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Jack Lang, trésor de France


Jack Lang, trésor de France
Eric Zemmour et Jack Lang, février 2020 Image: Capture d'écran YouTube / Cnews

En débat face à Eric Zemmour, Jack Lang a eu bien du mal à défendre la faribole de l’arabe « langue française ».


Quel choc ! Le président de l’Institut du Monde Arabe passé par un institut de beauté avant de débattre, mardi dernier, sur le plateau de Cnews ! Jack Lang avait, comme son sosie du musée Grévin, quelque chose de mortellement jeune ce soir-là ; quelque chose de Gustav von Aschenbach sortant de la boutique du barbier dans le film de Visconti, Mort à Venise ; il ne manquait plus qu’à lui mettre une rose à la boutonnière, l’une de celles qui se sont fanées avec le pays sous les voûtes du Panthéon.

Un émerveillement visuel

Chemise rose, col ouvert, costume bleu nuit, le cheveu teint et bouclé auréolant un visage qui semble n’avoir connu de la vie que sa caricature, sourire botoxé autour d’une denture d’image publicitaire, Jack Lang était persuadé d’émerveiller la France entière. Malheureusement pour lui, il n’a pas le talent oratoire de Marc Menant, qui racontait avant son passage l’exécution de Landru au petit matin ou l’exil de Napoléon à l’Île d’Elbe peu avant.

Les yeux cherchant l’inspiration dans les faux plafonds du studio de télévision, il commençait, tel Shéhérazade, à conter l’extraordinaire histoire de François 1er : « [Mon]  livre, La langue arabe, trésor de France, vise à expliquer au lecteur, à lui rappeler que nous sommes liés à la culture orientale, à la culture arabe, à la langue arabe depuis des siècles. La langue arabe, la culture arabe appartiennent à notre histoire. En quoi ? Lorsque François 1er, le grand roi François 1er… ». La confrontation n’allait pas tourner à son avantage

Le Sultan Zemmour en a marre de ces fadaises

Martelant sa parole de ses petits poings serrés, sans doute avait-il espéré qu’on l’écouterait toute la nuit et surtout que le Sultan Zemmour, frissonnant sous le charme d’un récit plein de rebondissements, non seulement diffèrerait sa mise à mort mais finirait par épouser sa thèse. Mais cette Schéhérazade ne fut qu’une chérie rasante. Aussi, se souvenant des dix mille et une autres nuits durant lesquelles elle avait abîmé le pays de ses histoires à dormir debout, le Sultan irrité par cette comédie n’attendit pas plus longtemps pour lui trancher la tête : « C’est votre idéologie multiculturaliste qui a mis le pays là où il est aujourd’hui ».

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Jack Lang n’était pas venu pour débattre mais pour assurer la promotion de son livre. Raté ! A court d’arguments historiques, il s’emporta devant un Zemmour qui lui recommandait la lecture de certains ouvrages fondamentaux et lui rappelait des évidences relatives à l’assimilation des étrangers. Aussi se réfugia-t-il derrière les planches de l’argument d’autorité comme un pauvre peón affolé par les cornes : « Je suis moi-même universitaire, professeur de droit, j’ai été ministre de l’éducation nationale. Croyez-vous un instant que l’homme qui a fait la loi sur le prix unique du livre et qui a contribué à sauver notre système d’édition ne se battrait pas bec et ongles pour la langue nationale ? »

Pourquoi se focaliser sur la seule langue arabe ?

Défenseur convaincu du plurilinguisme, il avait milité pour le renouveau de l’apprentissage des grandes langues comme l’allemand ou l’italien qui ne cessaient de reculer au profit de l’anglais. Ministre de l’éducation nationale, ne déclarait-il pas en 2001 : « Ma conviction est que la maîtrise des langues vivantes est une condition de la réussite personnelle et professionnelle de tous les élèves ». Vingt ans plus tard, la provocation trahissant la conviction, il donne à son livre un titre de manifeste : La langue arabe, trésor de France. Où sont passées les autres langues, hier chères à son cœur ?

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Que n’a-t-il, en février 2018, sur le plateau de Léa Salamé où il fut l’invité surprise, évoqué devant Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, ce trésor arabe oublié ! Les trois sujets qu’il aborda furent le temps scolaire, la formation des maîtres et l’éducation artistique à l’école. Comment a-t-il pu se taire sur un tel trésor ? Qui, depuis cette émission, lui proposa cette riche idée ? Serait-ce une personnalité amie qui se féliciterait en silence, comme dans Soumission, que la situation progresse comme il convient ?

Infernale démagogie

Sur ce même plateau, Jack Lang déclara que l’éducation artistique était « un remède contre la violence » et qu’elle « transformait l’atmosphère de l’école en lieu de résistance culturelle contre la marchandisation extérieure ». Aussi enjoignit-il à Jean-Michel Blanquer, avec autant de feinte passion que de vraie suffisance, de travailler en étroite collaboration avec sa collègue Françoise Nyssen. Ironie du sort, la maison d’édition de la ministre de la culture venait de publier Le capital de Van Gogh ou comment les frères Van Gogh ont fait mieux que Warren Buffet. Pour ceux qui ne s’en souviendraient pas, Warren Buffet est cet homme d’affaires américain parmi les plus riches au monde ; c’est lui qui déclara : « Il existe bel et bien une guerre des classes, mais c’est ma classe, la classe des riches qui fait la guerre et c’est nous qui gagnons. » Et ce livre d’expliquer qu’« en vérité, Van Gogh était un privilégié, obsédé par l’argent et la réussite. Plus surprenant, c’était un génie du placement financier ».

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Françoise Nyssen remerciée, Jean-Michel Blanquer n’avait plus à se rapprocher d’elle pour lutter, par l’éducation artistique, contre la « marchandisation » du monde.

Reste l’insubmersible Jack Lang, invité des radios et des plateaux de télévision, avec son « trésor de France » sous le bras, et aux lèvres son infernale démagogie. Comme lui, elle n’a hélas ! pas pris une ride.

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Ancien collaborateur parlementaire, Jérôme Serri est journaliste et essayiste. Il a publié Les Couleurs de la France avec Michel Pastoureau et Pascal Ory (éditions Hoëbeke/Gallimard), Roland Barthes, le texte et l'image (éditions Paris Musées), et participé à la rédaction du Dictionnaire André Malraux (éditions du CNRS).

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