Accueil Société Après les vieux, les jeunes. Mais, jusqu’où s’arrêteront-ils ?

Après les vieux, les jeunes. Mais, jusqu’où s’arrêteront-ils ?

En France, le marché privé représente désormais 26,1% des effectifs de l'enseignement supérieur


Après les vieux, les jeunes. Mais, jusqu’où s’arrêteront-ils ?
Illustration avec des billets de banque de differentes coupures 26 janvier 2023, Toulouse FRED SCHEIBER/SIPA 01100918_000010

Après les succès enregistrés dans les EHPAD : « Investissement unique. Revenus élevés. Garanties », les  investisseurs s’intéressent désormais à l’enseignement supérieur : « Marché perçu comme rentable voire porteur de perspectives florissantes ». Mais l’éducation peut-elle être un business comme un autre?


Galileo Global Éducation – pour des jeunes leaders mondiaux ?

Je vous en donne mon billet que peu de parents (ou même d’étudiants) du cours Florent, de l’école d’art Penninghen, de l’école de design Strate, du Conservatoire Libre du Cinéma Français, de l’Atelier de Sèvres, de l’Atelier Chardon Savard, de l’ESG, ou même de l’école de journalisme et de communication IICP (devenue Narratiiv) se doutent que leur destin dépend pour 37% de la fille de Mamy Shampooing, via Téthys Invest, et pour 37 %  des papys et mamys canadien-ne-s, via leur fonds de pension. Ces renommés établissements d’enseignement supérieur (actuellement vingt-cinq en France) appartiennent en effet tous à Galileo Global Education (61 écoles sur 106 campus dans 18 pays).

Once upon a time

Galileo Global Education émane d’un fonds d’investissement américain : Providence Equity Partners. En 2011, ce dernier commence à acheter, ici et là et un peu partout, des établissements d’enseignement supérieur de référence, comme en France l’Atelier de Sèvres, en Allemagne l’université privée Macromedia, au Mexique l’IEU, principal réseau d’enseignement supérieur privé ou encore l’Instituto Marangoni, une école de mode internationale.

En 2016, sur sa lancée, ce fonds met 250 millions sur la table pour acheter Studialis, « plate-forme française d’éducation supérieure », qui de son côté avait acquis, elle aussi, pas mal de « grands noms » comme PSB (Paris Business School), l’ESG (École Supérieure de Gestion), l’IESA, école supérieure d’art …

En 2018, par le biais de sa filiale, Téthys Invest, la famille Bettencourt-Meyers devient actionnaire de référence avec 25% des parts, Providence Equity Partners restant cependant majoritaire. Mais, pas pour longtemps. En 2020, le fonds américain met en vente le groupe pour un montant estimé à 2,5 milliards d’euros. KKR et BlackRock sont sur le coup mais ne font pas affaire. Le nouvel actionnariat est composé de Téthys Invest, qui passe de 25% à 37%,  à parité avec CPPIB, l’office d’investissement du régime de pensions canadien, de Montagu Private Equity pour 17% et de Bpifrance (notre banque publique d’investissement)  pour 9%.

En 2020, Regent’s University  of London rejoint le groupe. En 2021, c’est au tour de l’IPET, une école de kinésithérapie située au Mexique, et de Health Events, organisme français de formation continue à destination des professionnels de santé. Toujours en 2021, est créé et non acheté, petite nouveauté, un institut de formation d’aides-soignants avec « un enseignement 2.0 en majorité à distance ».

En 2022, AKAD University, école de commerce de Stuttgart, rejoint le mouvement, ainsi que  TAI, école d’art espagnole. La même année, le groupe entre au capital d’EM Lyon Business School à hauteur de 40% du capital. Opération financière, bien loin du modèle old school des étudiants de Sup de Co qui, en début d’année, faisaient traditionnellement de la réclame, dans leur entourage industriel, pour récolter de la taxe d’apprentissage pour « aider » leur école.

Echapper à Parcoursup à « tout » prix

Tous ces établissements, qui ne mettent plus en avant les témoignages des anciens élèves mais les stories des alumni, ont en commun de sélectionner à leur guise, c’est-à-dire avec « simplicité »,  « réactivité »,« agilité », « souplesse », « personnalisation », et surtout de n’être pas « bon marché ». Leur préoccupation essentielle : « placer l’humain au cœur des processus de recrutement » via des entretiens qui « permettent de mieux connaître les candidats, d’évaluer leurs motivations, leurs compétences et leur adéquation avec la philosophie de l’école » et aussi … de mesurer  la solvabilité du candidat et de ses géniteurs.  

Le coût de l’année varie entre 6 500 € et 24 000 €. Pour une année de droit et d’intelligence juridique à l’ELIJE, à Paris, Lyon, Toulouse ou Montpellier (oui, oui le droit ne s’apprend plus seulement à l’université), il faut compter entre 6 500 € et 9 000 €. En revanche chez Marangoni, entre les frais d’inscription et la scolarité, l’addition s’élève à  23 400 €, et encore pour huit mois (de début octobre à fin mai).

Dieu merci des bourses existent ; les plus courageux peuvent aussi se trouver des petits contrats via les réseaux des écoles et les juniors entreprises. Studi, l’offre en-ligne de Galileo  propose aussi « 150 formations – 100 % en ligne », dont certaines « 100 % financées pour les demandeurs d’emploi ».

Sinon, pour le pékin moyen : « Ce que l’avenir promet, la Poste l’apporte ». Cette dernière a en effet des « partenariats » avec ces écoles et propose des prêts personnalisés pouvant aller jusqu’à 50 000 €. Pour 10 000 € : 48 mensualités de 208,76 €. TAEG fixe de 0,10 %. Pour 50 000 €, faites le calcul. Une babiole bien sûr si, à la sortie, comme prévu, vous êtes embauché par la banque Rothschild.

Ni études de genre, ni sociologie éveillée

Pour le moment, (il ne faut jamais jurer de rien), Galileo n’a pas jeté son dévolu sur des formations à la théorie du genre et autres frivolités. On reste classique. Ce qui explique peut-être qu’en 2022-2023, si le nombre d’étudiants dans le supérieur a globalement diminué de 1,5 % , il a effectivement diminué de 3,1 % dans le public mais parallèlement augmenté de 3,3 % dans le privé ; et ce « marché » représente désormais 26,1% des effectifs du supérieur.

Pour les complotistes, qui verraient malice dans tous ces « mouvements de fonds », lire Les imposteurs, excellent thriller de John Grisham, paru en 2017. Ils ne seront pas rassurés.

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