus pertinent ni honnête de raisonner de la sorte. Quand les transgressions, de la plus infime à la plus mortifère, se déroulent quotidiennement et toujours selon le même processus, on n’est plus face à des péripéties singulières mais à un climat délétère global, à un récit national, à une France qui n’est pas offensée ici ou là mais qui perd son sang, son identité partout où, victime expiatoire, elle succombe aux coups d’une malfaisance heureuse de son impunité, persuadée de l’avoir emporté pour toujours. Le Mal a pris la main. J’espère que sa seule faiblesse est de croire que ses adversaires politiques sont à perpétuité hors d’état de lui nuire.

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Magistrat honoraire, président de l'Institut de la parole, chroniqueur à CNews et à Sud Radio.

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