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Vanessa au village des jeunes

« Juniors », le film de Hugo P. Thomas, le 26 juillet dans les salles


Vanessa au village des jeunes
© The Jokers films

Dans « Juniors », le film de Hugo P. Thomas en salles mercredi 26 juillet, Vanessa Paradis se retrouve confrontée au mensonge de son ado, lequel prend des proportions inquiétantes. Un teen movie un peu trop propret.


Jordan, adolescent prépubère âgé de 13 ans, vit seul avec sa môman (Vanessa Paradis en guest star), infirmière de son état très prise par heures sup et gardes de nuit, dans le morne village bien nommé Mornas, un de ces bleds qui n’ont ni les attraits de la campagne, ni les ressources de la ville : un trou rural « sans qualité », comme ils se sont multipliés en France. Patrick, son meilleur pote, ado « issu de la diversité » (manifestement déjà pubère, lui, notons-le au passage) rate une coupe au rasoir exécutée sur le crâne du jeune Jordan; d’où décision, à tout prendre, de lui faire une franche coupe au bol. Scotché aux jeux vidéos et réseaux sociaux, notre Jordan ratiboisé décide alors en bon comédien de jouer le petit cancéreux en chimiothérapie, et lance sur la Toile une cagnotte en direction de la Corée (« please help me to stay in Life ! »), combine idiote destinée à se racheter la PlayStation qui vient de rendre l’âme. Mais, addiction aux réseaux oblige, tout le collège est vite au courant de l’affreuse maladie de leur camarade : par solidarité, les copains de la classe se tondent même la boule à zéro, et s’organisent en « meute des chauves » ; Jordan devient le héros à plaindre, à aimer, à soutenir ; tous les passe-droits lui sont permis : double ration à la cantine, personnel aux petits soins… Une vraie star ! Plus moyen de reculer : pris au piège de son mensonge avec la complicité passive de son binôme Patrick, il imite la signature de sa mère, s’invente des absences à l’école pour cause de traitement à l’hôpital, etc.

Conseil de discipline

Bref, on s’en doute, le pot-au-rose finit par être découvert. Tout est remis à plat, le mur du « Ca m’suffit » au décor plouc à souhait de chez môman est tagué, les potes trahis règlent leur compte à Jordan à l’occasion de la  fête masquée d’Halloween (fête française comme chacun sait), le coupable est viré du collège par le conseil de discipline, opportunité pour Vanessa Paradis d’ouvrir enfin le bec après le rôle quasi-muet qui a été le sien depuis le début de Juniors :  longue séquence monologuée où môman fait amende honorable quant à ses propres défaillances éducatives…

Passons rapidement sur les comparses: Fanny une improbable adolescente au physique précoce,  courtisée par le mioche Jordan et qui, elle, n’aspire qu’ à faire carrière dans la musique métal –  d’où certainement sa langue peu châtiée ( « ça me casse les couilles », dit-elle à un moment) ; une prof de dessin enceinte jusqu’aux dents qui parle de Marcel Duchamp à cette classe d’ignares absolus ; un burlesque entraîneur de self-défense qui, pour le coup, suscite à lui seul les seules (courtes) scènes du film qui soient irrésistiblement drôles. La séquence d’explication finale entre mère et fils devant leur assiette d’œufs brouillés manque sacrément de mordant. Tout autant que la réconciliation du « couple » Jordan/ Patrick (observons avec quelle singulière pruderie le film esquive de bout en bout la dimension libidinale qui circule entre tous ces garçons et filles chargés d’hormones – ici, ils ont des désirs, mais pas de sexualité).  


Après avoir exploré dans Willy 1er (2016) les affres du senior solitaire, le réalisateur Hugo Thomas donne dans le teen movie allègre et propret. Pourquoi pas ? Comédie gentillette au scénario paresseux et à la tonalité passablement insipide, Juniors mérite d’être mis en parallèle avec une réalité sociologique moins édulcorée, plus tristement réaliste et infiniment plus consternante : celle-là même qui, quelques semaines à peine avant la sortie du film, a mis la France à feu et à sang, jusque dans les patelins paumés du type Mormas… Certains gamins de notre beau pays bigarré ne sont pas seulement roublards et décérébrés. On a vu qu’ils peuvent être bien pires.    

Juniors. Film de Hugo P. Thomas. France, couleur, 2022.  Avec Vanessa Paradis, Ewan Bourdelles. Durée : 1h35.  En salles le 26 juillet 2023.   




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