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Iran : même pas mal !


Iran : même pas mal !

Mahmoud Ahmadinejad

Grande nouvelle ! Les dirigeants chinois seraient maintenant disposés à ne pas opposer leur veto à un nouveau train de sanctions imposées par l’ONU à la République islamique d’Iran qui s’obstine à poursuivre son programme d’armement nucléaire.

Après la Russie, qui s’est ralliée au principe d’une pression internationale accrue sur le régime de Téhéran en échange d’un nouveau traité entre Moscou et Washington sur la réduction des armements stratégiques, c’est Pékin qui semble de mettre au diapason de la ligne « dure » des Occidentaux.

En fait, lorsque l’on regarde l’affaire de plus près, le « revirement » des Chinois consiste simplement à accepter de discuter, au sein du Conseil de sécurité de l’ONU augmenté de l’Allemagne, de l’ampleur d’éventuelles sanctions s’ajoutant à celles déjà en vigueur.

Ces discussions devraient se poursuivre jusqu’à la fin du printemps, une échéance proposée par Barack Obama lors de sa rencontre avec Nicolas Sarkozy. La Chine, et dans une moindre mesure la Russie, vont se battre pour que ces sanctions soient les moins douloureuses possibles pour le régime de Mahmoud Ahmadinejad. Elles seront soutenues, au sein du Conseil de sécurité, par le Brésil et la Turquie qui y siègent actuellement comme membres non permanents.

L’attitude de Pékin est toute de subtilité asiatique : les dirigeants chinois sont opposés à ce que Téhéran se dote d’armes nucléaires, mais ne soutiendra pas des sanctions « mordantes », telles que l’embargo sur les livraisons de carburant raffiné ou l’interdiction des ports internationaux à la flotte commerciale iranienne.

Le texte qui sera soumis au Conseil de sécurité sera donc, obligatoirement, un texte de compromis, et le temps nécessaire à sa rédaction mis à profit pour négocier en coulisses avec Téhéran d’une sortie de crise où personne ne perdrait la face. Cette séquence de quatre mois correspond, comme par hasard, à l’exigence adressée à Benyamin Netanyahou de gel des constructions à Jérusalem-Est.

L’option militaire, qui était encore sur la table avant l’accession de Barack Obama à la Maison Blanche, comme recours, au moins rhétorique, dans le dialogue avec Téhéran, est maintenant explicitement écartée par le Département d’Etat et le Pentagone.

Tous les efforts de la diplomatie US sont actuellement consacrés à dissuader Israël de se livrer à une attaque préventive contre les installations nucléaires iraniennes, en échange d’un « parapluie » nucléaire américain face aux menaces de Téhéran. Deux journalistes israéliens de Haaretz, Avi Issacharoff et Amos Harel, très bien introduits dans l’establishment militaire et diplomatique israélien, ont fait récemment état de la conviction de la plupart des hauts responsables de l’Etat juif : l’administration américaine se prépare à vivre avec un Iran doté de l’arme nucléaire, et discute avec ses alliés européens membres de l’OTAN de la posture à adopter dans cette éventualité. Le discours alarmiste de Barack Obama , le 2 avril , sur CBS News, affirmant que Téhéran poursuit imperturbablement ses objectifs nucléaires montre, certes, qu’il est tout à fait au courant de ce qui se passe. Mais ces propos ne s’accompagnent, en aucune façon d’une escalade, même verbale, de nature à faire comprendre à Ahmadinejad et Khamenei qu’ils risquent gros à se comporter de la sorte.

Même si l’on n’est pas la petite souris que l’on rêverait d’être lors des briefings stratégiques à la Maison Blanche, on peut imaginer la teneur des échanges entre les divers acteurs de ce dossier. Les militaires sont obnubilés par une sortie d’Irak, prévue pour la fin de l’année, qui ne soit pas pourrie par des attentats perpétrés par des milices chiites proches de Téhéran, plutôt calmes en ce moment. La neutralité iranienne dans le conflit afghan – les mollahs iraniens ne portent pas les talibans sunnites dans leur cœur – est précieuse, car elle évite de précipiter les persophones afghans dans la rébellion. Enfin, un Iran nucléaire, c’est peut-être ennuyeux pour les alliés traditionnels des Etats-Unis au Moyen-Orient (Egypte, Arabie Saoudite), mais cela ne menace en rien la sécurité des Etats-Unis. On devrait pouvoir calmer les angoisses de Ryad et du Caire avec le déploiement de quelques missiles nucléaires à moyenne portée dans le secteur. Les diplomates, ces « petits messieurs en pantalon rayé » que méprisait Harry Truman, ne portent plus de pantalon rayé, mais restent des champions de l’appeasement tous azimuts et se remettent lentement des traumatismes à répétition subis pendant l’ère George W. Bush. Les représentants de l’économie ont une peur bleue d’un nouveau choc pétrolier qui pourrait survenir si la crise iranienne dégénérait en un affrontement violent, armé ou non. La presse et l’opinion publique, aux Etats-Unis et en Europe sont peu mobilisées sur cette question. Le mouvement de solidarité avec les opposants iraniens à Ahmadinejad, qui est bien réel, ne contribue pas à pousser les gouvernants vers la fermeté : un choc frontal avec le régime de Téhéran pourrait provoquer un mouvement de rassemblement populaire autour du régime, affirment des exilés iraniens et ceux qui les soutiennent.

Rien n’incite donc Washington à pousser les feux sur ce dossier, et l’on ne voit pas comment des Européens, plus lucides sur les dégâts prévisibles provoqués par un Iran nucléaire que la nouvelle administration américaine, pourraient agir seuls, ou même persuader Washington de se montrer plus ferme.

Au bout du bout du banc, le dilemme est porté par les seuls Israéliens : to hit or not to hit, frapper ou ne pas frapper. L’Iran puissance régionale nucléaire, cela signifie la fin du pouvoir de dissuasion d’Israël vis-à-vis du Hezbollah et du Hamas, l’ébranlement des régimes « modérés » de la région, principalement en Jordanie et en Egypte où les islamistes auront beau jeu de faire valoir que la résistance paie plus que la soumission. On peut estimer, sans être traité d’apprenti-sorcier, qu’il est légitime, d’un point de vue israélien, de tout faire pour éviter de se retrouver dans une telle situation. L’hypothèse, avancée par quelques têtes d’œufs de think tanks américains de gauche, selon laquelle la possession de l’arme nucléaire responsabiliserait le régime des mollahs, comme elle a jadis rendu rationnelle et prudente la politique extérieure de l’URSS, ne semble pas de nature à rassurer les gens ordinaires de Tel Aviv ou Haïfa.

Tout cela, comme disait ma grand-mère, ne présage rien de bon pour nous. Et ce nous, en l’occurrence, va bien au-delà de ceux qui se réclament de la culture et de la tradition juive.



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