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«Athena», un autre réel

Un film politique et social aussi ambitieux que raté


«Athena», un autre réel
© Netflix

Avec « Athena », le réalisateur Romain Gavras s’empare à son tour de la thématique de la banlieue. Il semble y décrire ce que la France pourrait être, ou pourrait devenir, selon lui. Si l’image est impeccable, les acteurs qu’il nous donne à observer pendant 1h37, et surtout le scénario, n’en font pas une franche réussite.


« Athena » promettait d’être le long-métrage social à la française évènement de 2022. Après « Les Misérables » (2019) qui avait plu à la gauche, ou « Bac Nord » (2020) qui avait tant plu à la droite, il fallait une synthèse. Le réalisateur des « Misérables », Ladj Ly, a d’ailleurs largement collaboré à la réalisation d’ « Athena ». Mais force est de constater qu’au lieu de plaire à tous, « Athena » déçoit tout le monde. 

Un film pour Netflix

À première vue, pourtant, tout est là pour plaire : prises de vue dynamiques, caméras immersives, plans-séquence impressionnants de qualité. Sur le plan technique, « Athena » est presque inattaquable.

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Le film ne sort que sur Netflix, et pas en salles. C’est regrettable pour qui voudrait profiter au mieux de cette débauche de moyens. Des feux d’artifice scintillent dans la nuit, luisent sur les boucliers des CRS, ils allument l’image puis le feu s’empare de tout l’écran… Or, cette technique impeccable ne sert malheureusement qu’un fond assez brouillon. Toute aussi ambitieuse que le reste, la galerie de personnages et leur exploitation ne se révèlent pas du tout à la hauteur. Quant au scénario, il prête finalement à sourire.

« Athena », c’est donc l’histoire de trois frères issus du quartier éponyme. Ayant appris que son petit frère a été tué par des policiers, Karim décide de soulever son quartier contre la police assassine pour assouvir sa vengeance. Tandis que la police va assiéger le bloc d’Athena pour mater la rébellion dont Karim a pris la tête, le troisième frère, Abdel, militaire, tente de jouer le médiateur, ayant un pied dans chaque camp.

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Entre des immeubles cyclopéens, des échelles en bas de remparts, des formations « tortue » et toutes ces flammes infernales, on l’a compris, c’est le siège de Troie qui se rejoue métaphoriquement.

Tout le monde il est gentil sauf l’extrême droite

L’écueil, comme souvent, c’est le réel… Car il n’y a ici ni gentils, ni méchants. Les flics sont dans leur bon droit en suivant les ordres reçus, et les banlieusards le sont tout autant en recherchant la vengeance. Dans ces deux mondes qui s’affrontent, l’un est autochtone, et l’autre étranger. Il y a toujours « eux » et « nous », sur un même territoire. Si des « jeunes de quartier » prêtent allégeance à l’Etat, ils ne sont ainsi que des vassaux, et peuvent se rebeller à chaque instant, chaque univers n’ayant rien en commun avec l’autre. Entre la banlieue et la France, il n’y a qu’une quatre-voies qui les relie. 

Mais tout cela, c’était sans compter sur le dénouement pathétique que nous inflige Romain Gavras, avec l’arrivée tarte à la crème de la méchante extrême-droite. On l’apprend assez vite, oui, les responsables du meurtre du frère de Karim et Abdel ne sont autres que des fascistes voulant provoquer l’embrasement. Les salauds ! Si cette proposition n’est pas forcément déconnectée du réel, étant donnée la popularité grandissante et inquiétante de l’accélerationnisme, elle tombe vraiment ici comme un cheveu sur la soupe. 

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Gavras nous dit qu’au fond, le plus grave, ce ne serait pas tant que des milliers d’immigrés aient désormais peut-être la capacité de déclencher une guerre civile dans notre pays. Non, le message à retenir, c’est que ceux-ci devront un jour savoir s’unir avec la police contre la vraie menace et le bruit des bottes. Au fur et à mesure que le film avance, l’histoire perd donc beaucoup en puissance. 

« Athena » aurait pourtant pu montrer un autre réel, comme celui que nous avons déjà vécu en 2005 par exemple, celui que les Etats-Unis ont traversé lors du mouvement Black Lives Matter en 2013, ou celui que nous vivrons peut-être demain si la France connait son George Floyd. Lorsque l’Etat faute, ou offense brusquement un peuple exogène soumis à sa loi, celui-ci se rebelle. Le récit de ce réel-là, de cette rébellion, de ces « Français » dont on craint qu’ils puissent demain vivre « face à face » (copyright Gérard Collomb), voilà ce qu’« Athena » aurait pu ou du filmer. Mais non, l’important c’était apparemment de condamner une nouvelle fois l’extrême-droite ! À moins que Romain Gavras n’ait eu peur de vraiment choquer les spectateurs et la critique bien-pensante ?

Sur Netflix.



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Jeune (dés)espoir du journalisme politique. Etudiant, pigiste, et un peu poète.

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