Le théâtre d’ombres du remaniement aura relégué dans les coulisses de l’actualité la félonie (au sens moral si ce n’est au sens juridique) de Pierre Moscovici, a qui jeté l’opprobre sur une Cour des Comptes désormais largement décrédibilisée.
Écume des jours, que ce remaniement car entre slogans creux et petites phrases, sur l’essentiel rien ne change. La violence explose (+ 63% de coups et blessures volontaires depuis 2017), il fallait donc que Darmanin reste au gouvernement pour continuer à accuser de tous les maux les supporters anglais, Kévin et Mattéo et Academia Christiana, que Dupont-Moretti reste au gouvernement pour continuer à affirmer que le « sentiment d’insécurité » est « de l’ordre du fantasme », et qu’Emmanuel Macron surenchérisse en attribuant les razzias du début de l’été 2023 à l’oisiveté, mère de tous les vices, et au manque de vacances à la mer et à la montagne. Attila, c’est bien connu, s’ennuyait beaucoup, et que celui qui n’a jamais pillé un magasin, brûlé une école ou incendié une bibliothèque pour compenser le manque de voyages lui jette la première pierre.
Mais Pierre Moscovici lui-même, avec toute son arrogance, n’est pas l’essentiel, seulement la partie temporairement émergée d’un iceberg bien plus dangereux. Le Parti Socialiste a brillament remporté 1,75 % des suffrages aux dernières élections présidentielles et 5 % aux législatives, et pourtant ! C’est un président de la Cour des Comptes issu du PS qui a caché à la réprésentation nationale des informations essentielles lors de l’adoption d’une loi dont un président de la République issu du PS a aussitôt annoncé qu’il ferait détricoter les dispositions qui lui déplaisent par un Conseil Constitutionnel dont le président est issu du PS, pendant que les régions dirigées par le PS annonçaient qu’elles refuseraient de respecter la loi. Et ce sujet a été chassé du devant de la scène par le remplacement d’une première ministre issue du PS par un premier ministre issu du PS, le tout dans une capitale dirigée (ou plutôt méthodiquement détruite) par une édile encartée au PS.
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« C’est une décision que j’ai prise, personnellement » a déclaré Pierre Moscovici, avouant en substance qu’il s’est senti légitime pour estimer, du haut de son immense sagesse, que le Parlement manquait de discernement et aurait utilisé ce rapport « à mauvais escient ». Macron en son temps avait affirmé « j’ai très envie de les emmerder, donc on va continuer de le faire, jusqu’au bout », le point clef n’étant évidemment pas la grossièreté du « emmerder » mais « j’ai très envie, donc ». Sur X/Twitter, un internaute a évoqué la « République du bon plaisir », qu’il me permette de lui emprunter cette excellente formule qui synthétise avec élégance la décadence, pour ne pas dire la déliquescence, des institutions léguées par le Général de Gaulle.
Et en bonne tradition gauchiste, le bon plaisir de cet extrême-centre constitué autour du « cercle de la Raison » cher à Jacques Attali ne manque pas de se draper de vertu, et de se nourrir de la conviction de sa supériorité intellectuelle et morale sur « ceux qui ne sont rien » et autres « sans-dents », accusant de populisme quiconque a l’outrecuidance de rappeler qu’en démocratie, normalement, le peuple est souverain.
Rien de nouveau sous le soleil, la gauche jadis était massivement opposée au vote des femmes car elle craignait que celles-ci soient trop influencées par l’Eglise : il faut croire qu’une démocratie de gauche, c’est fondamentalement une démocratie où seule la gauche a le droit de vote. Et la Vendée se souvient de la manière dont ceux qui croient que la France est née en 1789 peuvent traiter ceux qui savent qu’elle est née avec Clovis.
Plus récemment, un moment majeur de cet immense mépris que les apparatchiks socialistes – rapidement imités par les oligarques de droite – éprouvent pour les Français est la suppression de la peine de mort, dont ils ont toujours clamé avec fierté qu’ils l’avaient réalisée contre la volonté du peuple. C’est d’ailleurs devenu depuis l’exemple récurrent cité par le personnel politique, les éditocrates et les « philosophes » germanopratins pour démontrer, croient-ils, qu’il faut ne pas suivre la volonté générale, que les référendums sont dangereux, et – pour le dire clairement – que le peuple n’est pas fait pour exercer la souveraineté mais pour suivre des guides éclairés – eux-mêmes s’attribuant bien sûr ce rôle. Ils se prennent pour Richelieu canalisant les humeurs d’un Louis XIII immature et capricieux, oubliant opportunément que Richelieu, lui, a rendu la France plus puissante et plus grande alors que depuis des décennies l’hégémonie du « progressisme » gauchiste ne brille pas vraiment par la qualité de ses résultats.
Il ne s’agit pas de discuter ici du bien-fondé de la peine capitale, juste de constater que ces gens ont décidé, il y a 40 ans de cela, que la populace n’avait pas son mot à dire face aux beaux esprits qui président aux destinées du pays, et à leurs valeurs forcément supérieures à celles du vulgum pecus.
Le fait que l’abolition de la peine capitale ait figuré dans le programme de Mitterrand n’empêchait pas une large majorité des Français de vouloir son maintien : un programme électoral est forfaitaire, et on ne vote pas pour un candidat parce qu’on est d’accord avec le moindre de ses points. Mitterrand a du reste trahi bien des fois sa parole, et en 1983 il a définitivement abandonné le peuple et l’essentiel de son programme pour épouser le capital et l’Europe ploutocrate, cette fois au rebours du mandat à lui confié, à la plus grande joie du centre et de la « droite du fric », qui en retour ont adopté et le sociétal délirant, et la morgue anti-démocratique de leurs ennemis préférés.
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Tout ce beau monde ayant acté qu’il était décidément plus simple de gouverner sans le peuple, le RPR, parti de droite populaire, disparut bientôt pour laisser la place à un centrisme bourgeois mou, miroir du socialisme, au point qu’il devint impossible, la calvitie aidant, de distinguer un Juppé d’un Fabius.
Et c’est ainsi qu’au fil des décennies, tout en évoquant les mânes de Clemenceau, Blum et de Gaulle, cette clique qui a fini par se rassembler dans le macronisme a nié la Nation, ce seul bien des pauvres, au bénéfice d’un européisme fanatique ; contourné le référendum de 2005 pour mieux plier devant Bruxelles ; soutenu la soif de censure d’institutions sans aucune légitimité démocratique – on pense à Von Der Leyen appelant ces jours-ci au forum de Davos à un « contrôle global de l’information » ; et applaudi l’immigration incontrôlée, que la gauche populaire refusait pourtant jadis dans l’intérêt des travailleurs, au temps où elle comprenait encore qu’un lumpenproletariat d’importation est évidemment l’ennemi du prolétariat.
Moscovici a trahi l’esprit de sa mission pour favoriser la perpétuation de l’immigration massive. Dans le même but, Macron nie l’évidence du lien entre certaines immigrations et les razzias du début de l’été 2023. C’est que l’immigration massive, surtout en provenance de cultures pour lesquelles la soumission à l’arbitraire est la norme, que cet arbitraire soit divin ou politique, est l’outil parfait pour abolir la démocratie.
La démocratie présuppose en effet que soit constitué un démos, un véritable peuple, souverain sur son territoire, et non plusieurs communautés aux arts de vivre incompatibles se partageant une construction administrative, ou une population atomisée. Et c’est encore plus vrai de ce qui est encore plus précieux que la démocratie, ce qui, quel que soit le régime politique, est la véritable souveraineté des petites gens, le principal contre-pouvoir aux caprices des « grands » et aux fantasmes d’ingénierie sociale des idéologues : la décence commune.
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« Une population – un terme de la langue préfectorale et administrative – désigne l’ensemble des personnes qui habitent un espace. Un peuple, l’ensemble des héritiers d’une même histoire, soit une population façonnée par le temps. Il lui doit sa langue, sa religion, ses habitudes alimentaires, une façon de s’habiller et, en général, accompagnant ces traits distinctifs, une certaine fierté, sentiment qu’exaspère la présence prolongée d’intrus sur un sol qui n’est pas le leur. Les populations seraient beaucoup plus maniables si elles n’étaient constituées en peuples, ou, à défaut, en tribus, clans et communautés venant de loin, eux aussi ». Ce ne sont pas là les propos d’un dangereux identitaire s’excluant par ses outrances du sacro-saint « champ républicain », ni d’un populiste, d’un complotiste ou d’un quelconque « proxy de Moscou » pour citer Sébastien Lecornu (car conformément à la bonne vieille rhétorique des républiques bananières, la macronie aime dire que toute opposition présentant un risque réel pour le pouvoir en place est forcément aux mains d’agents de l’étranger). Non, rien d’aussi sulfureux. C’est une citation de Régis Debray, dans Civilisation. A méditer.
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