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Effectifs des écoles coraniques: aussi inquiétants que difficiles à mesurer


Effectifs des écoles coraniques: aussi inquiétants que difficiles à mesurer
Vidéo de présentation du collège Ibn Khaldoun de Marseille. Image: capture d'écran YouTube

L’État doit lutter contre le développement des écoles sous influence islamiste. Céline Pina livre ses préconisations.


Il est difficile de chiffrer précisément le nombre d’enfants détournés du système scolaire par des parents soucieux de leur donner une éducation « pieuse et conforme aux valeurs de l’islam »…Et ce, du fait du mélange entre les chiffres de la déscolarisation et ceux de la scolarisation à la maison ou en établissement hors contrat. Il n’en reste pas moins que le phénomène se développe dans une certaine catégorie de population.

Selon l’Éducation nationale, les déscolarisations ont augmenté de 36% en 3 ans, sans que l’on sache à quel titre. Dans le Val d’Oise, ces déscolarisations auraient carrément augmenté de 40% en un an (!).

Selon le Sénat, dans les quartiers sensibles, ce sont près de 4 000 enfants qui auraient été retirés du système en deux ans. À juste titre, le fait inquiète les pouvoirs publics.

Un choix d’éducation pas anodin

Pourquoi ? Parce que ce choix d’éducation, lorsqu’il se traduit par l’inscription dans une école sous influence islamiste, montre la profondeur de la rupture des parents avec la société à laquelle ils sont censés appartenir. Au point de choisir une éducation qui empêche leurs enfants de trouver leur place, qui leur apprend à rejeter les principes, valeurs et idéaux de leur propre environnement et à considérer tout ce qui n’est pas eux, comme des « kouffars », des impurs, des infréquentables.

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L’association des Maires de France tire depuis des mois la sonnette d’alarme. En juin 2019, une question écrite posée au Sénat évoque la difficulté des maires à dresser la liste des enfants manquants, du fait des non-réponses de la CAF à leurs sollicitations. L’absence de liens entre les services empêche à la fois la mesure précise et la réponse appropriée au phénomène. De la même manière, certains maires continuent de se plaindre de la lenteur de l’action administrative lorsqu’il s’agit de fermer une école hors contrat. Là-dessus pourtant, l’État peut agir concrètement s’il ne souhaite pas que la lutte contre le séparatisme ne s’en tienne à des mots qui finissent lettre morte.

Il serait peut-être temps que l’État clarifie sa doctrine pour lutter réellement contre le séparatisme islamiste (…) Frères musulmans, salafistes, qui sont leurs soutiens et leurs financeurs ? La littérature en la matière est abondante, nos responsables politiques trouveront vite ; c’est pour ne rien voir qu’il faut de la persévérance.

Les conditions à remplir pour l’ouverture des écoles hors contrat ont certes été renforcées en 2018 par la loi, mais le phénomène de déscolarisation ne résulte pas d’une addition de volontés particulières. Il est le fruit d’un travail politique qui s’exerce à rebours de notre projet républicain afin de réislamiser une population. Le nombre d’enfants qui quittent l’enseignement public continue ainsi d’augmenter sur certains territoires. De plus, la résistance aux fermetures s’organise autour d’un discours de victimisation qui met souvent dans l’embarras les acteurs institutionnels.

La jeunesse est la première cible des islamistes, la question de l’enseignement leur est donc essentielle. La prise de conscience qu’entre les mains de certaines idéologies, l’enseignement participe à un effort, certes encore marginal mais qui s’ancre et s’amplifie, de prise de contrôle des esprits et des représentations, ne devrait pas être tabou.

École à la maison ou école clandestine ?

En attendant, tout est fait, sur les sites qui amènent petit à petit au repli communautariste, pour que l’offre d’écoles musulmanes se développe ou pour pousser à l’enseignement à la maison. Les sites « Avenue des sœurs », « Apprends-moi », « Ummi » et « Musulmans productifs » en sont des exemples. Faire l’école à la maison sans être accompagné n’est pas évident, mais on pousse malgré tout au retrait des enfants de l’univers scolaire pour des motivations purement religieuses. L’explosion de la scolarisation à la maison dans ce cas cache souvent l’inscription dans une école clandestine. Or dans nombre de ces écoles hors contrat dites musulmanes, la dimension islamiste est souvent flagrante dans le contenu des enseignements, et s’illustre aussi souvent par le voile que portent les fillettes. « L’établissement scolaire privé hors contrat n’est pas obligé de suivre les programmes et de respecter les horaires de l’enseignement public. Il peut donc choisir les méthodes pédagogiques de son choix et les rythmes de passage en revanche il doit permettre aux enfants d’acquérir les connaissances du socle commun de connaissances », selon la langue si harmonieuse du législateur. Bien sûr c’est sur la première partie du texte que les sites visant à aider les créateurs potentiels d’écoles sous contrat insistent.

Si le séparatisme islamiste est un vrai danger comme le dit Emmanuel Macron, on aimerait savoir pourquoi l’existence d’écoles hors contrat n’est pas tout bonnement supprimée ou suspendue.

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Tout comme l’enseignement à la maison pourrait être restreint à des situations identifiées : enfants malades par exemple. Le séparatisme islamiste prend pour cible les enfants et il y aurait un bon moyen là de répondre à la situation et de marquer sa détermination : si l’absence d’un certificat de scolarité en bonne et due forme entraînait la suspension de certains droits sociaux, il est probable que la pression qu’exercent les islamistes sur les familles musulmanes serait affaiblie. Les suivre deviendrait coûteux.

Une telle décision adresserait un message clair à ceux qui prônent ce séparatisme, elle serait facilement exécutable et réaffirmerait l’autorité de l’État. Cela a été tenté en 2010 pour mieux être défait en 2013.

Même sous contrat, des écoles problématiques

Mais que faire également avec l’enseignement dit musulman, quand il peut être lié aux islamistes, même sous contrat ?

« Je crois en les valeurs de l’islam, regrette la loi sur le port du voile de 2004, mais j’estime que cette loi abjecte nous a servis, car nous voyons des dizaines de projets fleurir, d’écoles et de lycées musulmans (…) Dans la mouvance des frères musulmans et de leurs prérogatives sur l’éducation de la jeune garde musulmane, nous enseignons en plus du programme de l’Éducation nationale la loi islamique, l’arabe et la charia, et permettons aux élèves de manger halal, de porter le voile, et de pratiquer leur islam comme ils l’entendent. Selon moi, il faut pousser les jeunes à s’engager dans le système politique français afin de protéger leurs droits en tant que musulmans. » Celui qui s’exprime aussi directement n’est autre qu’un des vice-présidents de l’UOIF et le directeur du lycée Ibn Khaldoun de Marseille, un lycée sous contrat avec l’État !

La revendication du lien avec les frères musulmans a de quoi interpeller. La mouvance a pour chef spirituel, Al Qaradawi, un homme qui vomit l’Occident et appelle au jihad. Elle se signale par ses liens historiques avec les nazis, le partage de la même haine raciale ayant favorisé les rapprochements à l’époque. On le voit, il serait peut-être temps que l’État clarifie sa doctrine : pour lutter réellement contre le séparatisme islamiste, quel que soit le domaine, il faut que l’État identifie d’abord et officiellement les islamistes. Qui sont-ils, quelle est leur idéologie ? Quels sont leurs réseaux ? Frères musulmans, salafistes, qui sont leurs soutiens et leurs financeurs ? La littérature en la matière est abondante, nos responsables politiques trouveront vite ; c’est pour ne rien voir qu’il faut de la persévérance.

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Pourquoi le positionnement de l’État et du président est-il essentiel? Parce que les institutions (mairie, rectorat ou préfecture) qui voudront fermer des établissements hors contrat vont essuyer des répliques politiques : accusation de racisme, de persécution à la religion, manifestations potentielles, scandales dans les écoles, interpellations politiques… Aussi, pour pouvoir agir, il faut alors être sûr du soutien de sa hiérarchie et de la clarté politique du gouvernement en la matière, car elle inspire et pousse au courage sur le terrain. Le poisson pourrit toujours par la tête dit le proverbe. Et si c’était aussi par là qu’il se régénère ? Ou pas.

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Ancienne conseillère régionale PS d'Île de France et cofondatrice, avec Fatiha Boudjahlat, du mouvement citoyen Viv(r)e la République, Céline Pina est essayiste et chroniqueuse. Dernier essai: "Ces biens essentiels" (Bouquins, 2021)

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