Accueil Société Empathie mon cul, dirait Zazie…

Empathie mon cul, dirait Zazie…


Empathie mon cul, dirait Zazie…
Gabriel ATTAL, ministre de l'Education nationale et de la Jeunesse, s est rendu à l'école Berthelot, à Denain, le 15 decembre 2023 FRANCOIS GREUEZ/SIPA

Gabriel Attal a décidé, pour combattre le harcèlement, de faire donner entre une et deux heures de cours d’empathie aux élèves. Un concept venu tout droit du Danemark et des États-Unis, où on se serre dans ses bras en émettant tout ce que l’on peut d’ondes positives. Une solution qui fait manifestement sourire notre chroniqueur, qui n’a décidément pas la plume compassionnelle…


L’Éducation Nationale, c’est formidable. Faute d’avoir une ligne claire — on instruit les élèves et on compte sur les Lumières ainsi prodiguées pour contrebalancer les horreurs entendues au sein des familles, des « communautés » et des ghettos —, on ajoute et on surajoute des heures de remédiation chaque fois qu’un problème se pose.

Les élèves sont trop gros ? Au lieu d’augmenter le nombre d’heures de sport, en le rendant vraiment obligatoire — y compris la piscine pour les filles que cela dérange sous des motifs à 90% religieux —, on initie les gosses à la gastronomie, sous couleur de combattre la malbouffe. Ils se font écraser à la sortie de l’école ? On invente des formations « permis de conduire ». Ils maltraitent ceux d’entre eux qui sont présumés homos, massacrent les obèses, humilient les plus faibles, et forcent les filles à leur faire des pipes dans les toilettes, prestations qu’ils filment et s’envoient les uns aux autres pendant les cours ? On décide de leur distiller des cours d’empathie. Et l’on publie sur le site d’Eduscol un « kit pédagogique pour les séances d’empathie à l’école ».

L’empathie, c’est, à partir de racines grecques, ce qu’est la compassion à partir de racines latines. Compatir, c’est littéralement souffrir avec. Quelque chose comme les Alcooliques anonymes… Mais « compassion », cela sonnait exagérément chrétien, ce qui la fiche mal dans un pays qui n’ose plus souhaiter un « Joyeux Noël » et se réfugie derrière l’euphémisme « Joyeuses fêtes ». Donc, empathie. C’est le même mot en anglais (empathy) et, justement, en danois (empati). Give me a hug — on s’enlace et on est en empathie. Si tous les gars du monde — on connaît la suite.

A lire aussi: L’immigration, point aveugle de l’enquête PISA

Sauf que les harceleurs sont très forts, sur l’empathie. Ils sentent d’une heure au loin les faiblesses de leur proie potentielle (c’est le principe de tout prédateur, repérer le buffle ou le gnou un plus faible dans le troupeau). Et si jamais ils ne l’ont pas senti, on va le leur signaler.
Imaginons un cours où l’on expliquerait : « Kevin (ou Mohamed, ne stigmatisons personne), sois gentil avec Charles-Edouard, il est plus faible que toi, il court moins vite, il a de petites manières que d’aucuns qualifierait de « féminines », peut-être préfèrera-t-il les garçons plus tard, mais c’est très mal de ne pas être gay-friendly… »

Gabriel Attal a raconté avoir été la cible, à l’École alsacienne, de ce petit harceleur de Juan Branco. Pensez-vous sérieusement qu’un cours d’empathie aurait suffi à extirper de la tête d’un petit caïd l’idée qu’en massacrant l’un de ses camarades, il se glorifie lui-même — et éloigne de lui toute suspicion ? Parce que c’est souvent la clef du gay bashing, comme on dit depuis qu’on ne parle plus français. Passer pour un surmâle au moment même où l’on a des doutes sur sa propre sexualité.

« Cet âge est sans pitié », disait fort bien La Fontaine (dans « Les Deux pigeons »). Les enfants sont naturellement violents. Ce sont des bouquets de pulsions, parce qu’ils nous arrivent dans l’état de nature, comme aurait dit ce crétin maximal de Rousseau — qui s’est fait pas mal harceler par Diderot, D’Alembert, Voltaire et tutti quanti. Le boulot des enseignants est de dénaturer l’enfant, de le redresser (en latin, stare, racine de « instituteur », signifie « se tenir droit » : c’est ce qui a donné « tuteur » et « instituteur ». Vous sentez les mains de votre vieil instit qui appuyait sur vos omoplates : « Jean-Paul, tiens-toi droit ! » Et dans cette injonction, il y avait bien sûr la rectification de la position, mais aussi l’obligation de sortir des pensées tordues qui sont naturellement celles des gamins.

A lire aussi: A l’école de la lâcheté

C’est par la culture tous azimuts que l’on sort de l’état de nature. Ce n’est pas en tentant de culpabiliser le harceleur — qui s’en fiche bien ! Chez lui, il est enfant-roi, il tyrannise sa mère et ses petites sœurs, il est un tyran à l’échelle domestique, prêt à s’élancer sur le théâtre du monde. Tous les anciens harcelés n’ont pas la chance d’être ministre de l’Éducation. Il en est qui se suicide, on l’a vu récemment, on le voit tous les jours.

Et, mesure essentielle, s’il faut effectivement renvoyer les coupables séance tenante (et non le harcelé, comme aujourd’hui), il faut aussi se soucier de l’endroit où on les réinscrira — c’est leur droit, jusqu’à 16 ans. C’est pourquoi je préconise l’inscription forcée dans un autre établissement loin, très loin de leur famille, de leurs « grands frères », de leur quartier. À charge à leurs parents de les y conduire le matin, ou, mieux, de les y laisser. Dans l’un de ces Internats d’excellence créés sous le ministériat de Luc Chatel, où on leur apprendra, avec des mesures intelligemment coercitives, que le harceleur d’hier peut devenir à son tour victime — comme Alex dans Orange mécanique.

Sur ce, Joyeux Noël.



Vous venez de lire un article en accès libre.
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !

Article précédent Sino-dépendants et pour longtemps
Article suivant La loi de la discorde
Normalien et agrégé de lettres, Jean-Paul Brighelli a parcouru l'essentiel du paysage éducatif français, du collège à l'université. Il anime le blog "Bonnet d'âne" hébergé par Causeur.

RÉAGISSEZ À CET ARTICLE

Le système de commentaires sur Causeur.fr évolue : nous vous invitons à créer ci-dessous un nouveau compte Disqus si vous n'en avez pas encore.
Une tenue correcte est exigée. Soyez courtois et évitez le hors sujet.
Notre charte de modération