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Canal plus, comme un air de campagne…

Bon anniversaire à la première chaine payante de France


Canal plus, comme un air de campagne…
Antoine de Caunes alias "Didier l'embrouille", sur le plateau de l'émission de Philippe Gildas. DR.

Monsieur Nostalgie se souvient du lancement de Canal Plus, il y a, jour pour jour, 40 ans. À l’origine, le canal 4 n’était pas cette chaîne critiquée comme trop « parisienne » par la suite, révèle-t-il.


Le logo de la chaine de 1984 à 1995.

Les historiens s’écharpent sur le point de bascule. À partir de quand, « l’esprit Canal » insufflé par Alain De Greef, tête chercheuse du PAF, est retombé comme un soufflé au fromage. Un jour, il n’a plus fait rire. Il a même commencé à sacrément agacer par son impunité médiatique et son insolence moralisatrice. Il s’est mué en un arbitre du bon goût et en baromètre d’une liberté d’expression à sens unique. De la maison de toutes les audaces au grand gloubi-boulga globalisé. Tout ça semble si loin, aujourd’hui, l’irrévérence et le ricanement ont fait leur temps, et n’amusent plus que quelques passéistes à bandes molletières.

Un 4 novembre 1984…

Notre pays a traversé une crise d’identité et une perte totale de ses repères en quarante ans. La France a tourné le dos au second degré. L’humour segmenté est devenu un nouveau casernement de la pensée. Il est communautaire et parcellaire. On ne rit plus ensemble mais contre quelqu’un. Si « l’esprit Canal » s’est dilué dans une mondialisation faussement émancipatrice, nous n’oublierons pas ses débuts, en novembre 1984. Nous avions dix ans au lancement de la première chaîne payante qui inventait le décodeur et le porno à domicile, le foot par abonnement et les nouveautés cinéma dans son canapé. Dans les campagnes, un réseau parallèle de décodeurs bricolés au fer à souder dans les garages florissait et le film interdit au moins de 18 ans du samedi soir motivait l’ingéniosité des adolescents en rut. De la passoire aux spasmes cathodiques, la pamoison ne tenait qu’à un fil d’antenne. Pour la première fois, nous avions accès au basket américain et aux matchs de boxe en direct. Et les programmes en clair auront été le meilleur produit d’appel pour débourser 120 francs par mois. Ne croyez pas que Canal était parisienne et élitiste ; au contraire, à son origine, elle était provinciale et populaire. Après quelques ajustements marketing, les responsables commerciaux ont compris que le salut de la chaîne passerait par les départements et les sous-préfectures, et non les CSP ++ comme on les apprenait au lycée en cours de sciences économiques. Ce sont les classes moyennes qui l’ont adoptée et ont adhéré à son projet potache.

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Secrets d’histoire

Je vous révèle aujourd’hui une vérité longtemps cachée par les salisseurs de mémoire. Canal Plus a été créée par des berrichons. Sans le Berry, point de Mademoiselle Agnès, de Didier L’embrouille, de gadgets foireux de Bonaldi ou de la Maxi-Tête de Sophie Favier. Aux manettes de ce canal historique, on retrouve la fine fleur des hommes du Centre de la France, du Cher et de l’Indre, Michel Denisot en monsieur loyal castelroussin, pas encore patron de la « Berrichonne » accompagné par un Gérard Depardieu parrain de l’événement qui, pour l’occasion, était venu faire la promotion de Rive droite, rive gauche de Philippe Labro, sorti le 31 octobre, soit quelques jours avant la mise en orbite de la 4ème chaîne. Sans oublier, la présence tutélaire de Philippe Gildas qui ne vient pas de nulle part. Le journaliste s’est toujours senti breton mais a passé toute son enfance à Bourges, à l’ombre la cathédrale Saint-Etienne. Et que dire enfin d’André Rousselet, le grand manitou de Canal Plus, taximan de Mitterrand, qui avait des attaches anciennes avec l’Indre, ne fut-il pas sous-préfet à Issoudun en 1953 ? Simone Veil, dont le mari était en stage à la préfecture de Châteauroux, a raconté leur escapade chez les antiquaires de la région quand les hauts fonctionnaires n’étaient pas accablés par une charge de travail excessive et des émeutes urbaines éruptives. Nos confrères de La Nouvelle République rapportaient les propos de Simone, en 2016 qui s’amusait de cette douce léthargie : « Drôle d’époque où les hauts fonctionnaires de la République bénéficiaient de temps libre ! ».

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Alors, même si on est parfois sévère avec les dérives modeuses et affranchies d’une chaîne qui s’est voulue prescriptrice et guide spirituelle de toute une génération, la première décennie de son existence nous ramène au temps des doudounes Chevignon et des jeans Liberto, du Top 50 à 18h45 et de Jean-Claude Bouttier nous initiant au noble art. Une époque où Marc Toesca annonçait à la France médusée que Peter et Sloane et Cookie Dingler étaient devant Scorpions et Stevie Wonder au classement des 45 tours n’est pas totalement mauvaise, et cette parenthèse enchantée où Sardou chantait les deux écoles et Isabelle se noyait dans son pull marine nous ramène dans les limbes. En ce jour anniversaire, je veux avoir une pensée et verser une larme pour Martine Mauléon disparue en 2003 qui nous parlait déjà de la crise de l’emploi et tentait de « réindustrialiser » nos campagnes.

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Journaliste et écrivain. À paraître : "Tendre est la province", Éditions Equateurs, 2024

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