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De « Titane » à « L’Événement »: des prix dans l’air du temps

« Je ne réponds pas d’avoir du goût, mais j’ai le dégoût très sûr. » Jules Renard


De « Titane » à « L’Événement »: des prix dans l’air du temps
La réalisatrice Audrey Diwan, Lion d'or à Venise pour "L'évènement", 12 septembre 2021 © KIKA Press/Cover Images/SIPA Numéro de reportage : SIPAUSA31572479_000004

Le cinéma accorde une place démesurée aux thèses néoféministes. Après la Palme d’Or de l’esbroufe remise à Cannes au film raté « Titane », le film « L’Événement » vient de remporter le Lion d’or à la Mostra de Venise.


Il y a quelques semaines la Palme d’Or du festival de Cannes a été attribuée au film de Julia Ducournau, “Titane”. Rien que de très normal en ces temps où la dénonciation de la « masculinité toxique » et la lutte contre « le patriarcat hétéronormatif » sont devenus les sujets de prédilection de ganaches artistiques et engagées n’ayant aucune once d’imagination créative, aucune autre idée que celles distillées par les évangiles progressistes.

Secouer les murs de la normativité

La réalisatrice, viscéralement wokée, dit souhaiter secouer « les murs de la normativité ». Le Monde s’enflamme : « Julia Ducourneau signe un film de genre et transgenre, à l’image claire-obscure comme les flammes. » La Voix du Nord s’époumone : « Les tabous ne résistent pas longtemps à la force de Titane. » Heureusement, tout le monde n’est pas dupe. Dans Marianne, Olivier de Bruyn décrit la supercherie : cette « Palme d’or de l’esbroufe » est « un prix qui honore une fiction évoquant […] dans la plus grande confusion des thématiques contemporaines : clouage au pilori de la masculinité toxique, éloge d’un féminisme hardcore, apologie des mutations transgenres… ». Philippe Bilger, dans ces colonnes, a trouvé ce film « hilarant et grotesque » et d’une extrême médiocrité. Même Libération descend en flammes une « palme vraiment acier ». 

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Mais voilà, selon le barème actuel des cérémonies cinématographiques, Julie Ducournau a tout bon. Elle est une femme (10 points). Elle est jeune (10 points). Elle désire un « monde inclusif et fluide » (10 points). Elle est archi-féministe (10 points). Elle veut déconstruire les stéréotypes de genre (10 points). Le seul qui aurait pu sérieusement la concurrencer – et qui y est semble-t-il parvenu pour ce qui est du grotesque – c’est Paul Verhoeven avec Benedetta. Son film se veut féministe (10 points). Il évoque le lesbianisme (10 points). Celui d’une religieuse, qui plus est (10 points). Ce film a « au minimum troublé voire excité » Léa Salamé (10 points). Mais… le réalisateur est un homme (0 point). Il est né en 1938, c’est un boomer (0 point). Raté, de peu. En revanche, le film du franco-tchadien Mahamat-Saleh Haroun, Lingui, les liens sacrés, n’avait strictement aucune chance de remporter le moindre prix. Mahamat-Saleh Haroun est à des lieues des préoccupations du nouveau monde artistique déconstructiviste, inclusif, fluide et transgenre. Olivier de Bruyn parle d’un film puissant, exigeant sur le fond et sur la forme (0 point). Le réalisateur (0 point) dénonce la culture du viol au Tchad (0 point – s’il avait dénoncé la culture du viol en France, c’eût été autrement mieux noté) et l’influence délétère de l’obscurantisme religieux islamique qui punit très sévèrement l’avortement (0 point) – il en aurait été naturellement tout autrement s’il avait dénoncé les lois polonaises, ou filmé un avortement illégal en France dans les années 60, comme nous allons pouvoir le constater à l’instant.

Vent mauvais

« Vent féministe sur la Mostra », titre Sud-Ouest. Apparemment le jury de cet événement qui vient de s’achever utilise le même barème que celui du festival de Cannes. Audrey Diwan a réalisé « un film cru, intimiste et féministe sur l’avortement », écrit Le Monde. De plus, elle s’est inspirée d’un roman d’Annie Ernaux (écrivain bourdieusard ayant gagné ses galons de garde-chiourme des salons littéraires en libellant l’arrêt de mort sociale d’un écrivain qui écrit mieux qu’elle). Audrey Diwan vient par conséquent de remporter le Lion d’or de la 78e édition de la Mostra de Venise pour son film intitulé L’Événement. « Une femme a gagné l’Oscar, une femme a gagné la Palme d’or, une femme a gagné le Lion d’Or. Ça signifie forcément quelque chose, ça ne peut pas être le hasard », a notamment déclaré la réalisatrice. Elle a raison, et la suite du palmarès confirme que « ça ne peut pas être le hasard ». Le prix de la meilleure réalisation revient à Jane Campion, pour son film Le pouvoir du chien. Et pour cause : « Le film aborde la question de la masculinité exacerbée et toxique. » Le prix de la meilleure actrice est attribué à Pénélope Cruz « pour son rôle dans Madres Paralelas, de Pedro Almodovar, qui continue avec son actrice fétiche à célébrer la force des femmes et des mères face à des hommes lâches ou absents ». 

« Il semble se passer quelque chose dans le cinéma mondial. Comme un vent de jeunesse, de féminisme, d’audace. Un renouveau, peut-être, marquant la fin d’interminables décennies de primauté masculine sur le 7e art », écrit une Hélène Marzolf requinquée dans Télérama, résumant ainsi tout ce qui a été écrit à propos des films ayant remporté les derniers prix des plus prestigieux festivals cinématographiques. Très très peu de véritable travail de critique cinématographique dans ce que j’ai lu. Mais énormément de lieux communs néo-féministes nappés de sauce butlérienne.

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Revenons au très emblématique cas de Titane. La réalisatrice de cette daube est diplômée de la prestigieuse Fémis (École nationale supérieure des métiers de l’image et du son). Cette école réputée a bien sûr adopté l’écriture dite inclusive. Elle a également une Charte égalité (consultable sur son site). Cette charte promeut la parité partout, pour tou.te.s (étudiant.e.s, président.e.s, directeur.trice.s, etc.). Elle rappelle que la Fémis « agit en faveur de la lutte contre les stéréotypes dans l’enseignement et dans l’industrie du cinéma » et qu’elle organise « au moins une fois par an une journée de réflexion interdisciplinaire dédiée aux problématiques de genre » ; qu’elle a aménagé un « espace dédié aux ouvrages abordant les problématiques de genre » ; qu’elle organise « une demi-journée de formation lors de la semaine de rentrée pour tous les étudiant.e.s de 1ère année dédiée à la prévention des violences sexistes et sexuelles » ; qu’elle « met à jour régulièrement les statistiques sur le genre » dans son enceinte, etc. En somme, la Fémis, comme nombre d’institutions artistiques, universitaires ou politiques, a adopté les thèses néo-féministes sur le genre qui font les beaux jours des sous-doués de toute obédience. Ce petit monde paresseux et dogmatique a compris que dorénavant une reconnaissance médiatique ne saurait s’obtenir sans une soumission totale à tous les catéchismes démagogiques, féministes et “déconstructivistes”. Les ravages sont visibles dans toutes les sphères. Les pitreries de Sandrine Rousseau ou la prose odorifère de Virginie Despentes le démontrent. Au cinéma, ça donne le film de Julia Ducourneau, Titane.

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Amateur de livres et de musique. Dernier ouvrage paru : Les Gobeurs ne se reposent jamais (éditions Ovadia, avril 2022).

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